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peuples puissants, les Russes, les Tatars et les Turcs, ils durent songer d'abord à chercher un appui contre de si formidables voisins. La Pologne les prit à sa solde pour la défense de ses frontières. Vers l'année 1506, ils avaient pour chef un Polonais d'une famille sénatoriale. Ce fut là, suivant leur tradition, leur premier ataman. Continuellement en guerre avec les Tatars de la Krimée, les Cosaques de l'Ukraine établirent vers la fin du xve siècle, près de l'embouchure du Borysthène, une sorte de colonie militaire à laquelle ils confièrent la garde de leurs frontières alors peu étendues. Telle fut l'origine de ces fiers Cosaques Zaporogues, que leurs exploits rendirent depuis si célèbres.

Cette association guerrière, qui rappellent les flibustiers du xvIIe siècle, avait primitivement établi sa résidence dans l'ile de Cortitz, espèce de forteresse naturelle, élevée à plus de cinquante mètres au-dessus du niveau du fleuve, et défendue par des rochers qui en rendaient l'accès à peu près impossible. Leur capitale n'était qu'une agglomération de cabanes en terre ou en bois, entourée d'un fossé "profond, d'une palissade ou d'une file de chariots. Elle était divisée en quartiers ou kourènes, dont le nombre était en rapport avec la population. Dans les premiers temps, il fallait, pour être admis parmi eux, une épreuve,-qui semblerait impossible, si des témoins oculaires n'en attestaient la réalité, il fallait franchir, dans une barque, les treize cataractes du Borysthène, et faire, en outre, une course sur la mer Noire. Plus tard, ils devinrent moins exigeants, Il en fut de même pour la religion. Dans le principe, ils n'avaient admis que des hommes appartenant au culte grec, que la plupart d'entre eux professaient; mais ils finirent par y recevoir indifféremment des gens de toutes les religions.

Le gouvernement des Zaporogues était une démagogie

militaire, dont le chef suprême, décoré du titre d'ataman ou de Kockowoy, exerçait en temps de guerre, un pouvoir presque sans borne; mais pendant la paix, son autorité était fort restreinte. L'ataman était, ainsi que tous les autres fonctionnaires, élu à la pluralité des suffrages et révocable après une année d'administration. Cette élection avait lieu le 1er janvier de chaque année. Ce jour-là, le conseil procédait d'abord à la distribution, par parts égales, du butin recueilli pendant l'année qui venait de finir, et à la répartition des campagnes et des rivières en autant de lots qu'il y avait de kourènes. Chaque kourène avait, pour toute l'année, la possession exclusive de la pêche et de la chasse dans la partie du territoire qui lui était échue. Ce partage terminé, la troupe entrait en délibération sur le renouvellement ou le maintien des chefs, à commencer par l'ataman. Ceux-ci, debout et la tête nue, attendaient qu'on eût prononcé sur eux. S'ils étaient maintenus, on leur disait : « Vous êtes de bons et braves seigneurs, continuez de nous gouverner. » Ils remerciaient alors l'assemblée par une profonde révérence, et se retiraient. Lorsque l'ataman était révoqué, il déposait, sur l'ordre qui lui en était donné, son bâton de commandant et son bonnet de feutre, insignes de sa dignité éphémère, et, saluant l'assemblée, il rentrait dans les rangs de la foule, comme simple Cosaque. S'il hasardait la moindre observation, s'il essayait de justifier sa conduite, il s'exposait à se faire massacrer.

Les femmes étaient bannies de cette étrange république; la loi leur défendait d'y pénétrer sous peine d'être lapidées, et elle ne fut jamais enfreinte impunément. Chose remarquable! cette association si hostile au sexe s'était justement établie vis-à-vis de la côte où la fable avait placé les Amazones.

Lorsqu'ils allaient en guerre, ils nommaient, avant le départ, à la pluralité des voix, le chef de l'expédition.

La concorde régna quelque temps entre les Polonais et les Cosaques, mais les vexations de la noblesse polonaise, ses tentatives pour asservir les Cosaques et les soumettre à l'autorité du pape, poussèrent ces derniers à une insurrection formidable dans laquelle les deux partis épuisèrent tous les genres d'atrocités, et qui leur fut presque également funeste. Cette guerre épouvantable fut une des principales causes qui amenèrent plus tard la ruine de la Pologne; et elle mit les Cosaques dans la nécessité de se placer sous la protection de la Russie qui en profita pour les asservir à son tour, et qui les égorgea sans pitié lorsqu'ils voulurent revendiquer leur indépendance.

Aujourd'hui que leurs droits, leurs libertés, leurs propriétés, leur nationalité, tout a été effrontément confisqué, il serait difficile de reconnaître, dans ces hommes abâtardis, les descendants de ces fiers Zaporogues; et néanmoins, ils surpassent encore en courage leurs frères des autres tribus; aux rives du Kuban, il est passé en proverbe qu'un Cosaque de la mer Noire en vaut trois du Don.

D'après le dernier recrutement opéré en 1840, la population des Cosaques de la mer Noire s'élevait à 112,000 âmes; cette population occupait soixante-quatre villages, sur une étendue de 3,600,000 hectares constitués en propriétés communales. L'effectif de l'armée coloniale était d'environ vingt mille combattants, à peu près le tiers de la population mâle. Aussi ne rencontre-t-on guère dans leurs villages que des vieillards infirmes, des maladés, des femmes et des enfants. De là l'anéantissement de l'agriculture et l'affreuse misère qui dévore le pays. L'existence de la colonie repose entièrement sur le travail des femmes: ce sont elles qui cultivent les terres,

réparent les maisons, préparent les fourrures, soignent les enfants et le bétail.

Les Cosaques de la mer Noire sont, du reste, les seuls qui aient conservé le caractère primitif de leur race, presque complétement effacé chez leurs frères du Don et de l'Ukraine. Ceux-ci sont beaucoup plus civilisés, l'habitude de vivre en société leur a donné une sorte d'affabilité et de politesse. Mais les Cosaques de la mer Noire ont conservé toute leur sauvage rudesse, les mœurs et le caractère de leurs ancêtres.. Ils n'ont presque pas de besoins. Chez eux, comme chez nous, la richesse ajoute à l'aisance de la vie, mais elle n'ajoute point, comme chez nous, à la considération; ce qui est un peu plus sensé et un peu plus juste.

Tous les hommes sont dans l'usage de se raser les cheveux; ils n'en gardent qu'une longue touffe dont ils forment une tresse qui re'ombe du sommet de la tête et se relève derrière l'oreille droite. Ce singulier ornement, qui est le signe caractéristique de leur tribu, est pour eux l'objet d'une vénération religieuse; ils y tiennent comme à une sainte relique, et ils se feraient tuer plutôt que de se le laisser ôter.

Quand ils sont malades, ils ont une manière de se traiter qui répond à la rudesse de leurs mœurs: ils ouvrent la veine d'un cheval, en boivent le sang, et, s'élançant à travers les steppes, ils galopent à bride abattue, jusqu'à ce que l'homme et la bête tombent de fatigue.

Peu d'entre eux ont une femme; leur humeur indépendante et sauvage se plie difficilement au joug du mariage. Malgré leur haine profonde pour les Circassiens, l'intérêt et la nécessité ont établi entre les deux peuples des relations que les guerres n'ont pu détruire. Le sel que leur fournissent en abondance les lacs du Kuban, ils l'échangent

contre le blé, le miel et les armes que leur apportent les Circassiens. Une particularité remarquable, c'est que ce trafic se fait sans qu'il y ait de part ni d'autre aucune com→ munication personnelle. Les Circassiens vont déposer eurs marchandises dans un endroit destiné à cet usage, et ils y trouvent toujours la quantité de sel que les coșaques doivent en retour. Comme ces échanges sont profitables aux uns comme aux autres, on est des deux côtés exact au rendez-vous, et l'appréciation des marchandises se fait toujours avec loyauté. Malheureusement ces rela tions commerciales qui devraient amener la paix entre les deux peuples, n'affaiblissent en rien leur vieille haine; l'échange terminé, les hostilités recommencent, et l'on s'entr'égorge de nouveau avec la même fureur'.

Dans ses notes ethnologiques sur la Sibérie, M. de Middendorff établit les limites géographiques des différents groupes de peuples sibériens; il en donne l'énumération et indique quelques-unes de leurs particularités caractéristiques:

Le premier groupe est celui des Ostiaks, d'origine finnoise;

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Le second est celui des Samotèdes, d'origine mongole; Le troisième est celui des Toungouses;

Le quatrième, celui des Iakouts:

L'auteur montre jusqu'où l'on trouve les traits mongols chez des peuples parlant des dialectes de la langue turque.

Le cinquième groupe est celui des loukaghirs; leurs traits physiques les rangent avec les Samoïèdes.

Le sixième groupe est celui des Ainos. Ce sont les ha

Voyez, pour de plus amples détails, les Eludes sur la Russie de M. Eugène Faure.

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