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noient l'arbre franc: un arbre greffé est toujours moins grand et moins touffu : ainsi la foliation est plus nourrie et plus belle, et ses fruits, qui sont toujours en moins grande quantité, sont plus gros et plus savoureux.

Une autre circonstance influe peut-être aussi sur la plus grande élaboration du fruit, dans les arbres greffés.

La greffe réunit une branche d'une variété à un pied d'une autre : cette union qui n'est pas naturelle forme toujours une espece de noeud, au point de l'insertion qui arrête peut-être la rapidité de la seve: on sait que par cette lenteur ménagée dans le cours de la seve, on réussit à faire que les bourgeons qui en sont alimentés, produisent plutôt des fruits que des branches.

Un arbre qui ne fructifie guere est rendu fécond par le moyen d'un écorchement fait à son pied : les cultivateurs de vignobles plient les serments et les cassent un peu au lieu où ils veulent faire commencer la fructification; et j'ai obtenu plusieurs fois des oranges d'une grosseur extraordinaire, en tordant la branche qui les portoit.

Tous ces moyens sont connus par nos cultivateurs, peut-être depuis des siecles, et il n'est plus douteux que leur effet n'est dû qu'à la plus grande lenteur dans le cours de la seve, qui, de cettè maniere, influe sur la quantité et la qualité des fruits.

Mais telles sont les limites que la nature a fixées à l'influence de la greffe sur les végétaux : elle facilite ou gêne leur développement, mais elle ne change jamais ni ne modifie leurs formes, leurs proportions, leurs sucs, leurs couleurs : jamais par la greffe on n'a pu changer un sauvageon en poire de beurré, ni un beurré en poire muscat; jamais on n'a vu le fruit d'un bigaradier s'améliorer et perdre de son amertume par l'opération de la greffe. J'en ai un pied que j'ai déja greffé trois fois sur lui-même, greffe sur greffe ; il ne me donne que des fruits plus gros, mais ces fruits ne different d'aucune maniere, dans le reste, de ceux de la plante qui a fourni le bourgeon.

La greffe n'est autre chose qu'une espece de bouture: elle transporte le bourgeon d'une plante sur la tige d'une autre; et ce bourgeon, qui renferme en lui-même les rudiments du végétal qui doit en sortir, ne fait que tirer de la tige sur laquelle il est appliqué les sucs alimentaires qui lui sont nécessaires, de la même maniere que la bouture les tire immédiatement de la terre. Il se peut que, dans le passage que ces sucs sont forcés de faire au travers des racines et de la tige du sujet, ils arrivent aux fibres du bourgeon plus élaborés qu'ils ne le seroient dans le sol; mais, quel que soit l'état où ils se trouvent à leur entrée dans les fibres du bourgeon, ils y seront toujours mo

difiés par les organes de cet individu, comme le sont ceux qu'il tire de l'air, et comme le seroient ceux qu'il pourroit tirer de la terre, s'il y étoit placé, sans intermédiaire, par des racines propres.

L'expérience a confirmé ces principes, et l'on est maintenant convaincu que la greffe ne fait absolument que perpétuer les especes ou les variétés, sans les améliorer.

la

J'ai fait, à ce sujet, des observations suivies pendant plus de quinze ans, en tenant à côté de la plante greffée la plante qui m'avoit fourni le bourgeon: j'ai greffé des orangers sur limoniers, et des limoniers sur orangers : j'ai greffé des orangers à fruit doux sur des bigaradiers, et réciproquement; j'ai greffé des abricotiers sur pruniers, des pêchers sur abricotiers, et je n'ai jamais pu reconnoître la moindre différence entre les fruits donnés par plante qui m'avoit fourni la greffe, et ceux de la plante qui l'avoit reçue: je n'ai jamais obtenu d'autre résultat de ces opérations, que celui de conserver les variétés rares, que l'on ne peut pas propager de semence, par la double raison qu'elles n'en portent que rarement, et que lorsqu'elles en por tent, on n'en obtient le plus souvent que des variétés dégénérées.

Les principes théoriques qui prouvent l'impuissance du sujet, et de sa sève pour opérer des changements sur le produit de la greffe, ne peuvent

pas s'appliquer également à ces greffes merveilleuses, formées de la réunion de deux à trois bour. geons, dont on trouve les méthodes dans les ouvrages de nos anciens agronomes, et auxquelles on prétend encore maintenant devoir les especes mélangées, telles que l'orange de bizarrerie, qui participe de l'orange, du limon et du citron.

On a bien de la peine à concevoir comment deux demi-bourgeons, appliqués l'un sur l'autre, peuvent s'amalgamer et former un seul bourgeon participant de la nature des deux.

Je n'oserois pas citer mes expériences pour prouver que deux bourgeons différents, portés sur une tige analogue, ou même placés dans la terre, en les réunissant en un seul, ou périssent s'ils sont trop mutilés, ou développent chacun isolément leur scion.

La non réussite de ces opérations ne seroit qu'une preuve négative qui ne pourroit pas détruire des faits, s'il en existoit; mais je défie les jardiniers de me citer un exemple appuyé d'observations impartiales, et dont ils puissent garantir l'exactitude.

que

D'ailleurs, si en me le présentant ils ne m'offroient des individus tels que ceux que je possede, et que j'ai vus en Ligurie, en Toscane, et qui sont connus en France sous le nom d'orange de bizarrerie, j'oserois les en démentir.

L'anatomie du tissu de ces individus me serviroit d'argument pour les confondre : elle ne présente pas les traces des trois bourgeons à l'union desquels on prétend devoir cette hybride: elle offre seulement le spectacle d'une branche qui porte à-la-fois, mais isolés sous des feuilles distinctes, des bourgeons des trois especes et des bourgeons qui donnent des fruits mélangés sans cependant que l'on puisse reconnoître dans ces especes d'embryons rien qui annonce ce mélange.

Je ne parlerai pas de ces greffes imaginaires par lesquelles on a prétendu faire porter des branches de figuier, de vigne, de rosier et de jasmin, à des tiges d'oranger ou de limonier.

J'ai vu plusieurs fois de ces phénomenes en Toscane et dans le Milanois, et j'avoue qu'ils m'ont fait illusion; mais après avoir été trompé pendant long-temps par ces jardiniers qui m'ont vendu fort cher des recettes ridicules pour obtenir ces unions extraordinaires, et après avoir perdu, pour en faire l'essai, plusieurs pieds d'orangers, j'ai enfin réussi à découvrir la fraude, et je me suis convaincu que ces unions hétérogenes n'existoient pas dans la nature.

J'ai acheté un de ces vases portant un pied d'oranger, sur lequel on voyoit une greffe de figuier dès que je l'ai eu en mon pouvoir, je l'ai ouvert dans l'endroit de l'insertion de la branche

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