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que l'on y a découvert. Du reste il paraît que l'engloutissement de la ville a eu lieu peu à peu et que les habitans ont eu le temps de fuir, car on n'y a trouvé d'autres ossemens humains que ceux que renfermaient les tombeaux.

Sur les limites du Valais et du territoire de Bex, au nord ouest de Sion, s'élèvent trois pics aigus, trois cornes, du sommet d'une chaîne de rochers. Les habitans du Valais s'étaient persuadés que cet endroit était le lieu de réunion des esprits infernaux; de là le nom de Diablerets donné à ces trois pointes de rochers, que l'on avait autrefois l'habitude d'exorciser pour en chasser les mauvais esprits. Le côté tourné vers les Alpes du Valais est escarpé et raide. La pointe la plus élevée, située à 9,600 pieds au dessus du niveau de la mer, et les parties de la roche voisine du sommet se composent d'une multitude de couches calcaires de peu d'épaisseur.

Des inflexions remarquables dans cette stratification, d'ailleurs bien claire, nous montrent qu'un soulèvement a eu lieu; et cette opinion est confirmée par les coquilles pétrifiées que l'on trouve dans cet endroit; car ces pétrifications situées à la hauteur des neiges éternelles sont de celles que nous reconnaîtrons plus tard comme caractéristiques pour les roches normales les plus récentes. Autrefois le groupe des Diablerets était plus considérable; des éboulemens arrrivés en 1714 et 1749, ont diminué le nombre des pointes de rochers. Le 23 septembre de l'année 1714, les habitans des environs entendirent un bruit sourd qui devint de plus en plus violent; le 25 et les jours suivants quelques-uns des pics s'écroulèrent. Des morceaux de rochers déta chés de la montagne roulèrent jusqu'à deux lieues de distance, et la poussière fut si forte qu'elle s'étendit

à plus de 6 lieues en nuages d'une telle épaisseur que toutes les hauteurs voisines en étaient enveloppées. Les pâturages des alentours furent entièrement couverts de débris de roches, sous lesquels quinze hommes et 100 têtes de bétail restèrent ensevelis. Trois mois s'étaient écoulés depuis cet événement désastreux, lorsqu'on vit arriver dans le village d'Aven un homme pâle, exténué, semblable à un spectre. Chacun prit la fuite à son aspect; toutes les portes se fermèrent jusqu'à ce que, le premier effroi passé, on reconnut un des habitans que l'on croyait perdu depuis la catastrophe. Dans cet éboulement deux énormes blocs de rocher s'étant rencontrés dans leur chute se soutinrent l'un l'autre en s'enfonçant profondément dans le sol. Ce fut un hasard heureux pour le pauvre berger, qui, au moment du plus grand danger, trouva un abri sous cette voûte protectrice. Les décombres s'amassèrent autour et au dessus du malheureux prisonnier, qui fut ainsi enterré vivant. Pendant trois mois qu'il resta dans cette horrible position, il se nourrit de fromage et se désaltéra au moyen des eaux qui filtraient entre les roches. Enfin, vers la Noël, après des efforts inouis et plusieurs essais infructueux, il parvint à se frayer un passage à travers les décombres. C'est peut-être un cas sans exemple dans tous les éboulemens de rochers.

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Le dernier événement de ce genre que je veux vous citer, a eu lieu près de la petite ville de St. Maurice, entre la Savoie et le Bas Valais. Là s'élève, de 9,880 pieds au dessus du niveau de la mer, tagne appelée la Dent du midi; elle fait partie de la chaîne des Alpes qui suit la rive gauche du Rhône. Elle est bien reconnaissable à sa forme imposante et à sa cime dentelée. La montagne entière se compose

de

schiste calcaire et de marne noire. Les sommets les plus élevés sont revêtus de neige, vers le milieu se trouve un glacier et les parties basses sont couvertes de bois et de prairies. Avant l'événement dont je vais parler, la Dent du midi offrait l'aspect d'une pyramide assez régulière. Dans la soirée du 25 août 1835, un violent ouragan s'éleva, et on dit que la foudre tomba plusieurs fois sur les pointes les plus élévées de la montagne. Le lendemain une masse énorme se précipita de ces hauteurs sur le glacier et de là, avec une partie de ce dernier, dans le fond de la vallée. D'épais nuages de poussière s'étendirent sur les environs et y restèrent pendant plusieurs jours. Au milieu d'un ravin considérable il se forma une véritable colline composée d'une boue noire et compacte sur laquelle surnageaient des blocs, quelquefois de 12 pieds de haut, comme des glaçons sur un fleuve. La masse boueuse, laissant de côté les plus gros rochers, se dirigea vers le fond de la vallée à travers un bois de pin, en renversant tout sur son passage; les arbres les plus forts furent déracinés et brisées comme des roseaux. Arrivé sur les bords du Rhône le torrent de boue s'étendit et forma une mare d'un aspect effrayant; des blocs furent poussés dans le fleuve et s'amoncelèrent en assez grande quantité sur la rive droite. La masse boueuse, sur laquelle on aurait pu marcher pendant qu'elle était en mouvement, recouvrit entièrement la grande route de telle sorte que l'on fut obligé d'y jeter des fascines pour former une nouvelle chaussée sur ce sol élastique.

Avant de quitter ce sujet, je vais vous communiquer quelques observations sur ce qu'il serait nécessaire de faire pour diminuer les dangers de ces événemens, pour en garantir, en quelque sorte, les lieux habités.

Vous savez que, dans la plupart des cas, les catastrophes de ce genre se font pressentir long-temps à l'avance par des signes particuliers, tels que des crevasses qui s'agrandissent toutes les années davantage et quelquefois d'une manière déterminée. Ce fait étant reconnu, on doit tout naturellement se demander s'il n'y aurait pas moyen de prévenir les éboulemens de rochers, ou du moins d'écarter leurs résultats fâcheux; qu'arrive-t-il lorsque des montagnes s'écroulent? L'expérience a fait connaître, que des phénomènes de cette espèce se répètent dans les mêmes montagnes et dans des intervalles de plusieurs siècles. D'après cela, pour juger de la possibilité d'un danger imminent dans une contrée, on doit avant tout se livrer à des recherches très minutieuses. Si la géologie ne donne pas dans tous les cas des éclaircissemens satisfaisants, du moins elle nous indique diverses précautions à prendre. On doit examiner avec soin les fentes et les crevasses. Si la partie inférieure de la montagne n'a qu'une petite inclinaison, les rochers ne rouleront que peu-à-peu et on pourra employer différens moyens pour s'en préserver. Il y a des cas ou des blocs mettent des mois pour avancer de quelques pieds, de sorte que ceux qui habitent à des endroits où l'on prévoit du danger ont assez de temps pour se transporter ailleurs. Il est bien rare, qu'il soit bon de remplir des crevasses ou de soutenir par des murs des couches brisées.

On connaît des exemples d'événemens pareils où la nature elle-même arrête la destruction. Au moment même ou un village entier va être englouti, les débris et les blocs de rochers s'amassent hors des lieux habités, s'entassent les uns sur les autres et forment une chaussée qui arrête les masses suivantes. Ces chaussées

ont quelquefois 5,000 pieds de long, sur 1,500 pieds de large et 200 pieds de haut; les unes ne subissent plus aucune destruction lorsqu'elles sont couvertes de plantes; mais le plus souvent les masses sont brisées par l'action de l'eau congelée, elles roulent plus bas et ne s'arrêtent qu'à la plaine voisine. Ce qui est toujours bien difficile, c'est de mettre obstacle à la chute des décombres, lorsqu'on est parvenu à détourner le premier écroulement. Le plus sûr moyen dans ce cas, est de détourner les eaux qui se rendent dans les amas de débris, car rien ne favorise ces chutes comme l'eau qui agit surtout avec violence après les fontes de neiges soudaines. Cependant des difficultés extraordinaires et inattendues s'opposent à l'application de ce moyen simple et naturel; il peut exiger des essais étendus et dispendieux. De plus, on doit remplir avec de la terre fine toutes les crevasses qui traversent le sol et aplanir les creux ou les élévations du terrain. Les versans de montagnes escarpées demandent une attention toute particulière; on doit entretenir et soigner les forêts qui s'y trouvent et veiller à la formation de nouvelles; car les bois sont un excellent obstacle contre les éboulemens de rochers; on cherche à creuser un lit aux eaux torrentielles pour les détourner des amas de débris.

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