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core, très-florissant aussi et non moins inconnu, dont il nous reste à parler, se trouve sur la côte d'Afrique. Un des rares voyageurs qui l'ait visité s'explique ainsi sur sa constitution, sur ses habitants, et sur la sollicitude que devrait témoigner la France pour cette terre française, en Afrique.

«La colonie de Libéria, qui s'étend ou doit s'étendre, sous peu, du cap Monte au cap de Pâture (ces deux caps compris), déclara son indépendance le 24 août 1847. Le chef-lieu de la république, qui va nommer un président avant la fin de l'année, sera la ville de Monrovia, au cap Mesurado, fondée en 1824 par des hommes de couleur chassés de l'Amérique. Cette fondation était faite sous le patronage d'une société de la ville de Washington, je crois. Balbi contient quelques renseignements à ce sujet.

» Après bien des luttes et des traverses, cette colonie finit par s'asseoir assez solidement sur plusieurs points : Monrovia, Grand-Bassa, Middle-Bassa, etc. Le véritable fondateur de Monrovia s'appelait Ashmun, ministre protestant, homme supérieur, je dirai presque héros. Il est mort depuis longtemps déjà. En janvier 1847, la société fondatrice a prévenu la colonie qu'elle était assez forte pour se gouverner elle-même, et que, en conséquence, elle eût à prendre ses mesures pour arriver le plus tôt possible à ce résultat.

» Depuis le 5 juillet, elle est détachée de tout protectorat, et elle a élaboré son acte d'indépendance et des droits, qui sera proclamé le 24 août et signifié aux divers gouvernements. Le pavillon de la colonie est, comme le pavillon américain, composé de bandes blanches et rouges alternes horizontales, si ce r'est qu'il n'en contient que vingt-cinq. Le yacht est bleu, percé d'une étoile blanche unique. Les Anglais, toujours à l'affût de ces changements,

afin d'en tirer tout le parti possible, ont renoncé à tout droit d'établissement sur le territoire de la colonie. Ils travaillent toujours en dessous, sans rien dire, pour tâcher de faire un traité de commerce avec la nouvelle république, que le commodore a chargé son commandant particulier de la côte des Graines de reconnaître, sous quelque forme qu'elle apparût au jour.

» Nous, comme de juste et d'habitude, nous ignorions tous ces changements. Cependant, c'est une chose grave: la traite disparaît sur tous les points occupés par les sujets de la république de Libéria, qui compte acheter New-Lestre, lieu des foyers principaux, et le conquérir au besoin par les armes, si les chefs de villages ne veulent pas vendre. D'autre part nous avons sur cette côte des Graines quelques points achetés par le commandant Bouet, points qui, certes, nous seront demandés par la république nouvelle, dans le territoire de laquelle ils sont enclavés. Je vous donne ces renseignements comme certains; je viens de les recueillir moi-même sur les lieux.

>> Il serait du devoir et de la dignité de la France, trèsaimée à Monrovia, de venir en aide de ses lumières et de sa prépondérance à cet établissement chrétien sur la côte occidentale d'Afrique, établissement destiné, selon les probabilités, à un avenir solide et brillant. Je ne parle pas des avantages commerciaux qu'en retirerait la France, dont les produits manufacturiers et autres sont préférés aux objets anglais, et marchent de pair avec les objets venant des villes anséatiques: »

Après avoir montré ces républiques dignes de Lilliput, il nous faut citer un fief plus étonnant encore comme exiguïté de dimension, car il n'avait que quatre pieds de long sur deux de large. Si petit qu'il fût, ce fief était un asile ; un homme poursuivi par la justice ne pouvait en être arra

ché, s'il avait eu le bonheur ou plutôt l'adresse de s'y réfugier. Si Saint-Marin est à deux mille pieds au-dessus du niveau de la mer, ce fief n'était qu'à quatre ou cinq pouces au-dessus du pavé. C'était un grès situé sur la place de Péronne en Picardie. Lorsque le roi entrait dans cette ville, le tenancier de ce fief devait ferrer d'argent sur ce grès le cheval du roi, et le présenter au roi. Ses priviléges, en retour, ne laissaient pas que d'être considérables. Il avait la desserte et la vaisselle du roi après le repas d'entrée; une redevance sur la bière qui se buvait dans la ville, et un droit sur les baraques qui s'établissaient à la foire. Il lui était permis de choisir dans les boutiques d'instruments tranchants une pièce qu'on nommait le premier taillant, c'est-à-dire le meilleur couteau ou rasoir chez les couteliers, la meilleure hache chez les taillandiers. Les autres marchands lui payaient une redevance en argent.

Quand on vient de parler de ces petites puissances républicaines ou féodales, citer un royaume, ce sera bien peu piquant, et un royaume fondé par un roi ! Il est vrai que ce n'était pas à son profit, ce qui rend la chose moins ordinaire. Ce fondateur désintéressé fut le roi Clotaire ou Clother qui ayant, l'an 540, tué de son auguste main, en pleine cathédrale, le seigneur Gautier ou Waltier, érigea, pour réparer sa faute, la seigneurie dudit Gautier en royaume. Telle est, du moins, l'origine présumée de cette royauté bizarre. Mais hélas! on a bien raison de dire que les rois s'en vont; car, tandis que les républiques dont nous avons parlé plus haut se maintiennent et prospèrent, ce royaume qui avait le droit de battre monnaie, n'est plus qu'une misérable sous-préfecture de Ja Seine-Inférieure, et celui qui écrit ces lignes a vu, de ses yeux vu, un des membres de cette royale famille

appréhendé au corps un soir, fort injustement il est vrai. et traîné au corps de garde de la rue Grange-Batelière. Ce royaume ne périra pas du moins dans le souvenir des hommes. La chanson de Béranger lui garantit l'immortalité. Il n'est pas besoin d'en dire davantage pour le

moment.

Au nombre des singularités qu'offre la géographie, ne pourrait-on pas citer les Hébrides, dans lesquelles, sur 300 îles, dont 86 habitées, on ne rencontre pas un seul arbre?

Les frontières, en particulier, présentent des rapprochements assez bizarres pour mériter une mention.

Entre Semlin et Belgrade, les deux villes frontières, dit le spirituel auteur d'Eothen, M. Kinlake, la distance n'est pas de la portée du canon, et néanmoins leurs habitants n'ont entre eux aucun rapport. Les Hongrois au nord de la Save, les Turcs et les Serbes au midi, sont tout aussi éloignés que si cinquante vastes provinces occupaient l'intervalle qui les sépare. De tous ces hommes qui s'agitent autour de moi, dans les rues de Semlin, il n'y en avait peut-être pas un seul qui eût jamais vu de près la race étrangère, établie au-dessous des murailles de ce château en face. »

La constitution toute particulière du village hindou, constitution extrêmement curieuse, qui a été de tout temps la base de l'élément intégrant de la société indienne et qui a persisté sous toutes les dominations affghane, mogole et anglaise, est un phénomène si extraordinaire qu'il est indispensable de nous y arrêter un instant.

Sous toutes les dominations, disons-nous, et sous toutes les civilisations primitives, hindoue, musulmane ou chrétienne, le village hindou a continué d'exister avec la même constitution immuable, aussi compacte aujourd'hui que

dans les premiers âges. Ce village est une certaine étendue de terrain labourable ou en friche. Quelquefois ce terrain est divisé en propriétés individuelles, alors nous retrouvons à peu près la commune française. Mais le plus souvent il n'en est pas ainsi : les terres demeurent en commun, et chaque année elles sont partagées par les habitants entre eux, chacun recevant pour le cultiver un lot en proportion de son capital et de ses moyens de travail. Chacun de ces villages forme une sorte de petit Etat administratif et se gouverne par lui-même sous l'organisation suivante: 10 le patel, chef ou maire, ou bourgmestre du village (généralement héréditaire) a la surintendance générale des affaires de la communauté; il arrange les querelles, veille au maintien du bon ordre, touche les revenus communs, et en fait la répartition ; 2o le kurnoum ou moutsuddi tient registre des frais de culture et de tout ce qui s'y rapporte; 3o le talari fait la recherche des crimes et délits; c'est l'agent de police; il escorte et protége les personnes qui voyagent d'un village à l'autre; 4o le toti a la garde et la mesure des moissons;

le gardien des limites donne tous les témoignages en ce qui les concerne; 6o le commissaire des eaux et des étangs distribue l'irrigation suivant les besoins de l'agriculture; 70 le brahme remplit les cérémonies du culte; 8o l'astronome annonce les époques favorables ou défavorables pour les semailles; 9o le maître d'école enseigne aux enfants à lire et à écrire. Viennent encore le forgeron et le charpentier, qui confectionnent les instruments d'agriculteur et bâtissent les cabanes; et enfin le potier, le bar bier, le porteur d'eau, le gardeur de bétail, le médecin, la danseuse, le musicien et le poëte.

Sous cette hiérarchie administrative le village tout en tier est soumis à une sorte de communauté de biens et de

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