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de figuier, et j'ai découvert que ce végétal étran⚫ger s'enfonçoit dans la tige qui avoit été trouée dans son intérieur, et qu'en la traversant il alloit étendre ses racines dans la terre, et vivoit sur son seul pied indépendamment de celui de l'oranger. Cette découverte a achevé de me convaincre qu'il existe réellement une différence dans les organes des différents végétaux, ainsi qu'elle existe dans les organes des animaux ; et que c'est de cette différence d'organisation que résulte la différence des produits je sais que ces détails échappent, dans le regne végétal, à l'observation du physiologiste, et qu'il est extrêmement difficile de donner des apperçus d'anatomie comparée des végétaux; mais il n'est pas moins vrai pour cela que cette différence existe, et qu'elle est aussi immuable qu'elle l'est dans le regne animal. Chaque espece a ses formes déterminées; elles peuvent être détruites, mais non pas modifiées, et quelle que soit la nature du pied qui la nourrit, la plante donnera toujours le produit qui est propre à son espece.

ARTICLE IV.

Continuation. Influence de la culture et du sol sur les végétaux.

La culture et le climat ont paru aux agronomes des agents encore plus puissants que la greffe, et

on a cru devoir leur attribuer des changements très sensibles dans les caracteres secondaires des végétaux.

C'est principalement à la force de la culture que l'on a attribué la différence sensible qui existe entre les sauvageons et les arbres cultivés.

Mais il est aisé de voir que l'on s'est fait illusion dans ces jugements, et que l'on n'a attribué ces différences à la culture ou à la greffe, que parceque ces deux procédés accompagnent toujours les individus qui éprouvent le changement, et qu'ils sont toujours les moyens que l'on emploie pour les multiplier.

La nature donne des individus à fruit ordinaire et d'autres à fruit fin: les premiers, toujours greffés dans les jardins, ne portent du fruit que dans les bois ; et le cultivateur, qui les y voit aussi dégradés, conclut que c'est au manque de culture que l'on doit cette dégénération. Les seconds, du moment qu'ils sont découverts, étant cultivés et multipliés par la greffe, ne se voient jamais que dans l'état de domesticité; et le cultivateur, qui ignore d'où ses peres les ont tirés, juge qu'ils doivent ce changement à l'action de la culture ou de la greffe, auxquelles il les voit soumis : je dis que le cultivateur juge de cette maniere, parcequ'il ignore l'origine du premier pied qui a donné ces différentes générations, et je le dis parcequ'il n'existe pas un

agronome qui ait constaté d'une maniere rigoureuse un de ces changements: tous ceux qui parlent de ces métamorphoses, observent la différence qui existe entre les divers individus qui se trouvent dans les bois, et ceux que l'on voit dans les jardins; mais personne n'a vu s'opérer ce changement sur un même individu : ils le voyent tous à travers les tenebres des siècles, et ce raisonnement est le résultat d'une conjecture plutôt que d'une observation.

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Mais, si l'on avoit examiné la nature avec une attention suivie, on se seroit cependant apperçu que ces différences qui existent en effet sur deux individus différents, tels, par exemple, que la poire des forêts et la poire de beurré, n'ont jamais paru successivement sur le même individu. j'appelle individu la plante qui existe seule sur son pied, et qui jouit de la vie fixée par la nature à son espece, et j'appelle aussi individu la collection de toutes les plantes qui proviennent d'un seul germe, et qui ne forment en conséquence qu'une seule plante qui s'est multipliée sans se changer, soit en passant successivement, par la greffe, sur une infinité de pieds différents, soit en se formant, par le moyen des boutures, une infinité de pieds propres, ayant racine dans la terre, et qui prolonge sa vie de cette maniere avec celle des espèces, et varie à l'infini les lieux et les modes

de son existence; mais qui porte toujours en ellemême les principes d'organisation reçus dans sa conception, seule et unique origine, et de l'individu qui périt sur la racine où il s'est élevé, et de celui qui renouvelle la millionième fois sa vie dans une greffe ou dans une bouture.

Cet individu, quoique multiplié à l'infini, portera toujours, dans les subdivisions innombrables de son être, les mêmes caracteres et la même physionomie qu'il a eus à son origine : j'en rapporterai un exemple dans la canne à sucre. Cette plante of fre plusieurs variétés dans l'Inde au-delà du Gange, où elle se propage de graines; mais à Saint-Domingue où elle se reproduit par bouture, on n'y en connoît encore qu'une seule : elle y est cultivée depuis 1606 avec des méthodes différentes, et dans des terrains d'une nature variée; et malgré cela elle s'y conserve sans changement: ni les procédés de la culture, ni la différence du sol n'ont pu l'améliorer dans le cours de deux cents ans ; et elle n'a pas non plus dégénéré, malgré que depuis cette époque on l'ait toujours multipliée de bouture.

Cette preuve de fait est appuyée sur la théorie : de quelle manière la culture agit-elle sur les végétaux? La nutrition est le moyen le plus puissant qu'elle puisse employer pour les affecter. Les sucs nourriciers dont la terre est le véhicule principal,

sont par-tout de la même nature : la chimie nous a prouvé que ce sont les mêmes éléments qui concourent à former le gland dans le chêne, et l'orange dans l'oranger. C'est dans les divers organes de ces différents genres de végétaux, que ces mêmes principes se décomposent, s'élaborent et finissent par acquérir, en derniere analyse, des formes et des propriétés très différentes.

Or, pourra-t-on croire, sans blesser les principes de la philosophie et de la critique, que cette matiere passive, qui n'est destinée qu'à recevoir les modifications de ces agents différents par lesquels elle est élaborée, puisse elle-même réagir sur ces organes, et en modifier l'existence, ouvrage merveilleux que la nature seule peut former?

On a cru ménager davantage ces principes en attribuant à une surabondance de nutrition cette multiplicité de pétales qui forment les fleurs doubles, et cette espece d'embonpoint qui distingue souvent presque seul des variétés.

Mais la formation de ces pétales n'est pas un simple développement d'un principe préexistant dans la fleur; elle est un vrai changement des parties mâles et femelles en corolles; et l'embonpoint de ces belles variétés porte, dans la feuille et dans les fruits, des formes nouvelles qui les distinguent des autres, et qui en forment des races à part.

La nature a fixé à tous les êtres un maximum

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