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D'ailleurs j'ai observé que Paladius parle souvent d'Apulée, qui écrivoit, selon Vossius, vers l'an 218, sous l'empereur Macrin: il devoit donc être postérieur à ce philosophe.

Cette circonstance pourroit faire placer notre agronome au troisieme siecle de l'ère chrétienne; mais comme son nom ne se trouve dans aucun des écrivains de ce temps, et que sa latinité se ressent de la décadence du goût, je croirois volontiers qu'il est le même que le Paladius de Poitiers qui vivoit au cinquieme siecle selon les auteurs de l'histoire littéraire de la France.

En adoptant cette conjecture d'ailleurs assez fondée, nous fixerions la transmigration du citronier en Italie, entre le troisieme et le quatrieme siecle de notre ere.

Mais beaucoup d'autres preuves me confirment dans cette opinion.

Un agronome grec (1), qui écrivoit, selon Vossius, sur le commencement du troisieme siecle, parle du citronier comme d'une plante cultivée, non seulement dans les pays chauds, mais aussi dans des climats où elle avoit besoin d'abris.

(1) Florentinus, agronome du troisieme siecle. On ne connoit, de cet auteur, que quelques fragments rapportés par Constantin Pogonat: on prétend que son ouvrage existe manuscrit dans la bibliotheque du Vatican.

Voici comme il s'exprime au livre dixieme, chap. 7, en parlant du citronier :

<< Le citronier doit être planté contre des mu<< railles pour lui ménager un abri contre le nord; « dans l'hiver il faut le couvrir avec des buttes de

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«

paille et des sarments de courges... Les riches « qui vivent dans la magnificence et dans le luxe, plantent le citronier sous des portiques exposés «< au midi appuyés à des murailles, et le font arro« ser abondamment: dans l'été, ils font ouvrir les portiques pour que le soleil puisse y pénétrer et << vivifier et échauffer ces plantes : ils les couvrent << ensuite à l'approche de l'hiver (1). »

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Le citronier étoit donc déja en Grece, au temps de Florentin, un objet d'agrément pour les jardins de délices des grands: comment ne l'auroit-il pas été à Rome et dans le territoire de Naples, où l'opulence et la mollesse de la cour et des princes, avoient concentré la magnificence et le luxe, ainsi qu'en Sardaigne et en Sicile, où la douceur du

(1) Juxta muros citrium plantandum est, ut munimentum habeat adversus septentrionales partes. Circumdatur per hiemem storeis, et maxime cucurbitarum sarmentis.... Quidam divites et deliciis gaudentes, sub porticus ad solem spectantes juxta murum arbores citrias plantant, et aqua larga rigant: atque æstate quidem apertos esse porticus sinunt, plantas sole foveri, ac calefieri permittentes; hieme vero accedente, plantas tegunt. FLORENT. 1. X, c. 7.

climat étoit si favorable à sa culture? Les rapports de ces différents pays voisins et réunis sous un seul gouvernement, étoient alors tellement intimes et multiplies, qu'il n'étoit pas possible que le citronier déja recherché à Rome, fût cultivé dans les jardins des Grecs, et ne le fût pas dans les campagnes délicieuses de la Sicile, de la Campanie et du Tuscule.

Il faut donc convenir que cette plante déja portée dans l'Asie mineure et en Palestine, au temps de Dioscoride et de Josephe, a dû passer en Italie, vers le troisieme siecle de notre ere, et que, au temps de Paladius, elle étoit propagée non seulement dans les pays d'Italie, où le climat pouvoit la laisser venir en plein vent, mais aussi dans les pays moins chauds, où le luxe et la magnificence des grands de Rome élevoient des maisons de campagne embellies à grands frais par l'art.

Je n'oserois pas assurer que cette plante fût à cette époque cultivée en Ligurie et en Provence. Ces pays, qui doivent si peu à la nature et tant à l'industrie, n'ont commencé à fleurir qu'après les invasions des Barbares. C'est le commerce maritime qui a créé la plupart des petites villes qui embellissent depuis plusieurs siecles les rochers escarpés de la Ligurie: elles datent pour la plupart après le huitieme siecle, et leur agriculture, qui est la conséquence de leurs succès commer

ciaux, n'a commencé à prospérer que dans le neuvieme siecle de notre ere: elle étoit dans sa plus grande vigueur au dixieme siecle; mais elle étoit si peu de chose à l'époque dont nous venons de parler, que l'on ne peut pas croire qu'on y cultivât une plante exotique qui demandait un certain degré de civilisation qui n'y étoit point

encore.

pas

La culture de cette plante avoit dû faire des rétrogrades dans la partie d'Italie où le climat n'avoit pas permis de la naturaliser. Les invasions des Barbares qui effacerent toutes les traces du luxe, en renversant les maisons délicieuses des riches de Rome, durent détruire ce végétal partout où il exigeoit des soins et des dépenses pour exister; mais il dut prospérer dans les isles de l'Archipel, en Sicile, en Sardaigne, et dans une grande partie du royaume de Naples, pays restés sous l'empire des Grecs, et où les catastrophes politiques n'auroient pu exercer leurs ravages sur sa culture, parcequ'il n'y étoit plus un arbre de luxe, mais une plante naturalisée, et qui pouvoit exister par les seuls soins de la nature.

C'est donc dans ces différents pays que les Liguriens doivent avoir pris le citronier dans le neuvieme ou dixieme siecle, puisque dans ce temps ils couvroient déja la Méditerranée de leurs vaisseaux, et commençoient à se disputer avec les Vénitiens,

le commerce de l'Orient: en 1003, nous trouvons que le citronier étoit très cultivé à Salerne, d'où un prince de ce pays l'envoie en présent à des seigneurs Normands, qui l'avoient délivré des Sarasins; et nous savons que la Ligurie, qui a toujours eu des rapports de commerce avec la côte de Naples, est, depuis des siecles, dans l'usage de pourvoir de citrons les Juifs d'Italie, de France et d'Allemagne. La riviera di Salo, depuis si célèbre pour cette culture, n'a commencé à la connoître que plusieurs siecles après. Elle s'est étendue encore plus tard à Menton, à Hyeres; et ce n'est que dans le quinzieme siecle qu'elle a commencé à prendre dans les pays froids de l'Europe.

anciens.

ARTICLE II.

Recherches sur le Limonier et sur l'Oranger. Inconnus aux Confondus mal-à-propos avec la pomme des Hespérides. Acclimatés récemment en Afrique. Préjugés sur leur origine.

Lorsque le limonier et l'oranger furent apportés en Europe, le citronier y étoit naturalisé depuis plusieurs siecles; mais comme cet évènement est arrivé dans des temps d'ignorance et de barbarie, il est ainsi resté enseveli dans les mêmes tenebres qui en couvrent l'histoire.

Quand l'étude des belles-lettres et des sciences

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