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tion du degré de gravité des diverses anomalies de nombre, on arrive aux trois propositions suivantes :

Lorsqu'il y a seulement augmentation ou diminution apparente, l'anomalie ne constitue pas une véritable monstruosité.

Lorsqu'il y a augmentation ou diminution numérique réelle, l'anomalie constitue souvent, mais non toujours, une monstruosité.

Enfin il est des cas où l'on rencontre à la fois une réunion contre nature, et par conséquent la suppression apparente d'un organe, coïncidant avec l'atrophie complète ou presque complète d'un autre organe. Si ces deux anomalies sont liées entre elles, si surtout l'une peut être considérée comme la cause de l'autre, elles constituent alors évidemment une anomalie complexe, une véritable monstruosité. Il en est ainsi de l'union des deux membres abdominaux : car cette union entraîne nécessairement l'atrophie complète ou presque complète d'un grand nombre de parties. Il en est de même, et à plus forte raison, du cas suivant. Lorsqu'un organe impair et placé sur la ligne médiane entre deux organes analogues l'un à l'autre, comme l'organe nasal entre les deux globes oculaires, vient à manquer ou se trouve réduit à l'état rudimentaire, les deux organes qui, dans l'état normal, sont placés en dehors de lui, se trouvent mis en rapport l'un avec l'autre par la suppression de l'obstacle qui les séparait, se rapprochent, et le plus ordinairement même se soudent entre eux et se confondent plus ou moins intimement. Ces cas d'anomalie, et plusieurs autres qui leur sont analogues, sont très-remarquables en ce qu'ils nous permettent de suivre la production de la monstruosité, de nous rendre un compte exact de la valeur de ses caractères généraux, et de concevoir comment une cause qui, primitivement et d'une manière directe, imprime une grave

modification aux conditions d'existence d'un appareil, peut influer secondairement et d'une manière indirecte sur celles d'un autre appareil.

L'atrophie presque complète d'un organe, équivalant en général à sa suppression, constitue une anomalie beaucoup moins remarquable sans doute, mais cependant presque également grave, à cause des modifications qu'elle entraîne à sa suite. Lorsqu'au lieu d'être atrophié presque complètement, un organe est seulement diminué de volume, et, de même, lorsqu'il est augmenté, l'anomalie est beaucoup moins grave, et jamais ne constitue une véritable monstruosité. Les cas dans lesquels la diminution ou l'augmentation porte à la fois sur plusieurs organes, sont plus remarquables, mais ne constituent pas davantage de véritables monstruosités. Enfin il en est de même, et à plus forte raison, des cas où toutes les parties ont subi une diminution ou une augmentation de volume, si toutes, comme chez les nains et les géants, ont diminué ou augmenté dans les mêmes rapports. En effet, si les caractères tirés de la grandeur relative des organes, peuvent offrir quelque importance, il n'en est jamais ainsi des considérations déduites de la grandeur absolue : c'est la proportion des parties, et non leur volume, qui détermine leur valeur anatomique et qui règle leur influence sur les fonctions.

Les anomalies de forme doivent suivre dans notre examen les anomalies de volume, et leur sont nécessairement inférieures encore sous le rapport du degré d'importance qu'elles peuvent atteindre. Une différence dans la forme peut toujours être considérée comme résultant d'une légère augmentation de volume sur un point et d'une légère diminution sur un autre. Elle se compose donc, en quelque sorte, de deux anomalies très-peu graves qui, ayant lieu en sens inverse, se balancent l'une l'autre, et,

sauf l'influence physiologique qu'elles peuvent exercer tendent à se neutraliser réciproquement.

Les anomalies de structure et de composition élémentaire dont il me reste à parler sont évidemment, et par leur nature même, plus remarquables sous le point de vue physiologique que sous le point de vue anatomique. Aussi, comme les anomalies de forme, ne suffisent-elles jamais pour caractériser une véritable monstruosité.

Tels sont les principes généraux et les règles pratiques que l'état présent des sciences zoologiques et anatomiques permet, ce me semble, d'établir sur des bases certaines, et que je crois pouvoir être appliqués avec avantage à l'étude des anomalies. Je suis entré à leur égard dans des développemens que m'a paru mériter l'importance du sujet, et je puis presque ajouter sa nouveauté; car les anatomistes, plus occupés de décrire les anomalies que de les apprécier dans leurs rapports naturels, ont presque toujours négligé des questions dont, je dois le dire, l'importance n'a pu être sentie, et dont la solution n'est même devenue possible que depuis un très-petit nombre d'années.

CHAPITRE IV.

EXAMEN DES PRINCIPALES Définitions de la monstruosite DONNÉES PAR LES AUTEURS, ET RÉSUMÉ DES CARACTÈRES QUI DISTINGUENT ENTRE EUX LES QUATRE EMBRANCHEMENS des ANOMALIES.

LES Considérations historiques qui forment l'introduction de cet ouvrage, nous ont montré la science des monstruosités partagée en plusieurs époques que caractérisent une tendance particulière des esprits et le règne de doctrines

en rapport avec cette tendance. Les êtres anomaux ayant été ainsi, suivant les temps, envisagés sous des points de vue très-différens, il est facile de prévoir que des définitions très-différentes aussi ont dû en être successivement données. C'est ce qui a réellement eu lieu, comme on le verra par quelques citations choisies dans les auteurs des diverses époques de la science. Ces citations seront peu nombreuses; car je me propose seulement de donner ici quelques exemples, et non de présenter un résumé complet de toutes les donner des mots monstre et monsdéfinitions que l'on a pu truosité. Ce serait en effet me livrer à un travail long et sans aucune utilité, non-seulement parce qu'un travail qui a pour objet des mots seulement, et non des faits, est toujours en soi peu scientifique, mais aussi et surtout parce que toutes les définitions données sous l'inspiration des mêmes idées théoriques, peuvent être ramenées les unes aux autres, et, quoique souvent très-différentes dans l'expression, ne sont cependant au fond qu'une seule et même définition.

SI. Définitions données par les auteurs.

On a souvent cité dans les ouvrages modernes la définition d'Ambroise Paré (1) : « Les monstres, dit cet illustre chirurgien, sont choses qui apparaissent contre le cours de nature, et sont le plus souvent signes de quelque malheur à advenir. C'est, avec moins de netteté dans l'expression,

(1) Livre des monstres et prodiges, Préface. - Paré distingue des monstres les prodiges qu'il définit choses qui viennent du tout contre nature. — Presque tous les auteurs de la première période, et surtout LICETUS, Traité des monstres, liv. I, chap. XI et XII, ont donné des définitions, plus ou moins différentes de celles de Paré, mais que je me dispenserai de rapporter ici.

et avec l'addition d'une erreur qui porte le cachet du seizième siècle, ce qu'Aristote avait dit dès long-temps auparavant, et ce qui a été répété presque jusqu'à nos jours, que les monstres sont des fautes (1), des erreurs de la nature (2). Dans un grand nombre d'ouvrages appartenant à la première époque de la science, les monstres sont aussi appelés des jeux, des bizarreries, des singularités de la nature: expressions qui toutes ont leur origine dans cette idée, que la nature, lorsqu'elle crée des monstres, n'observe aucune règle, n'admet aucun ordre, soit qu'elle veuille par des prodiges, c'est-à-dire par le renversement de ses lois, révéler aux hommes les malheurs qui les menacent dans l'avenir, soit seulement qu'elle se plaise à marcher quelquefois au basard et à s'engager en aveugle dans des routes inaccoutumées. Ce sont ces croyances qui règnent dans tous les ouvrages du dix-septième siècle, et qui en ont presque constamment inspiré les auteurs: presque tous ne font que développer et paraphraser, quelquefois à leur insu, cette phrase écrite par Pline au sujet des monstres: Ludibria sibi, nobis miracula, ingeniosa fecit natura (3).

Au reste, on peut dire d'une manière générale qu'il n'existe dans les anciens ouvrages aucune définition digne de ce nom, mais seulement des désignations plus ou moins vagues et incorrectes: car l'étude des monstres était alors trop peu scientifique, les faits étaient encore recueillis avec trop peu de soin pour que l'on songeât à déterminer avec précision le sens des termes qu'on employait. L'exactitude dans les mots ne saurait précéder l'exactitude dans les

(1) Cette question: An Monstra naturæ formatricis peccata ? est le sujet spécial et le titre d'une dissertation publiée à Paris en 1669, par BLONDEL. (2) Tà répaτa, dμápenμatx tis proews. (ARIST. De gener. anim. Lib. IV, c. II.)

(3) Hist. nat., lib. VII, cap. II.

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