Imagens das páginas
PDF
ePub

L'inspection de ces cartes et de ces images photographiques ne laisse pas de doute que la lune présente beaucoup de rapports avec la planète qui nous a été donnée pour séjour.

C'est ce qui a frappé l'esprit de M. Lecoq, le savant professeur de géologie à la Faculté des sciences de ClermontFerrand, à qui la physique du globe doit déjà tant de belles recherches. M. Lecoq a entrepris de comparer les accidents de la surface de la lune avec les bouleversements dont l'Auvergne a été le théâtre, et il a découvert de nombreuses et frappantes analogies entre les cirques de la lune et les cratères, ou volcans éteints, qui existent dans cette région de la France. Le travail de M. Lecoq a été communiqué à la réunion des Sociétés savantes qui s'est tenue à Paris au mois d'avril dernier; il nous paraît assez intéressant pour en faire l'objet d'une analyse complète.

On sait que la surface de la lune est extrêmement tourmentée, hérissée de pics et de montagnes, parsemée d'innombrables cratères, d'origine évidemment volcanique. Les ombres que projettent les sommets des montagnes lunaires sur les plaines qui les entourent, ont permis de calculer la hauteur de ces montagnes avec une assez grande précision, et d'en reconnaître l'élévation prodigieuse. D'un autre côté, l'obscurité qui règne au fond de certains cratères fait soupçonner l'extrême profondeur de ces abîmes.

Ce qui frappe immédiatement celui qui étudie pour la première fois la topographie de la lune, c'est le nombre considérable et l'étendue des cavités cratériformes dont cet astre est parsemé. On a compté jusqu'à cinquante mille de ces cratères, et il doit certainement en exister une grande quantité dont le diamètre est trop petit pour être aperçu de la terre. La surface de la lune (ou du moins la moitié que nous pouvons seule voir) est donc déchirée, bouleversée, à peu près comme le sont les régions volcaniques de l'Auvergne et du sud de l'Italie; elle est, en outre, traversée

par des lignes brillantes, qui partent, en divergeant, de plusieurs centres.

Les cavités lunaires ressemblent, en tout point, aux cratères-lacs de l'Auvergne. D'où l'on peut inférer que ces cavités sont les cratères d'anciens volcans lunaires. Quelques astronomes pensent même que les volcans de la lune ne sont pas encore tous éteints; ils attribuent à des volcans en activité certains points brillants qui ont été, de temps à autre, observés sur la lune.

Toutefois, lorsqu'on veut comparer les reliefs du terrain sur la terre et sur la lune, on remarque une différence extrêmement prononcée. La lune, beaucoup plus petite que la terre, a des montagnes relativement hautes, des cratères gigantesques et des cassures profondes; de telle sorte que les reliefs ne sont pas en rapport avec le volume respectif des deux astres. La terre offre infiniment plus d'harmonie que la lune dans son enveloppe extérieure. Elle n'a ni les reliefs excessifs, ni les dépressions profondes qui accidentent avec tant de vigueur la surface lunaire.

La lune n'est que la quarante-neuvième partie du volume de la terre, et il faudrait quatre-vingt-quatre fois sa masse pour équilibrer le poids de la terre. Il résulte de là que la pesanteur doit être infiniment moindre à la surface de la lune que sur la terre. Ni l'air, ni la vapeur d'eau ne viennent ajouter leur pression à cette faiblesse de cohésion; de sorte qu'une puissance relativement insignifiante a pu briser, soulever, déchirer bien plus facilement la partie extérieure de la lune que celle de la terre ; aussi les cirques y sont-ils bien plus grands et les montagnes bien plus hautes.

La lune a pu être pourvue autrefois d'une atmosphère qui aurait été absorbée en totalité ou en grande partie. Aussi pourrait-on dire que la lune n'est plus qu'un vaste cadavre qui se promène dans les cieux. Sa surface aride et accidentée nous donne une idée exacte de l'aspect que pré

sentera la terre, quand, à la suite des siècles, elle, à son tour, aura absorbé son atmosphère et sa vapeur d'eau, et qu'elle roulera dans l'espace, silencieuse et déserte, comme le satellite qui l'accompagne!

L'absence d'une atmosphère sur la lune a une autre conséquence: c'est le calme perpétuel qui doit y régner. Là, aucun météore ne vient user les roches; aucune pluie ne vient les humecter ou les désagréger; nul courant d'air ne les ébranle. La nature y garde un silence de désolation et de mort. Si aucune atmosphère n'a jamais existé autour de la lune, notre satellite doit se trouver encore dans l'état qu'il présentait dès l'origine des mondes. Rien n'a pu changer ni se déranger à sa surface. Par conséquent, si l'on veut comparer les cratères de la lune avec ce qui s'observe sur notre planète, il faut supprimer par la pensée et les mers et les sédiments qui recouvrent la terre. La tendance de l'eau et des matériaux qu'elle charrie, c'est de niveler et de combler toutes les cavités qui peuvent exister, et l'on ne peut douter que, lors de la consolidation des terrains primitifs, quel que soit le mode de leur formation, il n'ait existé sur la terre un grand nombre de cirques aujourd'hui comblés. On en trouve des preuves en Auvergne, où de beaux cirques granitiques sont encore parfaitement dessinés, malgré les altérations des granits et l'épaisseur de la terre végétale.

Les cirques granitiques, ou du moins non volcaniques, qui existent sur la terre, sont bien plus vastes que les cratères volcaniques. En Auvergne, on trouve de petites dépressions de 1000 mètres au plus dans le terrain primitif; mais le cirque que forment les montagnes de l'Oisans a 20 kilomètres de diamètre, et celui de l'île de Ceylan 70 kilomètres. La Bohême paraît être aussi un cirque d'une vaste étendue, dans le fond duquel s'élèvent une foule de petits pics basaltiques. Cependant, la lune offre des montagnes annulaires d'une étendue plus vaste: Pétave

dépasse 100 kilomètres, Schickard 200; et on arriverait à des dimensions encore plus grandes, si l'on comptait parmi les cirques les prétendues mers lunaires. A côté de ces énormes excavations, on en voit un nombre incalculable de très-petites, qui ont à peine 100 mètres de diamètre, comme les cratères de l'Auvergne. On n'aperçoit nulle part, sur notre satellite, des chaînes de montagnes pareilles à nos Alpes ou à nos Pyrénées. Les montagnes s'y groupent toujours autour d'un centre principal, comme on le voit, sur la terre, au mont Dore, au Cantal et sur l'Etna. Lorsqu'on rencontre, sur la lune, des fragments de chaînes rectilignes, il est toujours facile de reconnaître que ce ne sont que des rudiments de grands cirques démantelés.

Les saillies qu'on remarque à côté des cirques ou dans leur intérieur, peuvent provenir des restes d'éruption volcanique. Dans la partie sud-occidentale de la lune, on aperçoit plusieurs élévations qui ont la plus grande ressemblance avec les cônes de scories qui surmontent les cratères volcaniques de l'Auvergne, et les couches de lave qui s'en sont échappées. Tel est, entre autres, le cirque de Messène, accompagné de deux cirques plus petits, dont l'un a pu fournir la crête saillante qui se dirige vers le sud en longeant le bord de la mer Luminaire. Tout près de là, un peu plus loin au sud, un cratère isolé laisse épancher une traînée un peu sinueuse, large de plusieurs kilomètres, et se dirigeant vers le nord en sens contraire de la précédente. Près du grand cirque de Viète, toujours dans la même région, on remarque un double cratère, et, un peu au sud, une cavité qui semble donner naissance à un courant bifurqué dès son origine (comme celui de Grasenoire, près de Clermont), et dont les deux branches s'étendent loin vers le sud. Cette tendance à un alignement nord-sud, qui se remarque assez souvent dans les accidents de la topographie lunaire, est d'autant plus curieuse, que, sur la terre, de nombreuses chaînes et sillons suivent aussi à peu près la direction du méridien.

Les cratères Archytas et Horrebow offrent également deux bandes divergentes, dirigées vers le nord et simulant deux longues coulées de lave. Mais on ne voit pas distinctement ces coulées s'échapper des cratères. Ceux-ci paraissent complets, réguliers comme les cratères de Pariare, de Saran ou de Côme. La lave s'est fait jour au pied de la montagne, sans déranger la régularité des terrains qu'elle a traversés. On ne peut donc pas assurer que la lune ait eu de véritables émissions de laves comme nos volcans actuels et les volcans éteints de l'Auvergne.

M. Faye a émis sur les cirques lunaires une théorie qui paraît contredite par les observations de M. Lecoq. D'après M. Faye, les cirques de la lune sont les ouvertures par lesquelles la masse encore fluide de notre satellite s'est épanchée, obéissant à l'attraction de la terre, absolument comme nos mers se soulèvent par l'attraction de la lune. Cette hypothèse rend compte de la profondeur de certains cratères et des cônes parasites qui sont venus postérieurement s'implanter dans les cirques; mais il est difficile de la concilier avec la forme arrondie et régulière des orifices volcaniques.

Les bouleversements les plus considérables ont eu lieu dans la région du pôle sud de la lune; c'est là que se rencontrent les plus hauts pics et une foule de montagnes de toutes les dimensions. Des cavités d'une profondeur extrême sont restées comme témoins de ces grandes dislocations du sol qui ont produit la surface actuelle de notre satellite, si singulièrement tourmentée. Ainsi, la montagne de Newton a plus de 7000 mètres de hauteur, et la profondeur de son cratère est telle, que ni les rayons directs du soleil ni ceux qui sont renvoyés de la terre, ne peuvent en atteindre le fond.

Il existe aussi, sur le disque de la lune, de très-grands cirques à larges bords, qui résultent de puissantes explosions. Ces cirques ont cela de curieux qu'ils appartiennent à deux époques successives. Après la formation du cirque

« AnteriorContinuar »