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en pareille matière, dit que « le chien n'emploie que des voyelles, et quelquefois, mais seulement dans la colère, les deux consonnes g et z. » Nous croyons, quant à nous, qu'il restreint trop l'alphabet du chien, et qu'il faudrait à tout le moins y en ajouter trois autres, b, p et r.

Le chat, ajoute-t-il, emploie les mêmes voyelles que le chien, et de plus dix consonnes, m, n, g, r, v, f.

« Les araignées emploient deux-voyelles et deux consonnes, puisqu'elles prononcent tak et tok. »

Quant aux oiseaux, c'est, selon lui, une erreur de croire qu'ils répètent toujours le même son. Le résultat de ses observations sur les corbeaux est que leur croassement ne comprend pas moins de vingt-cinq mots que voici :

Cra, cre, cro, cron, cronon.
Grass, gross, gronss, grononess.
Crae, crea, crac, crona, groness.
Crao, creo, croe, crone, gronass.

Craon, creo, croo, crono, gronoss.

« Si nous pensons, dit-il, qu'avec nos dix chiffres arabes, qui sont dix lettres, dix mots, en les combinant deux à deux, trois à trois, quatre à quatre, on forme les chiffres diplomatiques de 100, de 1000, de 10,000 caractères, et que si on les combinait de cinq à cinq, on en ferait un chiffre de 100,000 caractères ou de plus de mots que n'en a aucune langue connue, on aura moins de peine à comprendre que les corbeaux puissent se communiquer leurs idées. Leurs vingt-cinq mots suffisent bien pour exprimer: Là, ici, droite, gauche, en avant, halte, pâturez; garde à vous, l'homme armé, froid, chaud, partir, je t'aime, moi de même, un nid, et une dizaine d'autres avis qu'ils ont à se donner selon leurs besoins. D

Les habitants des Philippines sont de l'avis de Dupont de Nemours; ils ont un oiseau nommé biraki koum bang ou l'amant des fleurs, auquel ils accordent, comme à l'homme, et un langage et un chant, dit M. de Rienzi, dans son Océanie.

Le premier auteur connu qui ait essayé de faire passer dans la langue humaine le chant du rossignol est un savant jésuite italien, Marco Bettini, auteur d'une hilarotragedia satiropastorale, intitulée Ruben 1, dans laquelle il a inséré cet essai de traduction bizarre, qu'il conviendra de prononcer à l'italienne.

Tiùu, tiùu, tiùu, tiùu, tiùu,
Zpe tiù zqua:
Quorrror pipì

tiò, tiò, tiò, tiò, tix.
Qutiò, qutiò, qutiò, qutiò;
Zquo, zquo, zquo, zquo,
Zi, zi, zi, zi, zi, zi, zi, zi,
Quorror tiù zqua pipiquì.

Le rossignol a trouvé encore d'autres traducteurs de son chant, entre autres Etienne Pasquier dans une mauvaise pièce de vers en l'honneur d'une demoiselle du Bois, et Dupont de Nemours dans d'autres vers non moins mauvais, que nous leur rendrons à tous deux le service de ne pas citer. Au lieu de leurs fades et insuffisantes imitations, nous préférons donner au lecteur une véritable traduction, une traduction complète, littérale, due à la plume du docteur Jean-Matthieu Bechstein, chasseur-na

1 Parme, 1614, in-40. Il est mort à Bologne le 7 novembre 1657.

turaliste, né en 1757 et mort en 1811, qui avait fait une étude toute particulière des mœurs et du langage des oi

seaux.

‹ Rien n'égale, dit Charles Nodier, dans son édition de Philomela1, « rien n'égale, dans la langue factice de l'imitation, le tour de force extraordinaire du savant ornithologiste allemand Bechstein, qui est parvenu à exprimer assez heureusement, avec les signes usuels de notre langue parlée, toutes les modulations de la langue du rossignol. Et nous ajouterons avec lui : « Ce singulier specimen de l'onomatopée est trop curieux pour ne pas trouver ici sa place.

Tiouou, tiouou, tiouou, tiouou,

Shpe tiou tokoua,

Tio, tio, tio, tio,

Kououtio, kououtiou, kououtiou, kououtiou:

Tskouo, tskouo, tskouo, tskouo,

Tsii, tsii, tsii, tsii, tsii, tsii, tsii, tsii, tsii, tsii.

Kouorror, tiou, Tskoua pipits kouisi.

Tso tso tso tso tso tso tso tso tso tso tso tso tsirrha

ding!

Tsi si si tosi si si si si si si si,

Tsorre tsorre tsorre tsorrchi,

Tsatn tsatn tsatn tsatn tsatn tsatn tsatn tsi.

Dlo, dlo, dlo, dlo, dlo, dlo, dlo, dlo, dlo:

Kouioo trrrrrrrritzt.

Lu lu lu ly ly ly lî lî lî lî,

Kouio didl li loulylî.

Ha guour guour koui kouio!

1 Poëme attribué à Albus Ovidius Juventinus, Lutetiæ Parisiorum, 1829. in-8°, p. 22, et réimprimé à la suite du Dictionnaire des Onomatopées.

Kouio kououi kououi kououi koui koui koui koui ghi ghi

ghi;

Gholl gholl gholl gholl ghia lududoi.

Koui koui horr ha dia dia dillhi !

Hets hets hets hets hets bets hets hets hets hets hets hets

hets hets hets.

Touarrho trostehoi;

Kouia kouia kouia kouia kouią kouia kouia kouiati;
Koui koui koui io io io io io io io koui

La lyle lolo didi io kouia.

Higuai guai guay guai guai guai guai guai kouior tsio ts opi. >>

Ce poëme de Philomela, qui n'a que 70 vers, il est vrai, mais 70 vers presque aussi difficiles à traduire que le chant du rossignol, ce poëme n'a point effrayé le laborieux abbé de Marolles. Il en a fait une traduction (prose et vers) qu'il a publiée dans son Recueil de diverses pièces d'Ovide et d'autres poëtes anciens 1, et que Charles Nodier a jointe à son commentaire. Ce n'est point nous écarter de notre sujet, que d'en citer un curieux échantillon. Voici le texte latin:

Cucurrire solet gallus, gallina gracillat,
Pupillat pavo, trissat hirundo vaga.

Dum clangunt aquilæ, vultur pulpare probatur;
Et crocitat corvus, graculus at frigulat.
Gloctorat immenso de turre ciconia rostro;
Pessimus at passer tristia flendo pipit.

Voici la traduction en vers de ce morceau.

Le coq a jour et nuit son haut coqueliquais ;

1 Paris, 1661, in-85, pages 29 et suivantes.

Cocadaste a la poule et le paon poupe gais;
L'hirondelle trinsotte, et de l'aigre trompette
L'aigle imite le son, quand le vautour palpette.
Le noir corbeau croasse; et le geai gris et vert
Frigulote au printemps, en automne, en hiver.
La passereau pépie en pleurant sa couvée.
Du sommet d'une tour la cigogne élevée
Pousse d'un bec fort long sa glottorante voix.

Veut-on maintenant savoir quels sont les noms que donne en prose l'abbé de Marolles' aux divers cris des ani

maux?

La mésange tintine, la grive gringotte, l'étourneau pisote, la perdrix caquate, l'oie gratonne, la grue gruine, l'épervier et l'autour piaillent, le milan lippe, la pie jase, le butor bouffe, le tigre rougnonne, le léopard miaule, l'ours grommelle, le sanglier roume, l'éléphant barronne, le cerf zée, l'âne sauvage brame, le grillet grillotte, la souris chicotte, etc... Tous ces mots ne valent pas les délicieux vocables créés par Pline dans sa délicieuse page sur le rossignol, où toutes les variations du chant trouvent leur définition.

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