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d'un autre côté, le nombre des cas tératologiques est nécessairement illimité, comme il s'en présente chaque année une multitude, il doit arriver que plusieurs d'entre eux se trouvent établis sur un seul et même type, et se répètent pour ainsi dire les uns les autres. Bien plus, les progrès ultérieurs de la science peuvent et même doivent amener un moment où tous les types dont la réalisation est possible, ayant été observés, les cas qui surviendront par la suite, n'offriront plus aux tératologues que de légères modifications de ces mêmes types déjà connus; en d'autres termes, donneront lieu à l'établissement, non plus de nouveaux genres, mais seulement d'espèces nouvelles dans des genres

déterminés à l'avance.

Examinons si ces prévisions de la théorie sont justifiées par l'observation. Et d'abord, que l'on voie souvent en té, ratologie, comme en zoologie, le même type reproduit avec de légères modifications par plusieurs individus, c'est ce que l'histoire spéciale des anomalies a démontré del a manière la plus positive. Sans parler ici de cette multitude de variétés et de vices de conformations dont l'extrême fréquence est un fait presque vulgaire, et pour me renfermer ici dans le cercle des anomalies les plus complexes, mes recherches m'ont conduit à ce résultat, que, sur près de quarante genres présentement connus parmi les monstruosités doubles, plus de la moitié renferment douze, quinze, vingt, trente, quarante exemples, et souvent davantage encore; et il en est à peine quelques uns, tels que l'épicomie, l'augnathie, la céphalomélie, où je n'aie trouvé à citer qu'un ou deux exemples seulement. Parmi les quarante genres de monstruosités unitaires, une moitié est de même connue par dix, vingt, trente cas, quelquefois même par plus de soixante; un tiers comprend de quatre à dix cas; quelques uns, un nombre moindre encore, trois ou deux; et il n'en est pas

même un seul qui paraisse ne s'être présenté qu'une fois à l'observation.

Quelque concluans que soient de tels résultats, je puis encore aller plus loin.. Dans la série tératologique comme dans la série zoologique, il arrive le plus souvent que plusieurs genres se lient entre eux par des rapports très-intimes, se répètent plus ou moins manifestement les uns les autres, et par conséquent puissent et doivent eux-mêmes, sous un point de vue plus général, être considérés comme établis sur un type commun. De là le groupement de nos quatre-vingts genres de monstres, soit unitaires, soit doubles, en familles dont le nombre s'élève présentement à vingttrois, Or'on a vu, que sur ces vingt-trois familles, vingtet-une comprennent deux, trois, souvent même quatre, cinq et jusqu'à six genres, et deux seulement, les anidiens et les hétéraliens, un genre unique (1).

Il n'est donc pas de fait mieux démontré de fait mieux démontré que la fréquente répétition du même type parmi les états anomaux comme parmi les états normaux de l'organisation; et l'on chercherait même en vain sous ce rapport quelque différence entre les uns et les autres.

Que penser maintenant de cette opinion, encore si répandue, qu'il est absurde de vouloir établir des genres Linnéens parmi les monstres comme parmi les êtres réguliers, en raison de la multitude des modifications individuelles qu'il faudrait regarder comme autant de types génériques? Si elle eût pu paraître rationnelle à l'époque où l'on ne voyait encore dans les monstres que de vains jeux de la

(1) Voyez le tableau général de classification, t. II, p. 179. On y remarquera que le seul genre zoomyle est indiqué dans la famille des zoomyliens: mais son isolement actuel tient à l'impossibilité d'établir dès à présent d'autres genres de zoomy liens, dont l'existence est d'ail leurs certaine.

nature, une telle opinion est aujourd'hui en pleine contradiction avec les nouveaux principes de la science, aussi bien que démentie par les faits. Sans nul doute les travaux ultérieurs des tératologues augmenteront le nombre des familles et des genres tératologiques; mais cette augmentation, que l'on s'est plu à supposer si rapide et si démesurée, ne se fera que très-lentement, et toujours suivant une progression décroissante. Le passé et le présent de la science sont à cet égard de sûrs garans de son avenir. Ainsi, malgré le mouvement si rapide imprimé depuis vingt ans à la tératologie par Meckel en Allemagne et par mon père en France, on ne peut évaluer à plus d'un cinquième le nombre des genres qui ont été décrits pour la première fois dans notre siècle; encore était-ce souvent d'après des individus conservés dans des collections anciennes, et par conséquent observés, sinon publiés, long-temps auparavant. Et si l'on veut un exemple plus frappant, je puis ajouter que toutes les recherches faites par moi-même depuis sept ans, une correspondance suivie avec les anatomistes de divers pays, l'analyse des nombreux travaux publiés récem¬ ment, enfin l'examen même que j'ai fait en France et en Belgique de plus de douze collections importantes, soit publiques, soit particulières; tout cela, en doublant presque le nombre des cas que j'avais à comparer, ne m'a pas fait connaître plus de quatre ou cinq genres que je n'eusse pu sinon décrire, du moins indiquer, lorsqu'encore au début de mon travail, je venais de terminer, en 1829, le dépouillement des cas jusqu'alors recueillis par les

auteurs.

Ainsi, dès à présent, la découverte d'un nouveau genre est, contrairement à la croyance commune, un événement, beaucoup plus rare en tératologie qu'en zoologie; et si l'on ne peut calculer, pas plus pour l'une de ces sciences que

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pour l'autre, le nombre des types qui restent à connaître, on est du moins fondé à le supposer, dans toutes deux, inférieur au nombre des types déjà connus.

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DES RAPPORTS DES ANOMALIES avec LES VARIATIONS NORMALES DE L'ORGANISATION DANS LA SÉRIE ZOOLOGIque.

On a vu que les différences d'un être anomal par rapport à son type normal, peuvent, pour la plupart, se ramener én dernière analyse à des excès ou à des défauts de formation, ou bien à de simples inégalités de développement. Et même, s'il est quelques anomalies qui ne puissent recevoir une telle explication, celles-ci, comme toutes les autres, diffèrent de l'état normal, non par la nature des déviations qui les caractérisent, mais seulement par quelques modifications dans le mode d'évolution d'un ou plusieurs organes.

Rapprochons ces résultats tératologiques, déductions certaines de tous les faits qui précèdent, des hautes généralités auxquelles la zoologie philosophique s'est élevée récemment sur les rapports analogiques et différentiels des animaux; et voyons si de ce rapprochement ne pourra nattre quelque vérité utilement applicable au sujet de nos présentes études.

L'unité de plan dans le règne animal, expliquée par la théorie des inégalités de formation et de développement; tel est le grand fait qui domine aujourd'hui la science zoologique tout entière. Admettez pour chaque être l'exis

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tence d'un plan propre et distinct, et vous réduisez la science à la stérile observation de faits sans lien réciproque, sans analogies rationnelles, sans conséquences possibles. Admettez l'unité de plan pour toutes les espèces d'un même genre, d'une même classe, d'un niême embranchement; ramenez le nombre immense des variétés du règne animal à mille, à cent, à dix types; embrassez ainsi un horizon moins étroit: vous pouvez saisir des rapports, déduire des conséquences, fonder des théories, mais seulement des théories, des conséquences, des rapports partiels; car vous n'avez encore que les fragmens épars d'une science et non la science elle-même. Elevez-vous au contraire à l'idée de l'unité de plan; ne voyez dans la multitude des êtres de la série animale que les innombrables parties d'un immense tout, que les manifestations diversifiées à l'infini d'un seul et même type; concevez l'unité de l'effet visible, comme de la cause suprême et inconnue; puis, en marchant à la recherche de cette grande vérité, appliquez à la solution des difficultés qui se présenteront à chaque pas, la théorie des inégalités de formation et de développement, facile et admirable clef de la zoologic comme de la tératologie: dès-lors l'horizon s'étend immense devant vous; les obstacles tombent, les rapports se manifestent comme d'eux-mêmes; et bientôt apparaît cette vérité vraiment fondamentale, qu'une ou plusieurs métamorphoses en plus ou en moins, quelquefois un simple changement dans le mode d'évolution d'un organe, expliquent toutes ces variations qui, au premier aspect, semblaient accuser d'innombrables différences de nature et d'essence. Ainsi la série des espèces offre un parallélisme manifeste avec la série des formations et des développemens dans le même être, ou, en un mot, avec la série des âges; l'une reproduit les faits de l'autre ; ét toutes deux se coordonnent et s'expliquent réciproquement,

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