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verrez que c'était le cimbrique, c'est-à-dire le flamand ancien.

La Basse-Bretagne a donné naissance à plusieurs érudits qui n'admettent pas que la langue primitive soit autre que le bas-breton 1.

Un espagnol, J.-B. Erro, ne s'est pas contenté de publier en 1806 un alphabet de la langue primitive de l'Espagne, pour prouver que les Basques sont les premiers habitants de la péninsule; il ne s'est pas borné dans son El Mundo primitivo 2 à remonter au delà du déluge pour démontrer qu'avant qu'il existât des Egyptiens et des Babyloniens, les savants basques avaient coordonné le système du mouvement universel, lequel système inconnu de nos jours comprend sous une seule loi le cours des astres et la végétation des moindres plantes: il ne doute pas que ce ne soit du basque qu'Adam ait tiré tous les noms qu'il a eu à donner aux êtres et aux choses.

André Kempe est moins exclusif. Dans l'ouvr cétrange qu'il a composé sur cette importante matière, il admet qu'on a parlé trois langues au paradis : le suédois, le danois et le français. Dieu se réserva la première, Adam lui répondit dans la seconde, et c'est dans la nôtre qu'Eve fut tentée par le serpent. Notre langue, il faut en convenir, n'occupe pas là précisément la place la plus considérable : mais les Français ont l'humeur si galante, qu'ils sont capables de s'en tenir parfaitement satisfaits.

Les Persans admettent aussi qu'il se parlait trois lan

Le Brigant est du nombre; il disait sérieusement, pour concilier son système avec l'étymologie du nom d'Adam et de celui d'Eve, qu'ayant failli s'étrangler en avalant la fatale pomme, Adam aurait dit: a tam (quel morceau!) et que Ève lui aurait répondu ev! (bois).

2 Madrid, 1814, in-4.

gues au paradis; mais, comme on peut s'y attendre, ils sont persuadés que c'est le persan, l'arabe et le turc.

Adam et Eve parlaient entre eux la langue de l'amour et de la poésie, le persan; le serpent prit pour les séduire la langue de l'éloquence et de la persuasion, l'arabe; mais quand l'ange Gabriel eut à les chasser du paradis, voyant qu'il n'était écouté ni en persan ni en arabe, il prit la langue du commandement et de la menace, il parla turc 1.

Tous ces faiseurs d'hypothèses intéressées, Voltaire les met d'accord, en niant qu'il y ait une langue primitive. <Chaque espèce, dit-il, a sa langue. Celle des Esquimaux et des Algonquins ne fut point celle du Pérou. Il n'y a pas eu plus de langue primitive et d'alphabet primitif que de chênes primitifs, et que d'herbe primitive...

Ne peut-on pas, sans offenser personne, supposer que l'alphabet a commencé par des cris et des exclamations? Les petits enfants disent d'eux-mêmes ha he quand ils voient un objet qui les frappe; hi hi, quand ils pleurent; hu hu, hou hou, quand ils se moquent; aïe, quand on les frappe; et il ne faut pas les frapper.

A l'égard des deux petits garçons que le roi d'Egypte Psammeticus ( ce qui n'est pas un mot égyptien ) fit élever pour savoir quelle était la langue primitive, il n'est guère possible qu'ils se soient tous deux mis à crier bee bec pour avoir à déjeuner.

‹ Des exclamations formées par des voyelles, aussi natu→ relles aux enfants que le coassement l'est aux grenouilles,

1 Si ces opinions diverses ne suffisent point au lecteur et qu'il veuille avoir de plus amples renseignements sur l'alphabet d'Adam, sur celui d'Enoch, de Noé, et même sur la langue des anges, nous l'engagerons à lire la Synopsis universæ philologiæ de Godefroi Henselius, page 20, Nuremberg, 1741, in-8.

il n'y a pas si loin qu'on croirait à un alphabet complet. Il faut bien qu'une mère dise à son enfant l'équivalent de viens, tiens, prends, tais-toi, approche, va-t'en : ces mots ne sont représentatifs de rien, ils ne peignent rien; mais ils se font entendre avec un geste.

« De ces rudiments informes il y a un chemin immense pour arriver à la Syntaxe. Je suis effrayé quand je songe que de ce mot viens il faut parvenir un jour à dire : « Je serais venu, ma mère, si, en accourant vers vous, je n'étais pas tombé à la renverse, et si une épine de votre jardin ne m'était pas entrée dans la jambe gauche. »

Jean Goropius, dans son ouvrage déjà cité par nous. après avoir constaté que le mot sac se retrouvait dans la plupart des langues, sak en hébreu, en chaldéen et en turc; sac en celtique; sach en teuton; sakkos en grec; saccus en latin; sakk en goth; sac en anglo-saxon; sack en allemand, en anglais, en danois et en belge; sacco en italien; saco en espagnol, sac en français, etc... tire de cette analogie une conclusion difficile à croire sérieuse: c'est que, lors de la confusion des langues, pas un des ouvriers, en quittant Babel, n'oublia son sac.

ALPHABET.

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Voltaire, qui définit l'alphabet l'origine de toutes les connaissances de l'homme et de toutes ses sottises, demande pourquoi l'alphabet n'a de nom dans aucune langue de l'Europe. Alphabet ne signifie autre chose que A B, et A B ne signifie rien, ou tout au plus il indique deux sons; et ces deux sons n'ont aucun rapport l'un avec l'autre. Beth n'est point formé d'Alpha; l'un est le premier, l'autre le second; et l'on ne sait pas pourquoi.

Or comment s'est-il pu faire qu'on manque de termes pour exprimer la porte de toutes les sciences? La

connaissance des nombres, l'art de compter, ne s'appelle point un-deux; et le rudiment de l'art d'exprimer ses pensées n'a dans l'Europe aucune expression propre qui le désigne.

la

L'alphabet est la première partie de la grammaire; ceux qui possèdent la langue arabe, dont je n'ai pas plus légère notion, pourront m'apprendre si cette langue, qui a dit-on, quatre-vingts mots pour signifier un cheval, en aurait un pour signifier l'alphabet.

1

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« Je proteste que je ne sais pas plus le chinois que l'arabe; cependant j'ai lu dans un petit vocabulaire chinois que cette nation s'est toujours donné deux mo's pour exprimer le catalogue, la liste des caractères de sa langue; l'un est ho-tou, l'autre haipien nous n'avons ni ho-tou ni haipien dans nos langues occidentales. Les Grecs n'avaient pas été plus adroits que nous; ils disaient alphabet... Or cet alphabet, les Grecs le tenaient des Phéniciens,

« Il est à croire que les Phéniciens, en communiquant leurs caractères aux Grecs, leur rendirent un grand service en les délivrant de l'embarras de l'écriture égyptiaque que Cécrops leur avait apportée d'Égypte : les Phéniciens, en qualité de négociants, rendaient tout aisé; et les Égyptiens, en qualité d'interprètes des dieux, rendaient tout difficile.

« Je m'imagine entendre un marchand phénicien abordé dans l'Achaïe, dire à un Grec, son correspondant : « Nonsculement mes caractères sont aisés à écrire, et rendent la pensée ainsi que les sons de la voix; mais ils expriment Inos dettes actives et passives. Mon aleph, que vous voule: ›: pron ncer alpha, vaut une once d'argent; betha en

1 ter vol., Histoire de la Chine de Duhalde.

vaut deux; ro en vaut cent; sigma en vaut deux cents. Je vous dois deux cents onces: je vous paie un ro, reste un ro que je vous dois encore; nous aurons bientôt fait nos comptes.

« Les marchands furent probablement ceux qui établirent la société entre les hommes, en fournissant à leurs besoins; et, pour négocier, il faut s'entendre.

« Il est très-vraisemblable (je ne dis pas très-vrai, Dieu m'en garde !) que ni Tyr, ni l'Égypte, ni aucun Asiatique habitant vers la Méditerranée, ne communiqua son alphabet aux peuples de l'Asie orientale. Si les Tyriens ou même les Chaldéens qui habitaient vers l'Euphrate, avaient, par exemple, communiqué leur méthode aux Chinois, il en resterait quelques traces; ils auraient les signes des vingt-deux, vingt-trois ou vingt-quatre lettres. Ils ont tout au contraire des signes de tous les mots qui composent leur langue; et ils en ont, nous dit-on, quatrevingt mille: cette méthode n'a rien de commun avec celle de Tyr. Elle est soixante et dix-neuf mille neuf cent soixante et seize fois plus savante et plus embarrassée que la nôtre. Joignez à cette prodigieuse différence qu'ils écrivent de haut en bas, et que les Tyriens et les Chaldéens écrivaient de droite à gauche; les Grecs et nous de gauche à droite.

<< Examinez les caractères tartares, indiens, siamois, japonais, vous n'y voyez pas la moindre analogie avec l'alphabet grec et phénicien.»

Geoffroy Tory, fameux imprimeur de Bourges au XVIe siècle, et auteur du traité intitulé Champfleuri, auquel est contenu l'art et la science de la due proportion des lettres attiques, etc., 1529, in-8°, établit que toutes les lettres latines dérivent du nom de la déesse Io, c'est-à-dire qu'elles sont toutes formées d'une ligne droite et d'un cercle.

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