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9) PAGE 60, VERS 5.

Cùm Juno, æternum servans sub pectore vulnus,
Hæc secum: Mene incepto desistere victam?

Il est inutile de dire combien cette expression est énergique, le mot æternum ne peut convenir qu'à une déesse, les dieux seuls ayant le privilège de concevoir des haines éternelles.

Hæc secum.

10) PAGE 60, VERS 6.

Le caractère du discours de la déesse devoit être annoncé avec cette brusque précision.

"PAGE 60, VERS 6.

Mene incepto desistere victam?

Ce mot ajoute infiniment à l'effet. Que Junon renonce à sa vengeance par lassitude, la consolation est plus facile; mais y renoncer parce qu'elle est vaincue, blesse profondément son orgueil.

Nec Italiâ Teucrorum avertere regem?
posse

Que Junon ne puisse exterminer un roi des Troyens, sa fierté doit en être vivement blessée; mais elle ne demande qu'à lui fermer l'Italie, et ses efforts sont impuissans: aussi s'irrite-t-elle de l'opposition des destins. Tout le reste du discours est admirable, il est puisé dans une connoissance profonde du cœur humain; car le cœur des dieux, quand on

le suppose passionné, c'est encore le cœur humain. En oppo sition avec l'impuissance où elle est de se venger, elle se représente l'éclatante et complète vengeance qu'une déesse inférieure a su tirer des Grecs. Déjà aucun détail n'échappe à ses souvenirs jaloux; elle aggrave le supplice, elle atténue l'offense. Elle voit Pallas embrasant la flotte des Grecs, les submergeant dans les mers; saisissant la foudre de son époux, dont elle a osé usurper l'empire; la lançant du haut des airs: les vaisseaux dispersés, la mer bouleversée, ont senti le pouvoir de cette divinité subalterne: le malheureux Ajax, percé des flèches de la foudre, les revomissant de son flanc sillonné, est emporté dans un tourbillon de flammes, et lancé contre un rocher aigu. Mais ce qui donne plus de force et de vérité à cette peinture, c'est le mot ipsa, Pallas ne confie point sa vengeance à des mains étrangères ; c'est elle-même qui se venge, elle-même qui tonne. Si l'on doute de la vérité et de la force de ce sentiment, qu'on écoute Hermione songeant à assassiner elle-même Pyrrhus, si, malgré sa promesse, Oreste n'ose l'immoler:

Quel plaisir de venger moi-même mon injure! (RACINE, Andr., acte iv, scène ш.) Après s'être fait un tourment de l'infériorité triomphante de Pallas, Junon s'en fait un de sa supériorité humiliée :

Et moi qui marche égale au souverain des cieux....

:

Qui suis l'égale du souverain des cieux voilà le mot simple. Combien le mot marche est supérieur! Combien il ajoute à la beauté du vers! C'est la démarche, en effet, qui

caractérise la noblesse des personnages: aussi Virgile dit-il, en parlant de Vénus:

Et vera incessu patuit dea.
(Eneidos, libr. 1, v. 409.)

« Elle marche, et son port révèle une déessc. »

Racine a senti la beauté de cette expression, lorsqu'il fait dire à Mathan:

« Je ceignis la tiare, et marchai son égal. »
(RACINE, Ath., act. I, sc. Iv.)

Et quisquam numen Junonis adoret
Præterea, aut supplex aris imponat honorem?

Ces deux derniers vers expriment vivement le dépit de la fierté humiliée et de l'orgueil au désespoir. Tout, dans ce discours, est animé; chaque mot a son effet : c'est le premier des poëtes faisant parler la première des déesses.

12) PAGE 62, VERS 4.

Nimborum in patriam, loca feta furentibus austris,
Eoliam venit, etc. >

La peinture du séjour des vents est d'une admirable beauté : mouvement, images, harmonie, surtout l'harmonie imitative, y sont prodigués. Suivant que le sujet l'exige, le vers s'arrête ou s'élance. Eoliam venit. Cette coupe brusque l'arrivée précipitée de Junon chez Éole.

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13) PAGE 62, VERS 6.

Luctantes ventos tempestatesque sonoras.

On entend, dans la répétition de la lettre t, les efforts

réitérés des vents luttant contre leurs chaînes; car, dans l'harmonie imitative, il existe un heureux choix, non seulement de mots, comme l'a dit Despréaux, mais de lettres, qui frappent fortement ou caressent agréablement l'oreille. J'ai tâché de rendre l'harmonie de ce vers latin par celui-ci, où la même lettre est égalément répétée :

Les vents tumultueux, les tempêtes bruyantes.....

Je me suis aussi efforcé d'imiter, malgré la différence de la langue, la coupe de plusieurs autres vers, qu'il sembloit impossible de transporter dans la nôtre. Tout ce morceau, qui nous peint les vents soumis à un maître, assujettis à une police rigoureuse, nous plaît, parce qu'il nous rappelle les institutions humaines. En général, les dieux ne nous plaisent qu'autant qu'ils ressemblent aux hommes: c'est un des premiers charmes des fables antiques.

que

On ne sait ce qu'on doit le plus admirer dans Virgile, ou de la beauté des peintures, ou de l'éloquence des discours. Celui Junon adresse à Éole est d'une grande vérité; il nous présente la grandeur s'humiliant devant le pouvoir subalterne, pour l'engager à servir ses passions: c'est l'humiliation volontaire de l'orgueil, admirablement exprimée par le mot supplex. La superbe Junon, naguère si orgueilleuse, devient suppliante; elle flatte adroitement la vanité du dieu qu'elle implore. Peut-être n'a-t-on jamais fait un plus bel éloge de la beauté, que celui que contiennent ces vers: la reine des dieux n'a rien de mieux à promettre à Éole la jeune Déïopée. Mais Virgile est toujours fidèle aux con

que

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venances; Vénus, déesse des amours, auroit pu lui promettre les faveurs passagères d'une belle nymphe; Junon, déesse de l'hymen, lui promet une union durable avec la belle Déïopée; elle joint à l'espoir de la jouissance celui des douceurs de la paternité:

Pulchrâ faciat te prole parentem.

La réponse d'Éole est ce qu'elle doit être, modeste et respectueuse; mais, dans la pompe emphatique des derniers vers, on reconnoît l'infériorité enorgueillie par les éloges et par la prière de la reine des dieux :

Tu das epulis accumbere divûm,

Nimborumque facis tempestatumque potentem.

Parmi le grand nombre de descriptions de tempêtes répandues dans différens poëtes, aucune n'approche de celle de Virgile. Ce qui la distingue principalement, c'est la rapidité, le mouvement, la variété et la vérité des images. Ces sortes de sujets sont d'autant plus difficiles à traiter, qu'ils sont plus abondans: il s'agit moins d'inventer que de choisir parmi cette foule d'accidens que présentent le ciel, la terre et la mer. C'est lorsque la nature, dans toute sa majesté ou dans toute sa fureur, présente les plus frappans phénomènes, que les poëtes médiocres, non contens de ces sources fécondes de grandes images et de beaux mouvemens, se précipitent dans la plus extravagante exagération; et, soit qu'ils peignent un incendie, un ouragan ou une tempête, toute la fureur des élémens ne peut leur suffire.

C'est dans Lucain surtout que cette exagération ridicule

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