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devanciers. Si, dans les temps modernes, nous avons été plus sobre en spécimens, si nous nous sommes abstenu de reproduire quelques fragments dignes de mémoire, ce n'est pas que votre portefeuille fût moins riche en tributs d'élite, mais c'est que la mise en scène était moins brillante et la disposition des esprits moins empressée à recueillir les vers éclos sur notre lyre. Le malheur des temps a plus d'une fois doublé le mérite des communications. Mais les productions qui, dénuées de cet élément de succès, recueillirent des applaudissements et des suffrages, ont également droit à une place distinguée dans nos souvenirs. Il faudrait de longues pages pour reproduire ce qui a plus particulièrement excité votre admiration ou provoqué un sourire approbateur. Entre un grand nombre de pièces et entre plusieurs genres divers, l'embarras du choix est grand. En faveur du caractère familier de cet entretien sur nos travaux, permettez-nous de donner la préférence à la poésie légère et d'emprunter une de ses charmantes boutades à l'auteur de la Poétique de la Farce, qui en a mis en pratique les préceptes parmi nous avec tant de succès. Nous avons eu le bonheur de retrouver, dans les archives de la Société, et nous nous empressons de consigner ici une pièce pétillante d'esprit, intitulée : Un Cauchemar; l'auteur était M. de Montherot, qu'il vous a été donné de

posséder quatorze ans, et qui a si souvent répandu, pendant qu'il présidait à nos travaux, la plus aimable et la plus franche gaieté sur nos séances. Un jour qu'il se trouvait à Saint-Point, chez son beau-frère Alphonse de Lamartine, M. de Montherot avait voulu placer une pochade de sa façon, dans la galerie de notre poëte lyrique, et il nous l'offrit ensuite en tribut, à la séance du 4 mars 1840:

UN CAUCHEMAR.

Saint-Point, vendredi 11 décembre 1837.

Quand le jeudi finit, le vendredi commence,
Axiome prouvé jusques à l'évidence;
L'expérience encor nous apprend qu'ici-bas
Les jours en se suivant ne se ressemblent pas.
Je hais le vendredi !... non que son influence
Offre un fatal présage à ma crédulité :
Par les faibles esprits c'est un jour redouté,
Pour ceux qu'on voit pâlir de l'effroi qui les frappe
A l'accident du sel renversé sur la nappe,

De deux couteaux en croix ou de treize à dîner...

Pourquoi le vendredi me fait-il frissonner?

C'est qu'il s'annonce à moi comme un spectre tout blême,
Tout maigre, un véritable échappé de carême.

Le jeudi, je m'écrie, allongeant mon repas :
Dinons bien, car demain je ne dînerai pas:
Des légumes, des œufs et la carpe épineuse,
Des noirs étangs de Bresse esclave limoneuse.

Je ne dinerai pas !... Ces mots sont dits du ton
Dont je dirais Demáin, je dîne chez Pluton.

Je m'endormis hier, pesant sur cette idée :
Voilà, dans mon sommeil, qu'à mon âme obsédée
S'offrit un cauchemar dont l'ombre m'atterra,

Un grand fantôme, un spectre, un suppôt de Smarra,
Hideux dans ses détails, plus hideux par l'ensemble:
Rien qu'à ce souvenir mon cœur bat, ma main tremble.
Il n'est point de serpent ni de monstre odieux
Qui, selon Despréaux, ne puisse plaire aux your.
D'un pinceau délicat l'artifice agréable.......
Pourra-t-il transformer mon spectre en spectre aimable?
C'est douteux!... Sur son front, sous un seul sourcil noir,
Il ouvre en guise d'œil un gros œuf au miroir;
Le vermicelle au lait forme sa chevelure,

De sa bouche, exhalant une huile de friture,

Il darde, au lieu de langue, une carpe ou barbeau..... Maudit soit le pêcheur qui les tira de l'eau.

Oh ! qu'il est long, long, long et maigre, maigre, maigre!
Tu ne dîneras pas !... me criait sa voix aigre:

« Je suis le vendredi! >> Pour dernier trait, je vois
De ses osseuses mains pointer, au lieu de doigts,
Dix menus salsifis, qu'une griffe termine,
Et ces dix dards aigus picotent ma poitrine.

Après de longs efforts, haletant, harrassé,
Je soulevai le monstre et je le terrassai.
Le spectre à mon réveil renaît avec l'aurore,
Il croit me fasciner et m'écraser encore;
Mais tel qu'un pèlerin contemple avec plaisir
Un abime franchi qui devait l'engloutir,
Oubliant mon danger, riant de mes alarmes,
A mon spectre vaincu je trouve quelques charmes :
A tracer son portrait je me suis diverti.

Je vais te retrouver à table, ô vendredi :

Cessant d'être un fantôme, une impalpable image,
Tu prends un corps, une âme, un esprit, un visage :
En face de la carpe et des oeufs au miroir,
Au maigre déjeuner, dolent, je vais m'asseoir.

Voilà pour aujourd'hui la tâche de ma lyre.
A mes grotesques vers, ami, vous allez dire :
Le vendredi, vraiment, vous est un jour fatal;
Vous ne dînez pas bien, et vous rimez plus mal.

La séance du 13 janvier 1841 a donné le jour à la dernière édition du Réglement de notre Société. Les principaux changements constatés par cette révision se réduisent à la suppression des pénalités prononcées pour absence des séances, pendant toute une année, et pour défaut de tribut, après inscription sur la liste des orateurs. Il en coûtait trop en effet d'appliquer des mesures aussi rigoureuses. Enfin l'article 13, en réduisant le droit d'assistance et de lecture à un demi-jeton, mettait le texte du réglement en harmonie avec la délibération du 3 janvier 1833. A la séance du 22 février 1843, une nouvelle délibération réglementaire fut prise, sur la position de M. Mulsant. Elle portait que l'heure des séances serait désormais fixée à six heures du soir et que chaque membre inscrirait son nom, à l'ouverture de la séance, sur un registre spécial.

pro

A la séance du 24 mai, il est donné commu

nication d'une lettre par laquelle le maire de Lyon invite la Société à former une demande en autorisation, la Compagnie n'étant pas en règle sous ce rapport. Ce magistrat promet d'ailleurs d'appuyer la demande de son avis le plus favorable et réclame à l'appui trois exemplaires du Réglement et la liste des membres de la Société. L'autorisation fut en effet accordée par décision du ministre de l'intérieur du 8 septembre suivant, sous la condition que la Société soumettrait à l'administration tous les changements ultérieurs dont les réglements actuels paraîtraient encor susceptibles.

La séance du 19 juin 1844 mérite encore une mention spéciale, à cause d'une communication majeure qui s'y produisit. M. d'Aigueperse, guidé par d'ingénieuses conjectures et par la vue des lieux, était amené à reconnaître que l'antique bourg de Lunna, mentionné dans la table de Peutinger, comme station entre Malisco et Lugdunum, avait occupé jadis l'emplacement sur lequel s'élève aujourd'hui Belleville en Beaujolais. Neuf ans plus tard, les travaux de terrassement du chemin de fer de Paris à Lyon mettaient à découvert les ruines de constructions romaines, à l'endroit même indiqué par notre savant confrère, dont les inductions recevaient ainsi des faits une confirmation éclatante. Ainsi encore se trouvait justifié l'encouragement don

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