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fleuri au milieu des brocolis (Brassica vulgaris sativa. TARG.), donnoient une foule de variétés mélangées et beaucoup de monstres à feuille frisée ou panachée, tandis que les plantes que l'on isoloit ne perpétuoient que l'espece sans altération : j'avois observé que les semences du chou noir (Brassica nigra. Dod. pempt. 625), qui avoit fleuri au milieu d'un grand nombre de choux de plusieurs variétés, donnoient très souvent de ces choux très remplis dont les feuilles nombreuses repliées l'une dans l'autre, forment un corps très serré qui est recherché sur les tables pour sa délicatesse et sa blancheur: j'avois observé finalement que les semences de renoncules de plusieurs couleurs (Ranunculus asiaticus. LIN.), que je cultivois en quantité dans les carrés de mon jardin m'avoient donné très souvent des plantes à fleur double, tandis que ce phénomene n'étoit pas arrivé aux semences des fleurs que j'avois cultivées isolées dans des vases, avant l'établissement de mon jardin à fleurs.

Toutes ces observations m'avoient fait envisager une certaine analogie entre les hybrides et les monstres; je soupçonnai que l'influence du pollen qui opéroit le mélange dans les hybrides pouvoit aussi opérer ces altérations singulieres qui tiennent à la stérilité, et ces modifications de la feuille connues sous les noms de feuille frisée ou panachée.

Une foule de réflexions se présentoient à mon esprit : il est reconnu, disois-je en moi-même, que deux principes différents doivent concourir à la reproduction de tous les êtres organisés. On sait que lorsque ces principes appartiennent à des especes différentes, il résulte de leurs mélanges des êtres monstrueux tels que les mulets dans les animaux, et dans les végétaux ces plantes mélangées connues sous le nom d'hybrides.

Pourquoi ce principe opérateur de tant de phénomenes ne pourroit-il aussi être la cause des monstres et des variétés? Celles-ci, il est vrai, n'annoncent pas le mélange elles sont même produites par des semences d'arbres isolés; mais est-il nécessaire que les principes de deux especes différentes se réunissent dans la fécondation pour altérer la physionomie du produit? Ce phénomene ne pourroit-il être opéré également par la différente proportion des deux agents dans la même espece, et peut-être aussi par une différence dans la force de leur action, ou par un défaut d'analogie dans leurs principes? N'est-ce pas de la différente proportion de ces deux agents de la reproduction organique que résulte cette variété merveilleuse qui distingue par une physionomie propre tous les animaux ? Les végétaux en ont une aussi : il n'y a pas un seul fruit dans la même plante qui soit parfaitement égal à un autre. Cette inégalité

qui existe dans les fruits d'un seul arbre comme on la voit entre les enfants du même pere, n'existeroit-elle pas encore plus prononcée entre les fruits de deux plantes différentes, quoique d'une même espece? Le pollen de la fleur d'un pêcher n'auroit-il pas une physionomie de famille qui le feroit différer de celui de la fleur d'un autre pêcher, et si ces deux pêchers modifiés à leur conception par la fécondation étoient déja marqués par ces différences qui constituent les variétés, la réunion de leurs fleurs ne pourroit-elle pas produire une combinaison nouvelle qui en feroit une variété plus irréguliere? Enfin, que ne pourroit pas produire la différence dans les proportions et le mélange de plusieurs pollens? Une fécondation forcée n'agiroit-elle pas sur l'ovaire d'une maniere extraordinaire, et, changeant les rapports naturels des principes, ne formeroit-elle pas des combinaisons hétérogenes incapables de porter des organes sexuels?

Toutes ces hypotheses se sont présentées à mon esprit d'une maniere si avantageuse et si séduisante que je n'ai pas tardé à m'occuper des expériences propres à les éclaircir.

Leurs résultats ont été si satisfaisants que j'ai cru pouvoir en tirer une théorie qui a servi de base à ma classification des orangers.

Je vais en donner l'exposé.

ARTICLE VII.

Expériences de fécondation artificielle. - Méthode suivie dans ces opérations. - Conséquences.

EXPÉRIENCE V.

J'ai choisi un nombre de plantes de renoncule d'Asie ( ranunculus asiaticus. LIN.), à fleur simple et de couleurs différentes : je les ai placées chacune dans des vases séparés que j'ai mis sur autant de fenêtres différentes et éloignées l'une de l'autre.

J'ai fécondé les fleurs de la moitié de ces plantes l'une avec le pollen de l'autre : j'ai laissé épanouir les fleurs de l'autre moitié sans y faire aucune opération.

J'ai obtenu les résultats suivants :

Les graines de fleurs fécondées de la maniere cidessus indiquée ont produit des racines dont quelques-unes ont donné des fleurs doubles, d'autres des fleurs semi-doubles, et la plupart des fleurs simples les graines des fleurs qui n'avoient pas été fécondées ne m'ont donné qué des racines à fleurs simples.

J'ai suivi l'expérience de la maniere suivante: J'ai choisi des plantes à fleurs semi-doubles, et j'ai fécondé ces fleurs avec le pollen d'autres fleurs semi-doubles. Plusieurs autres également à fleurs

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semi-doubles ont été laissées sans y opération.

faire aucune

Les semences des fleurs fécondées ont donné des racines dont la plupart portoient des fleurs doubles couronnées souvent au milieu par une aigrette de feuilles vertes qui les rendoient très jolies (1).

Les semences des fleurs qui n'avoient pas été fécondées, quoique déja semi-doubles, ne m'ont donné que des plantes à fleur simple.

J'ai répété cette expérience plusieurs années de suite, et toujours avec le même succès.

Je l'ai répétée sur plusieurs autres fleurs, et principalement sur les oeillets de jardin (dianthus caryophyllus. LIN.), et j'en ai toujours obtenu le même résultat.

EXPÉRIENCE VI.

J'ai fécondé des fleurs d'oranger avec du pollen de limonier, et j'en ai obtenu un fruit dont l'écorce étoit coupée de la pointe à la queue par un liséré jaune et relevé ayant les caractères du limonier. Le fruit qui étoit entièrement orange avoit peu de graines et mal nourries,

(1) Marchand a observé un phénomene semblable dans une rose. Voyez Hist. de l'Acad. des Sciences, année 1707, p. 488.

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