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Néanmoins lorsqu'on examine altentivement cet ouvrage on voit facilement quelle importance il pouvait avoir à l'époque et dans les circonstances où il parut. C'était en quelque sorte le fruit des leçons publiques de Politien. Dans celles-ci, il expliquait, comme nous l'avons déjà dit, tous les écrivains et les poètes grecs et romains. Les passages obscurs, qu'on rencontre chez eux, furent éclaircis autant que faire se pouvait, et cette marche conduisait d'elle-même à des recherches plus étendues. Des entretiens sur des sujets de celle nature avaient lieu ordinairement dans les promenades à pied ou à cheval qu'ils avaient l'habitude de faire avec Laurent de Médicis. Dans ces occasions, il avait pu, comme il le dit dans la dédicace de ces Miscellanées qu'il adresse à son illustre protecteur, les lui lire en entier par fragments. Et ce fut même sur la demande formelle de Laurent de Médicis que Politien se décida à la fin à en faire imprimer une centurie; il n'en a pas paru d'avantage. Le titre indique déjà qu'on ne doit s'attendre à frouver dans cet ouvrage aucun ordre déterminé. Politien y suit l'exemple que lui avaient donné Aulu-Gelle et plusieurs autres anciens grammairiens qui ont écrit de semblables ouvrages; c'est ainsi, que prenant tantôt dans un écrivain ou dans un poète, un passage, il ne se contente pas de l'expliquer dans un article plus au moins long, mais il profite en ontre de l'occasion pour choisir un objet de l'antiquité plus ou moins important, et projeler sur lui une lumière complète. La critique purement littéraire, sans être bannie du plan de l'auteur, ne doit néanmoins en être considérée que comme un simple accessoire. Ce sont surtout les choses qu'il éclaircit et la manière dont cela a lieu; son examen facile mais approfondi et la grande variété des sujets donnent aux Miscellanées de Politien un charme que possèdent peu d'ouvrages sur l'antiquité; ainsi on ne doit pas s'étonner de la sensation qu'elles produisirent lors de leur

apparition, elles étaient, il est vrai, des fragments, mais des fragments choisis dans les leçons du plus célèbre professeur de l'époque, leçons que beaucoup avaient entendues, mais qu'un plus grand nombre encore auraient voulu entendre. Comme la plupart des sujets qui y étaient traités exigeaient une profonde connaissance de l'antiquité, chacun croyait ou espérait y trouver la clef qui était nécessaire pour ouvrir la porte du sanctuaire caché de cette science. Mais plus l'impression produite fut grande, moins il fut possible d'empêcher qu'elle ne fût l'occasion de débats littéraires. Lors même que Politien n'eût pas blessé l'orgueil de maint savant en ne le nom. mant pas dans son ouvrage, celui-ci néanmoins pensait savoir mieux que l'auteur une chose ou une autre; et ce qui était encore plus fâcheux, comme plusieurs avaient déjà donné certains éclaircissements que Politien donnait lui-même, dans l'aveuglement de leur amour propre, ils se croyaient volés, quelque peu fondé que fût ce soupçon. La discussion qui eut lieu en 1493, entre Politien et George Mérula, de Milan, était de cette nature. Mérula affirmait avec tant de bruit que beaucoup de choses lui appartenaient dans les Miscellanées de Politien, que celui-ci, à la fin, fut obligé de se défendre (1). C'est ainsi que commença celte querelle dans laquelle le duc Louis le More, lui même, le plus dissimulé des princes de l'Italie, fut entraîné et elle n'aurait pas été terminée de si tot si le vieux Mérula ne fût pas mort.

La discussion qu'il eut la même année, avec Barthélemy Scala de Florence, avait sa source dans le reproche que l'on ne faisait pas sans motifà Politien, sur sa manière recher

(1) Les pièces de cette discussion se trouvent dans les lettres de Politien Lib. XI; elles lui font le plus grand honneur; il traite Mérula avec douceur et considération, et comme celui-ci mourut dans ces entrefaites, Jacob, antiquaire à Milan, chercha à calmer la douleur de Politien, et cela aussi d'une manière pleine de noblesse.

chée d'écrire en latin; car dans sa prose il employait continuellement et de préférence les mots vieillis et peu usités (1). Les lettres n'ont rien gagné à ces querelles; aussi est-il superflu de s'y arrêter davantage.

Après ses Miscellanées, on doit d'abord mentionner la réunion de ses lettres en XII livres; elles n'ont pas été d'abord écrites par Politien dans l'intention de les publier, mais il les a lui-même mises en ordre ainsi qu'on peut le voir dans la lettre qu'il adresse à Pierre de Médicis et qui se trouve la première de la collection, collection qui n'a été faite que sur la demande de Médicis lui-même. Ainsi Politien les a revues, et on peut croire avec vraisemblance que quelques-unes de ces lettres, qui sont remarquables par leur sujet et leur style, ont été de nouveau retouchées et retravaillées par leur auteur. Quoi qu'il en soit, elles forment un des monuments les plus importants du siècle de Laurent de Médicis, et elles servent à nous faire connaître avec exactitude non seulement les opinions et l'histoire de l'auteur, mais encore sous beaucoup de rapport l'esprit qui régnait alors, surtout dans la littérature.

Dans ses petits ouvrages, il faut encore citer celui intitulé Lamia; c'est une composition ingénieuse et spirituelle qu'il écrivit lorsqu'il commença à faire des cours de philosophie et qu'il dirigea contre ceux qui soutenaient qu'il était étranger aux études philosophiques.

Son Panepistemon est une classification générale des sciences et des arts qu'il publia avant ses leçons sur l'Ethique d'Aristote.

On peut classer au même rang ses préfaces pour Homère,

(1) Barthélemy Scala, issu d'une basse extraction était, par son talent et l'appui de Côme, devenu secrétaire de la République; il croyait que le siècle de Côme devait être pour lui le siècle d'or, et il excitait contre lui les savants, ses contemporains, en les blessant par ses railleries et ses dédains.

Stace, Quintilien et Suétone; ce sont des introductions à ces auteurs dans lesquelles il expose avec détail leurs qualités et les avantages qu'ils présentent ; il les publia avant les leçons qu'il fit sur chacun d'eux.

Indépendamment des ouvrages dont il est l'auteur, Politien a fait aussi plusieurs traductions des auteurs grecs, comme celles d'Epiclète, d'Alexandre, d'Aphrodisée, du Charmidés de Platon et des Propos d'amour de Plutarque. Mais aucune de ces traductions n'a obtenu autant de célébrité que celle qu'il fit d'Hérodien; il l'écrivit sur la demande du pape Innocent VIII (1), vers lequel il avait été envoyé pour le féliciter, au nom de la République, sur son avènement au pontificat; il lui a dédié cette traduction. A l'exception de ses Miscellanées, aucun autre de ses écrits n'a produit une pareille sensation. Incontestablement on peut la considérer comme une des meilleures traductions de l'époque où elle parut. L'admiration qu'elle obtint ne pouvait exister que dans un siècle où l'on attribuait aux travaux de cette espèce une valeur si grande qu'on les plaçait au niveau des originaux eux-mêmes.

Des recherches ultérieures et exactes ont appris que cette traduction peut à peine être considérée comme la propriété de Politien, qui s'est servi comme base de son travail de la version antérieure d'Ognibene, de Vicence, qu'il a revue et améliorée (voyez Tiraboschi, VI, II, p. 339).

Outre les travaux littéraires de Politien, le principal emploi de ses loisirs était consacré à rassembler et à mettre en ordre les manuscrits, surtout ceux de son puissant protecteur; à ces soins s'ajoutaient ceux que nécessitaient leur surveillance et leur conservation. On en trouve maintenant encore de nombreuses preuves dans la bibliothèque Médicis.

Dans ses occupations, il a surtout rendu de grands services

(1) On peut consulter la correspondance entre le pape et Politien; (Epist. VIII, 1-5,) il reçut du pape un présent de 200 ducats.

à l'étude du droit romain, qu'il considérait comme partie de la littérature romaine et dont il s'est occupé fort sérieusement comme on peut le voir par quelques chapitres de ses Miscellanées (1). Non seulement il fut le premier qui ait tiré de l'obscurité la paraphrase grecque des Institutes de Théophile, mais en outre il soumit à une révision critique le texte même des Pandectes, (2).

Avec la protection de Laurent de Médicis, il obtint qu'on lui confiat, pour l'examiner, le célèbre manuscrit du Code que l'on avait transporté de Pise à Florence; il le collationna avec le texte imprimé (3), écrivit, sur la marge de celui-ci, les diverses variantes, et y ajouta les préfaces du manuscrit. Quoique l'on n'ait pas d'abord tiré de ce travail tout l'avantage qu'on pouvait en obtenir, Politien n'en a pas moins la gloire d'avoir été un des premiers qui ait appliqué au Droit la critique et l'étude d'une ancienne littérature qui venait à peine de renaître.

(1) Voyez, par exemple, les chap. 78 et 82 dé ses Miscellanées.

(2) Le meilleur renseignement que l'on puisse avoir à cet égard se trouve dans une lettre que Politien adressa à Brisacius, Epist. X, 4 On y lit que non seulement il compara les textes, mais qu'il travailla avec beaucoup de soin à un commentaire critique.

(3) D'après Tiraboschi VI, I, p. 432 c'était l'édition de Venise de 1482; après plusieurs vicissitudes, que Tiraboschi raconte, cet excmplaire si amélioré est revenu de nouveau dans la Bibliothèque Laurentienne.

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