Imagens das páginas
PDF
ePub

à fait particulier. Ne pouvant l'adopter en entier, nous nous bornerons à l'exposer tel qu'il nous semble le comprendre. La complète supériorité de la race aryenne (nous adoptons ici la forme commune, à laquelle M. de Gobineau préfère celle d'Aryans; la forme originale est, comme l'on sait Aryas) sur toutes les autres branches de l'humanité, et spécialement sur les Sémites, ressort, aux yeux de l'écrivain, de tous les témoignages de l'histoire. Eutre les branches de la famille aryenne, les Paniens (Iran, Ariana, Ayriana et Eriene, chez les écrivains grecs; Irak, chez les Arabes; Aragh, chez les Persans modernes) lui paraissent avoir, dans l'antiquité, laissé loin après eux les Hellènes et les nations plus occidentales que ceux-ci; l'organisation féodale et monarchique de l'antique Iran est pour M. de Gobineau infiniment préférable à ce que le système républicain, aboutissant en général à la démocratie, a fait naître chez les Grecs. Tout mélange d'un sang étranger avec la race pure et noble par excellence peut avoir, suivant lui, facilité le développement de l'art et les complications de la civilisation matérielle, mais aux dépens des qualités essentielles du caractère et de la grandeur véritable du pays. C'est par suite de ces principes que M.de Gobineau termine son histoire des Perses à l'établissement de la monarchie des Sassanides, événement dans lequel tous les critiques avant lui voyaient naturellement la réformation de la nationalité iranienne et la restauration du trône de Cyrus. Pour notre auteur, les Parthes sont, au contraire, les derniers représentants de l'esprit primitif, intact et sans additions étrangères, qui, sous les Achéménides, et bien davantage sous les dynasties primitives, animait les princes et les peuples de l'ancien Iran. C'est aux provinces du nordest qu'il rapporte le berceau, sinon de la race, au moins de l'empire; pour lui, la Médie, la Perside, et à plus forte raison la Susiane, sont des acquisitions comparativement récentes, où le peuple aryen s'est abaissé par l'assimilation d'éléments chamites et sémites: Cyrus est la plus grande figure de l'époque illustre et prospère des Aryens; en même temps, son règne inaugure la période de la corruption et du déclin. Ajoutez à ces particularités que, très-versé dans l'étude des monuments figures qui proviennent des anciens Perses, M. de Gobineau rejette. absolument les méthodes de déchiffrement des écritures cunéiformes que tout le reste du monde érudit adopte comme approchant d'une certitude absolue, se privant ainsi des ressources que l'inscription de Béhistoun, pour n'en citer qu'une seule, offre à la critique dans l'énumération et l'explication des événements qui ont suivi la mort de Cambyse, et reconstitué, par l'action de Darius 1er la monarchie des Achéménides sur une base demeurée solide pendant près de deux siècles.

M. de Gobineau attache une importance capitale aux écrits, en vers et en prose, des auteurs musulmans qui ont composé l'histoire de la

Perse avant l'hégire, et qui, pour l'ensemble des critiques, sont des mythologues plus ou moins diserts, précieux, sans doute, parce qu'ils ont recueilli et enchâssé dans leurs oeuvres un nombre considérable de récits provenant des époques antérieures, mais absolument dépourvus du sentiment du vraisemblable, souvent même du possible, mais confondant les temps, les lieux, fréquemment encore les races, et beaucoup moins croyables que Itéjias lui-même, sans parler d'Hérodote, à qui M. de Gobineau rend justice en mainte rencontre, tout en le mettant sans cesse en suspicion. Cette prédilection de notre auteur pour les sources orientales fait un des mérites les plus certains de son ouvrage, celui pour lequel il méritera toujours d'être cité et discuté. Il renferme, en effet, une encyclopédie véritable des récits historiques et légendaires que les livres des Parsys, et ceux des Persans musulmans présentent au sujet de l'Iran, depuis la première aurore des notions historiques jusqu'à l'année 226 de notre ère. Jusqu'à M. de Gobineau, on n'avait pas mis en regard d'une manière systématique et suivie les témoignages des écrivains grecs et latins avec les compositions que les Orientaux donnent pour historiques. On le peut désormais avec plus de facilité. Et ce n'est pas l'unique résultat que la science positive de l'histoire asiatique dérivera des labeurs consciencieux du nouvel écrivain. Son livre met en relief les grandes perturbations, les vicissitudes sanglantes de l'Iran, depuis l'époque qui restera toujours conjecturale (2,000 ans avant notre ère ?) où les premiers Aryens en ont pris possession, jusqu'à celle où la suprématie grecque y fut introduite, et non pas d'une façon superficielle et transitoire, par les victoires d'Alexandre. Le caractère de la domination passagère fondée par les Sémites assyriens, et celui de la réaction aryenne qui atteignit son dernier terme par l'entrée de Cyrus dans Babylone, sont présentés dans l'ouvrage de M. de Gobineau d'une façon nouvelle, qui porte les marques d'une complète vraisemblance. La formation et l'emploi d'armées disciplinées permanentes fut l'innovation formidable au moyen de laquelle les rois ninivites bouleversèrent l'Asie occidentale; graduellement les Aryens, d'abord surpris, revendiquèrent leur indépendance et se donnèrent des chefs, lesquels, combattant l'ennemi avec ses propres armes, effectuèrent successivement la destruction de Ninive et l'occupation de Babylone. Cette dernière conquête fit entrer dans la composition politique de l'empire aryen des éléments étrangers, trop considérables pour que le caractère primitif du gouvernement, la physionomie même de la race dominante, pussent échapper à de profondes modifications. Les auxiliaires, successivement appelés à renforcer l'armée aryenne (Médo-Persique) finirent, et cela dès le règne de Darius Ochus, par en devenir la partie, sinon la plus solide, au moins la plus agissante et la plus en vue. Nos limites ne nous per

mettent pas d'indiquer avec quelque détail les résultats auxquels l'étude des annales de la monarchie des Parthes conduit M. de Gobineau. Il considère comme très-accessoire l'introduction des éléments grec et scythe (les Sakas des premiers écrivains de l'Iran, les Touranys des annalistes persans) dans le corps essentiellement aryen de cette monarchie féodale. Il en décrit la constitution d'une manière plus précise, plus vraisemblable, que n'avaient fait ses devanciers. Il explique au moyen de quelles ressources les successeurs de Cyrus, reconnus pour tels par la fière République - Redditum Cyri solio Phraaten (HORACE),

ont lutté sans désavantages permanents, contre l'expansion de la puissance romaine dans l'Orient, et par l'effet de quelles causes, tout intérieures, leur monarchie s'est effondrée subitement et sans retour, pendant le premier quart du troisième siècle après notre ère. Ajoutons que M. de Gobineau allègue des raisons puissantes à l'appui de l'opinion qu'il professe, savoir que les Scythes, qui ont joué, dès les premiers temps, un rôle si important dans les révolutions de l'Iran, étaient une branche nomade, ou du moins essentiellement pastorale et guerrière, de la race aryenne établie des deux côtés de l'Iaxartes, et répandue, au sud de ce fleuve, dans les régions de l'intérieur.

ADOLPHE DE CIRCOURT.

CHRONIQUE

NECROLOGIE. Notre revue des pertes qu'ont faites la littérature, la science et les arts, depuis que nous avons été condamnés au silence, sera forcément brève et incomplète. Nous tâcherons de suppléer, dans notre prochaine livraison, aux lacunes que nous laissons aujourd'hui.

-M. Prosper MÉRIMÉE, membre de l'Académie française, né à Paris, le 28 septembre 1803, est mort à Cannes le 4 octobre 1870. Quoique M. Mérimée ait été sénateur du second empire depuis 1853, on peut dire qu'il n'a pris aucune part sérieuse à la politique, et que son nom appartient tout entier à la littérature. Les principales dates de sa vie ne sont autres que celles de ses principaux ouvrages: Théatre de Clara Gazul, comédienne espagnole (1825); La Guzla (1827); La Jacquerie (1828); La famille Carvajal; La Chronique du règne de Charles IX (1829). De 1830 à 1840, et depuis encore, M. Mérimée publia, dans la Revue des Deux-Mondes et dans la Revue de Paris, une série de nouvelles très-goûtées qu'il réunit plus tard en volumes. C'est à cette période qu'appartient le célèbre roman intitulé: Colomba. M. Mérimée a publié aussi plusieurs ouvrages d'archéologie: Voyage dans le midi de la France (1835, in-8); Voyage dans l'ouest de la France (1836, in-8); Voyage en Auvergne et dans le Limousin (1838, in-8); Voyage en Corse (1810, in-8). Tous ces voyages archéologiques avaient été faits par lui comme inspecteur des monuments antiques et historiques de France, fonction dans laquelle il avait succédé à M. Vitet. Citons encore: Monuments historiques (1843, in-4); Peintures de l'église Saint-Savin (1844, in-folio), et quelques études d'histoire an

cienne et moderne: Essai sur la guerre sociale (1841, in-8); Histoire de Don Pedro Ier, roi de Castille (1843, in-8); Episode de l'histoire de Russie: les faux Démétrius (1854, in-8); Mélanges historiques et littéraires (1855, in-8).

C'est surtout comme romancier, comme causeur, que M. Mérimée occupe une place élevée dans l'histoire littéraire du XIXe siècle; quoique appartenant, lors de ses débuts, à l'école romantique, et ayant toujours conservé une grande originalité d'esprit et d'invention, il était classique par la pureté et la simplicité de la forme. Aussi a-t-il laissé des pages que la postérité voudra relire. M. Alexandre DUMAS, né à Villers-Cotterets, le 24 juillet 1803, est mort, près de Dieppe, le 5 décembre 1870, pendant le siége de Paris. Depuis l'époque où M. Dumas quitta, peu à peu, le métier d'expéditionnaire pour prendre celui d'auteur (1825-1830), sa prodigieuse fécondité a enlassé, au théâtre et dans le roman, tant et tant d'oeuvres, où, à la vérité, il est à peu près impossible de distinguer ce qui lui appartient du bien d'autrui, que les énumérer serait une tâche non moins longue que fastidieuse. Les trois quarts, ou plutôt les neuf dixièmes, la presque totalité de cette masse imprimée, est destinée à un juste oubli, ou même y est déjà tombée. M. Dumas a été puni par où il a pêché il a exploité la littérature comme on exploite une ferme; la postérité se souviendra aussi peu de ses ouvrages que des produits consommés avant qu'elle soit venue au monde. Son nom seul demeurera dans l'histoire des lettres françaises. Encore ne sera-t-il jamais prononcé sans un sourire?

M. Dumas avait pourtant reçu de la Providence des dons merveilleux. Il aurait pu, en soignant la composition et le style, en mettant des jours et des mois où il mettait des heures, devenir un conteur, un romancier, un poëte de premier ordre. Au théâtre notamment, pour lequel il était principalement doué, son talent, fécondé par le travail, serait devenu du génie. Il y avait en lui l'étoffe d'un grand artiste. Mais il avait soif d'argent et de jouissances, et il s'est gaspillé. Dans le roman, c'est un Walter Scott, un Lesage; au théâtre, c'est un Shakspeare, c'est un Molière.... manqué.

M. Dumas, au milieu de la prodigieuse dissipation qui fut sa vie, avait conservé au fond de son cœur des sentiments religieux. Il a fait une mort chrétienne, et mérité ainsi une récompense et une gloire supérieures à celles que son talent, même s'il l'avait su féconder et faire fructifier, lui aurait pu mériter parmi les hommes. Il faut préférer à l'immense collection de ses œuvres complètes, ces quelques lignes, d'une piété si touchante, écrites par sa fille, Mule Marie Dumas, à M. Louis Veuillot :

« Mon bien-aimé père est mort lundi 5 décembre, muni des Sacrements de l'Église. Répétez-le très-haut avec moi. Dieu m'a fait une grâce infinie. Priez pour celui qui s'est doucement endormi dans le Seigneur. Louez Dieu de ce grand exemple. »

M. Jean-Pierre CLÉMENT, né le 2 juin 1809, membre de l'Académie des sciences morales et politiques, connu surtout dans la science par ses travaux sur Colbert (1846) et par sa collection des Lettres, instructions et mémoires de Colbert (1863-1870). M. Pierre Clément est mort à Paris, où il était commissaire général de la Monnaie, le 8 novembre 1870.

M. Félix-Désiré DEHÈQUE, né à Paris le 9 octobre 1794, membre de l'Académie des inscriptions, éditeur et auteur du Dictionnaire grec moderne (1825), traducteur de la Cassandre de Lycophron (1853), etc., mort à Etretat le 17 décembre 1870.

-M. Auguste-Henri-André DuMERIL, né à Paris le 30 novembre 1812, docteur en médecine et ès sciences, professeur de zoologie au Muséum d'histoire naturelle, membre libre de l'Académie des sciences, auteur d'importants travaux scientifiques, et notamment d'une Histoire naturelle des Poissons dont le premier volume a été publié en 1868 et le second en 1870, mort le 14 novembre 1870.

M. Jacques-Félix DUBAN, né à Paris le 14 octobre 1797, architecte du Louvre, membre de l'Académie des beaux-arts, mort le 6 novembre 1870. -M, Jean-Pierre FALRET, né en 1794, membre de l'Académie de médecine, médecin de la Salpêtrière, auteur de travaux estimés, principalement sur les

maladies mentales, mort au mois d'octobre 1870, loin de Paris, dans le département du Lot.

- M. Guillaume LEJEAN, secrétaire de la Société de Géographie, auteur de travaux publiés dans la Revue des Deux-Mondes et dans le Tour du Monde, célèbre par sa captivité en Abyssinie, où il avait été fait prisonnier par Théodoros.

M. Pierre-Alexis DE PONSON DU TERRAIL, né le 8 juillet 1829, mort à Bordeaux, le 20 janvier 1871, avait débuté dans la Mode et dans l'Opinion publique, et a acquis une grande célébrité par ses nombreuses productions comine feuilletoniste. Le catalogue de ses romans serait long à dresser; l'un de ces romans, Le dernier mot de Rocambole, a valu à la Petite Presse, en août 1866, un tirage de plus de cent mille exemplaires. Ajoutons que si M. Ponson du Terrail a prodigué son talent dans des œuvres aussi éphémères, il a inscrit une meilleure page dans sa vie en prenant une part active à la défense pendant la terrible guerre que nous venons de soutenir, et sa mort prématurée est due en partie aux souffrances et aux fatigues qu'il avait endurées.

-M. Jules DUVAL, né à Rodez en 1813, ancien magistrat, directeur de l'Economiste français, rédacteur du Journal des Débats, auteur de nombreux travaux sur l'Algérie, les colonies, l'économie politique, etc., qui a succombé, le 20 septembre, dans un accident de chemin de fer, au Plessis-les-Tours.

M. CENAC-MONCAUT, né en 1814, auteur de romans historiques et de divers ouvrages littéraires et scientifiques.

M. John PETIT-SENN, l'un des fondateurs du Journal de Genève, collaborateur de la Mode, auteur de divers ouvrages politiques et littéraires, mort à Genève au mois d'avril 1870, à l'âge de 80 ans.

M. Auguste VILLEMOT, né en 1811, collaborateur de l'Emancipation belge, puis de l'Indépendance, rédacteur du Figuro depuis 1855, mort à Paris le 7 octobre 1870.

Parmi les victimes de la terrible guerre que nous avons eue à subir nous citerons: M. Paul BEURTHERET, rédacteur en chef de l'Union libérale de Tours; M. Gustave LAMBERT, le promoteur de l'expédition au pôle Nord; M. Henri REGNAULT le brillant auteur de Salomé et d'autres peintures remarquées.

INSTITUT.

[ocr errors]

Académie française.

Dans sa séance du 29 septembre, l'Académie a procédé au renouvellement de son bureau trimestriel. M. Dufaure a été nommé directeur et M. Aug. Barbier chancelier.

Dans sa séance du 29 décembre, l'Académie a nommé, pour le 1er trimestre de 1871, M. Vitet directeur, et M. Emile Augier chancelier.

Dans la même séance, elle a décidé que les concours, dont le délai était fixé au 31 décembre, seraient prorogés au 31 mars.

COLLEGE DE FRANCE. Par décret en date du 18 novembre, M. Edgard Quinet a été rétabli dans son titre et ses fonctions de professeur de langues et littératures de l'Europe méridionale au Collège de France, et M. Philarète Chasles, titulaire de la chaire de langues et littératures étrangères de l'Europe moderne, a repris son titre de professeur de langues et littératures d'origine germanique.

PROTESTATIONS CONTRE LE BOMBARDEMENT DE PARIS. L'Institut de France, réuni en assemblée générale, a protesté, le 19 septembre 1870, contre le bombardement de la cathédrale et de la bibliothèque de Strasbourg, et contre la destruction éventuelle des musées et monuments de Paris. La Société de Géographie, dans sa séance de rentrée, tenue le 21 octobre, a déclaré adhérer à cette protestation, et a décidé qu'elle adresserait à chacune des cinq Académies son adhésion et ses remerciments pour l'initiative prise par l'Institut. Dans la séance de l'Académie des sciences du 9 janvier 1871, M. Chevreul, doyen de l'Académie, a donné lecture de la déclaration suivante:

« Le Jardin des plantes médicinales, fondé à Paris par édit du roi Louis XIII, à la date du mois de janvier 1626;

« AnteriorContinuar »