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Boussa et de s'y embarquer pour le suivre jusqu'à son embouchure, soit dans la mer, soit dans un lac intérieur. Après avoir remonté dans l'intérieur du continent jusqu'à Zaourie, les frères Lander s'embarquèrent intrépidement sur le fleuve, et, conduits par le courant, ils vinrent aboutir au fond du golfe de Guinée. Il est aisé de concevoir qu'un voyage aussi aventureux et aussi rapide n'a pu fournir que peu d'observations générales et de détails précis sur la constitution politique et les ressources commerciales de cette partie de l'Afrique. On ne peut cependant s'empêcher d'accorder l'intérêt le plus profond et le plus vif à tout ce que les récits de M. Lander nous apprennent sur la propagation de la religion mahometane par l'extension de la conquête et de l'influence des Fellans, par l'enseignement public du Coran et la fondation d'écoles arabes dans des villes dont l'existence n'était pas même soupçonnée des Européens. En voyant l'état déplorable de toutes ces populations, on prend bien en pitié cette apathie qui la livre presque sans résistance à la domination de la race active et conquérante des Fellans, mais on ne plaint qu'à moitié le sort des vaincus; on se console de la nécessité de batailler, en songeant que c'est par elles que ces grands troupeaux d'hommes, qui aujourd'hui encore se prosternent devant les grossières images de leurs fétiches, prendront enfin leur marche vers la civilisation et se rapprocheront de la tête de l'humanité en s'associant à la haute religion de l'intelligence souveraine sous la forme que lui ont donnée le caractère arabe et le génie de Mahomet. Les contrées qui bordent le Niger sont couvertes d'une belle végétation, et l'on distingue de vastes campagnes chargées de fruits et de moissons; de distance en distance des villes populeuses sont assises sur le rivage et entretiennent un commerce assez actif par le secours du fleuve; les produits européens, transmis par les anneaux successifs de la chaîne, pénètrent jusque dans l'intérieur et vont se mêler sur les marchés aux produits indigènes, L'industrie est presqu'entièrement agricole; cependant on aperçoit un premier commencement d'industrie manufacturière; les voyageurs mentionnent, comme appartenant aux pays qu'ils ont traversés, des couteaux et des hameçons en fer, des bracelets et des anneaux en plomb et en étain, du savon, des meubles en bois sculpté et des verroteries. La route commerciale du Niger mérite assurément d'être regardée comme une des plus belles qui ait été naturellement ouverte en aucune contrée TOME LV. JUILLET 1852. 9

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du globe. La barre à l'embouchure du fleuve est assez difficile à franchir; mais, depuis les bouches jusqu'à Boussa, la navigation ne présente aucune difficulté; à Boussa le courant est interrompu par des rochers, mais cet obstacle n'est peut-être pas infranchissable, et les habitans assurent qu'au-delà et jusqu'à Tombouctou le lit est entièrement libre et dégagé. Il paraît d'ailleurs que le Niger est soumis à des crues périodiques analogues à celles du Nil, et ces inondations, comme celles du Nil, doivent sans aucun doute favoriser la navigation comme elles favorisent l'agriculture. Le Delta du Niger est encore aujourd'hui, comme celui du Nil dans la haute antiquité, occupé par d'immenses marécages dans lesquels il vient se perdre en partie en se ramifiant en de nombreux canaux; la rivière Benin, les rivières du Calabar et toutes les autres rivières indiquées dans le voisinage du cap Formoso sont probablement des bouches du fleuve, aussi bien que la rivière Nun, par laquelle les voyageurs sont arrivés à la mer.

Voilà ce que l'on sait de plus général sur ce fleuve si long-tems inconnu, et, aujourd'hui que la question est résolue, on est presque tenté de s'étonner que la profonde dentelure de la côte d'Afrique au golfe de Guinée n'ait pas dès l'origine indiqué que quelque vallée principale devait y aboutir, et que les terres plates, qui au fond du golfe forment les saillies avancées du cap Formoso, à la pointe duquel un fleuve se jette dans la mer, n'aient pas fait reconnaître l'alluvion et le delta d'un de ces courans d'eau qui laissent mesurer l'étendue de leur cours à l'étendue de leur embouchure.

J. R.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

LIVRES ÉTRANGERS.

GRANDE-BRETAGNE.

I. THE CONSTITUTION OF MAN CONSIDERED, IN RELATION TO EXTERNAL OBJECTS.- Essai sur la constitution de l'homme, considérée dans ses rapports avec les objets extérieurs. Édimbourg, 1832; John Anderson. Gr. in-8° de 450 pages.

PHRÉNOLOGIE APPLIQUÉE A LA SCIENCE MORALE.

Lorsque Gall publia ses théories sur l'intelligence humaine, il lui arriva ce qui arrive d'ordinaire aux inventeurs, il fut unanimement combattu, ou, pour parler plus juste, il fut nié. Des physiologistes célèbres taxèrent tout d'abord la science nouvelle d'absurdité; et l'homme qui l'avait créé se vit pour un tems la risée des savans et des gens du monde. L'expérience et le tems devaient amener la réparation de cette injustice grâce au docteur Spurzheim, qui a su systématiser les belles découvertes de son devancier, la valeur scientifique de la phrénologic a été reconnue, et chaque jour son étude se répand davantage dans le monde savant. Déjà les discussions ont cessé; les philosophes sensualistes, en aboutissant à l'égoïsme absolu, témoignent de leur impuissance à fonder une morale sociale; les spiritualistes, dont la science se base

sur une théorie de l'intelligence humaine donnée par Platon il y a plus de deux mille ans, essaient en vain de se rattacher au passé ; le présent les presse et les dévance. Inconséquens alors même qu'ils paraissent exclusivement plongés dans la logique, ils ne s'aperçoivent pas qu'en répudiant par un mouvement instinctif la religion et la inorale fondées sur leur théorie de l'homme, notre société condamne fatalement leur métaphysique. Ils ne s'aperçoivent pas que si l'ancienne morale est sapée dans ses fondemens, comme la morale n'est autre chose que la loi sociale, conçue d'après une certaine science de l'homme, c'est nécessai rement une nouvelle science de l'homme qui doit être conçue à notre époque pour établir une nouvelle morale. Ils défendent opiniâtrement le principe, bien qu'ils voient la conséquence ruinée; ils analysent, discutent, commentent; mais un cercle vicieux les étreint, et ils s'épuisent à le parcourir en tout sens, quand il s'agit d'en découvrir l'issue.

La phrenologie tend à remplacer aujourd'hui l'ancienne métaphysique. Voici qu'on la regarde comme un principe acceptable : les hommes avancés comprennent la portée de ses conséquences, et ils remarquent, avec une curiosité satisfaite, que ce qu'il y a de durable et de puissant dans les théories nouvellement émises sur l'avenir de l'humanité peut au besoin être vérifié par les notions phrénologiques. A cet égard on peut faire sur le mouvement intellectuel de l'Europe une observation intéressante, c'est que l'instinct du progrès semble conduire au même but par des chemins divers les deux peuples qui marchent en tête de la civilisation. Et en effet, tandis qu'en France se produisaient de nouvelles vues sur l'organisation sociale, en Angleterre, où la phrenologie est cultivée depuis long-tems avec plus d'assiduité, on a appliqué immédiatement ses principes à la science morale, et on en a tiré pour l'individu des règles de conduite qui, étendues et généralisées, mèneraient infailliblement à des résultats analogues.

L'essai sur la constitution de l'homme est sans contredit l'un des ouvrages les plus remarquables qui aient été écrits en Angleterre sur la phrenologie appliquée à la science morale. L'auteur, M. GEORGES COMBE, d'Édimbourg, déjà connu parmi les phrenologistes comme l'un des plus habiles élèves de Gall, et l'émule de Spurzheim, mérite en outre d'être distingué parmi les philosophes moralistes pour la netteté de ses vues la clarté de son style et l'exactitude de ses déductions. Mais ce qui plaît

peut-être le plus en lui, c'est un amour de l'humanité calme et méthodique en quelque sorte, et pourtaut rempli de douceur. Sa manière rappelle les œuvres de Franklin, où la philantropie se témoigne plutôt dans l'ordre des idées que par la vivacité des sentimens.

La base philosophique du livre de M. Combe est celle-ci le bonheur de l'homme dépend de l'harmonie de sa conduite avec les lois de la

nature.

L'auteur reconnaît trois classes de lois naturelles, les lois physiques, organiques et morales; et il constate d'abord: 1o leur indépendance mutuelle; 2o les punitions et les récompenses attachées à leur infraction ou à leur obéissance; 3° leur universalité et la constance de leur action; 4° leur harmonic avec la constitution de l'homme. Puis, comme c'est de l'homme spécialement qu'il s'occupe, il aborde le sujet de la constitution humaine et de ses rapports avec la nature extérieure.

Dans cette vue il l'examine tour à tour sous ses trois faces, et démontre que l'homme, comme corps physique, comme être organisé, comme être moral et intelligent, est soumis à la triple action des lois naturelles, et par conséquent qu'il doit avoir reçu du Créateur une constitution en harmonie avec ses trois grandes lois divines.

Sous le rapport humain, il doit exister dans cette sorte de trinité des lois naturelles, comme dans un triangle géométrique un sommet quelconque, un point culminant. Mais ce point si important à déterminer, quel est-il? Pour le trouver, il suffit d'analyser les facultés humaines dans leur action particulière, et de démontrer l'influence de chacune sur le bonheur réel. En effet, puisque la nature semble avoir indiqué, pour première condition de l'existence, que tous les êtres animés recherchent leur bien-être, il suit que les facultés qui conduisent l'individu au bien-être par la voie la plus sûre doivent dominer toutes les

autres.

Or la phrénologie constate que notre cerveau comprend trois grandes classes de facultés : 1o celles qui poussent l'homme à la satisfaction des appétits physiques; 2° les facultés morales; 3° les facultés intellectuelles. L'énumération est à peu près complète; il s'agit de déterminer comment chacune d'elles opère spécialement dans les diverses circonstances de la vie. Les facultés physiques sont toutes également communes à l'homme et aux animaux inférieurs, tandis que les facultés mo̟

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