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<< de diverses autres choses. Lorsque ce mélange a été bien << trituré et aggloméré, on le cache secrètement sous terre, << afin que personne ne puisse connaître le lieu de ce dépôt. « Celui qui fait cette opération a soin d'enseigner cette ca«< chette à ses enfants, et ce n'est qu'au bout de 80 ans qu'on devra en retirer le mélange en question. C'est « alors que les enfants ou les petits enfants le livreront à la « fabrication, afin d'en confectionner des vases excessivement << précieux. >>

Je ne m'arrêterai pas à discuter de semblables rêveries, et je pense que ce qu'il y a de mieux à faire est de s'en tenir au passage de Pline, duquel il résulte que les vases murrhins élaient fortement colorés de diverses nuances, qui se fondaient entre elles. C'est en raison de cette disposition sous forme de taches que Martial s'exprime ainsi : Maculosa pocula myrrhœ.-x, 80. — La couleur dominante était le pourpre qui, en se mélangeant devenait semblable à celle du feu, ignescentem. Le pourpre acquérait diverses nuances, mais la plus estimée était celle du rouge sombre, du rouge de sang coagulé, colore sanguinis concreti. - - Plin. Ix, 62.Au reste, le porphyre rouge antique nous en donne une idée, puisque son non vient du grec Toppupa, qui signifie pourpre. Il n'est personne qui ne connaisse le porphyre possédant les divers tons du rouge sombre, légèrement violeté.

Je vais essayer de résumer la question, en prenant toujours pour base la description de Pline. La matière des vases murrhins devait être une substance minérale pas trop dure, puisqu'elle pouvait être attaquée par les dents par conséquent, elle n'appartenait à aucune espèce siliceuse, pas même au spath-fluor, qui d'ailleurs, n'est jamais signalé comme ayant des nuances de pourpre, mais dans lequel seulement on rencontre très-rarement des veines roses. Il

resterait donc à choisir parmi les calcaires et les gypses, dont les variétés sont infinies. Ces substances formées souvent d'un grain excessivement fin acquièrent un très-beau poli qui répondrail au mot nitor. En outre, elles n'ont jamais qu'une subtranslucidité, qui explique le splendor sine viribus. Une espèce calcaire à grains très-fins, nuancée de rouge sombre et de blanc, passant de l'un à l'autre par la fusion des couleurs, et ayant l'aspect de l'agate onyx, c'està-dire, couverte de taches contournées et nuageuses, répondrail passablement à la description de Pline. J'ai rapporté de Rome un fragment de plaque, remplissant parfaitement le programme ci-dessus, et l'on se rappellera que le murrhinum s'employait non-seulement aux coupes, mais encore qu'on en fabriquait de petites tables, parvos abacos. Pour achever la ressemblance on remarque sur ce fragment une lache, dont le tissu est semblable à celui d'une verrue, verrucæ non eminentes.

Il manque cependant à mon échantillon une condition. essentielle, qui est celle de l'odeur agréable, et quoique Pline soit souvent d'une crédulité extrême et d'une grande inexactitude, il se pourrait qu'il n'eût pas tout à fait tort dans cette circonstance. En effet, ces mots murrhinus, murrheus, ou myrrhinus, myrrheus, qui dérivent du grec, signifient la malière des vases murrhins, ou celle de la myrrhe, résine odoriférante dont on parfumait le vin. Les murrhins auraient donc été ainsi nommés, parce qu'ils exhalaient un parfum semblable à celui de la myrrhe. Au reste, voici une épigramme de Martial qui indiquerait que ces vases répandaient véritablement une bonne odeur, puisqu'ils la communiquaient au vin, surtout lorsqu'on buvait chaud, ce qui arrivait assez souvent:

Si calidum potas, ardenti myrrha falerno

Convenit, et melior fit sapor inde mero. — XIV. 113.

<< Si tu bois chaud, une coupe murrhine convient au << falerne ardent, qui sait y puiser une meilleure saveur. >>

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Cette citation indiquerait peut-être que l'odeur de la matière murrhine ne se développait qu'au moyen de la chaleur. Cependant Pline prétend que l'on buvait également chaud et froid dans les coupes murrhines. XXXVII, II. Quoi qu'il en soit, les plus récentes expériences de la chimie contemporaine ont fait découvrir dans plusieurs roches, siliceuses, calcaires et gypseuses, des produits de composition organique, lesquels dégagés par la chaleur ou par les réactifs donnent une forte odeur. M. Fournet, professeur à la Faculté des sciences de Lyon, a expérimenté plusieurs fois cette propriété odorante. Ces produits, qui sont des carbures d'hydrogène exhalent généralement une mauvaise odeur; mais on sait cependant que certains de ces composés, tels que le succin, en fournissent une excellente.

Je ne peux pas quitter ce sujet, sans signaler un passage d'Athénée, relatif à des vases d'argile, aux quels l'industrie savait donner des qualités odoriférantes. Ces vases étaient apportés de Coptos, en Egypte, et il entrait dans leur composition de la terre broyée avec des parfums. Il est bien étonnant que Pline, qui cite Coptos fort souvent, à l'occasion de ses nombreuses productions, n'ait pas parlé de cette singulière poterie. Athénée, continuant son énumération des vases parfumés, dit, d'après Aristote, que l'île de Rhodes fournissait des vases, dont la matière était composée d'une argile pétrie avec de la myrrhe, de la fleur de jonc odorant, du safran, du baume, de la cannelle et de l'amome. Une coupe ainsi fabriquée, lorsqu'on y buvait du vin chaud, produisait l'étonnant effet d'empêcher l'ivresse et venerem extinguere. -Athen. XI. Cette espèce de coupe n'eut pas été estimée d'Héliogabale, qui donnait des repas de vingt-deux services, ordonnés de telle manière qu'après chaque service mulieribus

uterentur et ipse et amici, cum jurejurando quod efficerent Lamprid. 29.

voluptatem.

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Les incroyables propriétés physiologiques, attribuées aux coupes rhodiennes, permettent de ne pas ajouter une grande foi aux autres détails donnés par Athénée, d'autant plus que les vases décrits par lui, étant probablement mis au four pour acquérir de la ténacité, devaient perdre, par l'évaporation des substances odorantes, le parfum dont on prétendait les doter.

Les diverses opinions, dont je me suis fait le rapporteur, prouvent que le problème est loin d'être résolu, et si j'ai recueilli quelques documents pour le procès, ce n'est pas dans le but de rendre un arrêt sur des pièces de conviction, mais seulement afin de les soumettre à l'examen de juges plus compétents que moi.

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