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CINQUIÈME PARTIE.

RAPPORTS ET APPLICATIONS DE LA TÉRATOLOGIE,

En traitant successivement, dans les quatre parties précédentes, des caractères, de l'influence, des rapports et, autant du moins que le permet l'état présent de la science, des causes des anomalies, j'ai parcouru le cercle entier de la tératologie, depuis ses faits particuliers, qui en sont les prémisses, jusqu'aux généralités de l'ordre le plus élevé qui en sont les conséquences suprêmes. Ici pouvait s'arrêter ma tâche; mais il m'a semblé utile d'ajouter à tout ce qui précède, quelques aperçus sur les principales applications qui peuvent être faites de l'étude des anomalies à diverses branches des sciences médicales, naturelles et philosophiques; en d'autres termes, après avoir traité de ce qu'on peut appeler la tératologie spéciale et la tératologie générale, de jeter un rapide coup d'œil sur la tératologie appliquée.

Cette cinquième et dernière partie de mon ouvrage, de toutes la plus courte, en fût sans nul doute devenue la plus longue, si j'eusse voulu exposer toutes les applications de la tératologie, et non indiquer simplement les plus importantes et les plus nouvelles. Quand tant de personnes n'at tribuent encore à l'étude des anomalies qu'un faible intérêt de curiosité; quand des médecins dont le nom n'est pas

sans quelque autorité, croient eux-mêmes devoir s'associer à cet arrêt irréfléchi de proscription, et le font retentir jusque dans les chaires du haut enseignement, il est permis d'affirmer que, sur les mille et mille faits dont est riche aujourd'hui la science des anomalies, un très-petit nombre restent encore sans conséquences utiles, soit pour la zoologie, soit pour la pathologie ou pour la médecine légale, soit surtout pour la physiologie et l'anatomie philosophique, dont la tératologie restera désormais le complément nécessaire. La démonstration de cette vérité serait peu difficile, mais longue, fastidieuse, et l'on peut ajouter, entièrement superflue. Est-ce bien, en effet, au dix-neuvième siècle, qu'un auteur doit perdre ses pages à plaider en faveur de la science dont il traite? Et ne serait-ce pas méconnaître l'époque dans laquelle nous écrivons, que de remettre en question et de discuter sérieurement, même en vue de la démontrer, l'utilité d'une branche du savoir humain ?

CHAPITRE PREMIER.

DES RAPPORTS DE LA TÉRATOLOGIE AVEC LES SCIENCES MÉDICALES.

Les applications de la tératologie à la thérapeutique chirurgicale et à la médecine légale, ont fixé depuis longtemps, et l'on peut dire même dès l'origine de ces deux sciences, l'attention des auteurs et des praticiens qui se sont voués à leur culture. C'est à elles, en effet, que se rapportent le plus grand nombre, mais non à beaucoup près la totalité des applications médicales de la tératologie, et l'on va voir même que, considérée sous le point de vue pratiqué,

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l'étude des anomalies n'est complétement dénuée de relations, sinon avec aucune des sciences dites médicales, du moins avec aucune de celles qui méritent véritablement ce

nom.

SI. Rapports avec la pathologie et l'anatomie pathologique.

Il n'est pas nécessaire d'avoir parcouru le cercle entier de la tératologie, pour voir naître de cette science diverses applications, soit à la pathologie spéciale, soit même à la théorie générale des altérations pathologiques.

Ainsi, pour citer quelques exemples, dès les premiers pas que l'on fait dans l'étude des hémitéries, on reconnaît la nécessité de mettre enfin un terme à la confusion si anciennement faite, et depuis si religieusement conservée dans les écoles, entre les vices congéniaux de conformation et les lésions accidentelles survenues après la naissance; lésions beaucoup plus différentes encore des vices congéniaux de conformation par leur nature, souvent aussi par leur degré d'influence et le mode de traitement qui leur convient, que par l'époque de leur production.

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L'utilité d'une réforme dans la nomenclature pathologique, ne se montre pas moins évidemment pour beaucoup de cas. Dans presque tous les traités d'anatomie pathologique et surtout de chirurgie, on voit les auteurs employer, indifféremment l'un pour l'autre, et comme des synonymes parfaits, les mots congéniaux et originels, qui, dans un langage rigoureux (et la science n'en peut admettre d'autre), expriment des idées très-diverses, et souvent même directement contraires. Dans ces mêmes ouvrages, les déviatións tératologiques sont toujours confondues avec les altérations vraiment pathologiques, et l'on trouve ainsi compris dans les cadres nosologiques, et par conséquent appelés du

nom de maladies, des états de l'organisation qui, pour être anomaux, n'en sont pas moins parfaitement hygides, puisqu'ils n'excluent la possibilité ni d'une bonne santé ni d'une longue vie.

L'étude approfondie des classifications tératologiques, et leur comparaison avec diverses classifications nosologiques, proposées en France et en Allemagne, peuvent fournir aussi des inductions utiles sur la valeur de celles-ci. Pour qui a cherché à se pénétrer de l'esprit des unes et des autres, il n'est pas difficile de reconnaître la similitude des bases sur lesquelles elles reposent, des imperfections dont elles sont entachées dans leurs résultats, et par suite des améliorations que réclame leur état présent. La plupart des auteurs des classifications nosologiques, comme ceux des classifications tératologiques, ont suivi la voie qui se présente naturellement la première à l'esprit. Partant de considérations trèssimples déduites de faciles observations ou même fournies par le seul raisonnement, ils ont établi d'abord un petit nombre de groupes primordiaux, puis divisé, subdivisé et fractionné l'immense étendue de ceux-ci, jusqu'à ce qu'ils fussent graduellement descendus aux groupes du dernier ordre. Cette marche, par la simplicité des considérations qui lui servent de point de départ, par la corrélation régulière, et souvent presque symétrique, des divisions auxquelles elle conduit finalement, satisfait à double titre, jusqu'à ce qu'on en soumette les résultats à l'épreuve des faits; mais on n'obtient, en définitive, par elle, qu'un système purement artificiel, dont l'emploi entraîne de graves. infractions à l'ordre naturel, et dont le cercle, si vaste qu'on l'ait tracé, laisse en dehors de lui, ou ne comprend que comme des appendices arbitrairement placés, un plus ou moins grand nombre de cas non prévus par les données

premières de la classification. De telles imperfections existent en très-grand nombre dans la plupart des systèmes nosologiques, et ne démontrent que trop bien, pour la nosologie, la nécessité d'entrer enfin dans la voie des réformes récemment opérées par mon père en tératologie. C'est qu'il n'est point de classification naturelle possible pour des états d'organisation aussi complexes que le sont les maladies et les monstruosités, si elle n'est établie suivant la méthode des naturalistes; en d'autres termes, si elle n'a pour base, non la formation arbitraire de quelques groupes primordiaux que l'on divise et subdivise ensuite, mais la coordination des faits isolés et individuels, après leur étude approfondie, en groupes, d'abord spécifiques, puis génériques, puis plus étendus encore, et ainsi de suite jusqu'aux groupes les plus généraux. Cette méthode, précisément inverse de celle que tous les nosologistes, M. Alibert et quelques autres exceptés, ont toujours suivie, procède, suivant le précepte logique, du simple au composé, et a, en outre, sur la première, cet autre et immense avantage de grouper les faits selon leurs ressemblances, au lieu de les diviser d'après leurs différences; genre de rapports qui, essentiellement négatifs, ne peuvent fournir l'expression des affinités vraiment naturelles. Telle est la voie dans laquelle les progrès récens de la tératologie semblent appeler à sa suite la nosologie, comme elle-même y a suivi si heureusement la botanique et la zoologie normale (1).'

Après ces applications tératologiques, relatives seulement, du moins en apparence, à la terminologie et à la

(1) Sur les différences qui existent entre les systèmes et les classifications vraiment naturelles ou méthodes, et sur les avantages de cellesci, voyez le commencement du chapitre V et le chapitre VI des prolégomènes, t. I, p. 80, et p. 97 et suiv.

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