J'étais un jour à ma fenêtre Par un beau soleil de printemps, Rêvant de quelque amour, peut-être.... On rêve toujours à vingt ans. C'était, sans doute, une cousine: A cet âge, elle tient au cœur. Perché sur la branche voisine Sifflait un merle, oiseau moqueur.
Depuis, quand fleurit et verdoie L'arbre de mes illusions, Quand il s'agite et qu'il se ploie Au vent des nobles passions, Quand de l'amour la voix divine Eveille un écho dans mon cœur, J'entends sur la branche voisine Siffler un merle, oiseau moqueur.
Laissons l'amour, qui ne vaut guères La peine que l'on prend pour lui. Déjà, dans les cieux littéraires Peut-être mon étoile a lui !... Je suis poète, et j'imagine Etre applaudi!... mais, ô douleur! J'entends encor la voix chagrine
D'un vilain merle, oiseau moqueur.
Un homme qui se croyait sage,
Et qui n'en était que plus fou, Croyant y trouver avantage
Ménageait sa chèvre et son chou.
Il narguait ses voisins, et proclamait sans cesse Son savoir faire et son adresse,
Montrant avec orgueil auprès de l'animal
Le chou devenu colossal.
Or, la chèvre, un beau jour, trompant la surveillance De son maître trop confiant,
Ne se fit pas souci de braver sa défense Et de croquer le légume friand.
Hélas! la gourmande Jeannette
De sa faute subit dure punition,
Car, le soir même, la pauvrette Trépassa d'indigestion.
N'imitons pas ce politique
Qui pensait ménager et la chèvre et le chou:
Il perdit tout, par sa belle tactique,
De riche, il devint sans le sou.
Si j'étais du matin la frémissante haleine Qu'imprègnent de parfums le lis, la marjolaine, Saluant vos vertus dont l'empire est si doux, Je viendrais chaque jour, des monts ou de la plaine, Souffler mollement près de vous.
Si j'étais le ruisseau qui chemine et murmure Dans son lit de cailloux, de mousse, de verdure, Quand, non loin de mon cours, vous passeriez le soir, Sur mon riche gazon, près de ma source pure, Je vous dirais de vous asseoir.
Oiseau qui fuit l'hiver, si j'étais l'hirondelle, Chaque fois que des champs naîtrait la fleur nouvelle, A votre toit pieux le zéphir me rendrait ; Pour vous je redirais ma stance la plus belle, Douce voix qui vous bénirait.
Ornement du jardin, si j'étais la pervenche, Arbrisseau toujours vert, d'elle-même, ma branche Viendrait, se détachant, décorer votre main, Tandis que l'amandier effeuillant sa fleur blanche, Velouterait votre chemin.
Si j'étais le soleil, cette lampe divine,
Qui de l'immense azur des cieux qu'elle illumine, Pare de sa beauté tout ce que nous voyons, Pour vous quand la vapeur dans l'espace s'obstine, Sourirait un de mes rayons.
Si j'étais suspendue aux lauriers du rivage, Mystérieux accord qui gémit sous l'ombrage, La harpe d'Eolie aux brises s'animant, C'est vous que chanterait aux échos du rivage, Cet aérien tressaillement.
Si Dieu m'avait créé l'un des anges sublimes Qui du cœur des mortels pénètrent les abîmes, A son trône entouré de feux éblouissants, Pour peindre au Créateur vos sentiments intimes, J'eusse offert mon plus pur encens.
Mais, si je ne suis point la matinale haleine, Le ruisseau qu'alimente une claire fontaine, La pervenche, l'oiseau de mai, le beau soleil, La harpe qui gémit sous la brise sereine,
L'ange au vêtement de vermeil,
Du moins, un luth suave entre mes mains résonne; Pour honorer son nom Jéhovah me le donne:
Il dira vos vertus et votre aménité,
Vous à qui de sa main, décerne sa couronne
Le séraphin de la bonté.
Docteur, vous pâlissez, votre science triste Arrête vainement un impuissant regard Sur ce corps défaillant, mais où l'âme persiste, Et s'étonne de voir le trépas en retard.
Oh! mais, heureusement, votre science même Est parfois en défaut, et votre œil clairvoyant, Dans ce livre secret où git l'heure suprême, Ne saisit pas toujours le nom ni le moment.
Ce malade, docteur, laissez-m'en l'espérance, Il doit vivre longtemps encor pour nous aimer, Tandis que tout son corps exprime la souffrance Je vois à mes accents son regard s'animer.
Cette vive rougeur dont son front se colore Est-ce un signe de deuil? Non, ne le dites pas, C'est l'éclat d'un flambeau qui doit briller encore, L'aube de la santé qui revient pas à pas.
Ah! le Ciel qui nous voit et qui sait que je l'aime Ne veut point me laisser dans ce doute étouffant, Il vit, car s'il mourrait, mourrais-je pas moi-même, Et que deviendrait-il sans nous, mon pauvre enfant?
Dans le temple pieux où l'infortune espère, Je suis allé naguère épancher mes douleurs. Au sortir, j'ai trouvé des pauvres en prière
Qui m'ont dit: Confiance, un Dieu sèche les pleurs.
Faut-il donc ne pas croire à ce pieux présage? Peut-être, dites-vous! ah! peut-être cruel!
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