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des généralités plus nombreuses et plus vastes, l'intervalle, d'abord immense, qui l'isolait, se comble et s'efface peu à peu; et bientôt une alliance intime, féconde, également utile à toutes, ne permet plus de voir entre les sciences de même ordre que des rameaux distincts, mais étroitement unis, d'une même tige. Ainsi, par la grande Loi de l'attraction newtonienne, l'histoire tout entière des corps inorganiques repose sur des bases communes et ne semble plus qu'un vaste et immense corollaire du même principe. L'étude des êtres organisés, plus variés, plus complexes, modifiés à chaque instant par les phénomènes encore inexpliqués de la vie, n'a pu être embrassée dans une aussi haute généralité; mais déjà des principes communs à tout le règne animal, à tout le règne végétal et même à l'ensemble des deux règnes organiques, sont les magnifiques préludes des succès futurs. Ajouterai-je que déjà même il est peut-être permis d'entrevoir l'instant de haut progrès scientifique où, par les lois des courans, un admirable lien s'étendra sur la nature entière, et où se trouvera réalisé cet enchaînement de toutes les parties du grand ensemble, vers lequel tendent depuis si long-temps les efforts prématurés d'esprits audacieux?

Ainsi, toute science tend à se fractionner, à se diviser pour l'étude des faits de détails; à s'unir, à s'associer, pour la recherche des faits généraux. Ses progrès ont été ou seront l'œuvre d'une heureuse division du travail entre un grand nombre d'hom

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mes spéciaux, et d'une association, d'une coordina tion éclairée de tous les efforts vers un but commun.

Cette division, cette association, par lesquelles ont passé toutes les sciences parvenues aujourd'hui à un haut degré de développement, et vers lesquelles doivent tendre toutes les autres, sont-elles possibles dès à présent, pour la branche de nos connaissances qui est relative à l'étude des anomalies de l'organisation? J'ai pensé qu'il en était ainsi ; et cet ou vrage est le fruit de travaux entrepris et continués depuis plus de trois années pour arriver à ce double

résultat.

J'ai tenté en effet de rassembler en un corps dé doctrine d'immenses et précieux matériaux restés trop souvent épars et sans liaison entre eux commé sans profit pour la science. J'ai cherché et je crois avoir réussi à démontrer que l'ensemble de nos connaissances sur les anomalies, ou pour employer dès à présentle nom que je lui donne dans cet ouvrage, la tératologie ne peut plus être considérée comme une section de l'anatomie pathologique; qu'on ne saurait non plus voir en elle un simple rameau, ni de la physiologie, ni de l'anatomie philosophique, ni de l'embryogénie, ni de la zoologie; qu'elle a avec toutes ces sciences des rapports presque également intimes, sans pouvoir être confondue avec aucune d'elles; qu'elle constitue par conséquent une branche particulière, une science distincte, dans le sens spécial qu'on a donné à ce mot. Ces propositions

vue,

seront, je crois pouvoir le dire, établies d'unê manière incontestable dans cet ouvrage, où je montrerai quelles bases, quels principes, quelles formes doivent être propres à la tératologie, et où je traiterai de cette science nouvelle sous trois points de en présentant les faits particuliers qui s'y rapportent; les faits généraux, les règles, les lois qui peuvent être déduites de ces faits particuliers; enfin, les applications très-nombreuses qui peuvent être faites des uns et des autres à presque toutes les branches des sciences zoologiques et des sciences médicales.

Par les recherches dirigées vers ce dernier but, après avoir étudié les anomalies dans leurs conditions spéciales, et établi les lois et les rapports généraux auxquels peuvent se ramener tous les faits particuliers, je montrerai comment ces lois et ces rapports ne sont eux-mêmes que des corollaires des lois les plus générales de l'organisation; comment, parmi les théories proposées dans ces derniers temps, toutes celles qui ne sont pas applicables aux anomalies, ne le sont pas non plus à l'ensemble des faits normaux et doivent être reléguées au rang des systèmes ; comment, au contraire, plusieurs principes, établis encore sur des bases peu solides par l'étude des faits normaux, trouvent dans celle des anomalies leur démonstration complète. Et comme la tératologie, dans les mille et mille faits qui lui appartiennent, embrasse toutes les conditions de l'organisation chez tous les êtres, on verra qu'il n'est même aucun

fait général, aucune loi anatomique ou physiologique qu'elle ne puisse éclairer d'une vive lumière et à laquelle elle ne donne ou une infirmation ou une confirmation positive et éclatante. Ainsi, et telle sera la conséquence nécessaire d'une connaissance exacte et approfondie des anomalies, l'étude des faits normaux et celle des faits tératologiques, intimement associées l'une à l'autre, ne cesseront de se prêter un secours mutuel et puissant.

C'est sous ce rapport que l'étude des anomalies, qui n'est par elle-même que curieuse, devient d'un haut intérêt, et que ses progrès importent véritablement à l'avancement de toutes les sciences anatomiques, physiologiques, zoologiques et de la pathologie elle-même. Aussi ai-je constamment cherché à déduire des faits tératologiques, les conséquences générales et les applications qui résultent de leur étude, et n'ai-je jamais perdu de vue le but principal que je m'étais proposé en commençant cet ouvrage; celui d'arriver, par l'étude des anomalies, de leurs caractères, de leur influence sur l'organisation, de leur mode de production et de leurs lois, à la connaissance plus exacte et plus approfondie des modifications de l'ordre normal, de leur essence, de leur raison d'existence, et des principes auxquels peut se rattacher leur infinie variété.

J'ai à peine besoin de dire combien m'ont été utiles , pour marcher vers ce but, les travaux de plusieurs auteurs contemporains qui ont compris le

haut intérêt philosophique de l'étude dés anomalies; qui, de curieuse qu'elle était, ont su la rendre intéressante, instructive, utile, et qui ont exploité les premiers une mine féconde, où l'on avait à peine puisé quelques matériaux jusqu'alors restés infructueux pour la science. Les ouvrages de mon père, ceux de M. Serres, et, parmi les anatomistes étrangers, ceux de Meckel sont cités presque à chaque page dans ce livre, et j'ai cherché partout à en apprécier dignement la haute importance. Souvent même il ne m'est resté qu'à glaner sur leurs pas; et lorsque j'ai été plus heureux, c'est surtout aux principes généraux posés par eux-mêmes ou à leurs observations que je l'ai dû.

J'ai trouvé aussi de bien précieux secours dans l'empressement qu'un grand nombre d'anatomistes de Paris, de Montpellier et de plusieurs autres villes, ont mis à m'adresser les cas tératologiques qu'ils possédaient, ou à me communiquer les observations, encore inédites, qu'ils avaient eu occasion de faire. Leur bienveillance, sur laquelle j'avais compté en commençant cet ouvrage, a encore surpassé mon attente. Je lui ai dû de pouvoir connaître, par mes propres observations un grand nombre d'anomalies nouvelles pour la science, et d'éclairer l'histoire de presque toutes les autres par l'analyse de quelques faits de plus.

J'ai mis également à profit les riches matériaux que possèdent toutes les grandes collections anatomiques; par exemple, le musée de l'école vétérinaire

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