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Le brome de Schrader.

Le bromus Schraderi, graminée vivace, originaire de l'Amérique du Nord, et notamment de la Caroline (où elle est confondue avec d'autres espèces du même genre sous le nom de rescue grass), n'est point une plante fourragère d'introduction toute récente. Cependant, elle est restée presque inconnue en Europe, même parmi les botanistes, qui l'ont confondue souvent avec des espèces voisines, toutes annuelles. Schrader, qui l'a décrite le premier, en 1830, l'avait placée dans le genre ceratochloa, sous le nom de ceratochloa pendula; elle a été introduite dans le commerce des graines encore sous cinq ou six autres noms, et enfin Kunth l'a désignée comme le bromus Schraderi, pour la distinguer des 87 autres espèces du genre bromus, répandues dans l'ancien et le nouveau monde. C'est une plante très-rustique, d'une végétation vigoureuse, à tige droite et simple de 70 centimètres à 1 mètre, à racines fibreuses, et à feuilles planes, rubanées, d'un vert clair, longuement at

ténuées au sommet.

On avait d'abord proposé le brome de Schrader comme apte à faire des prairies temporaires, analogues à celles du trèfle. Reprise et abandonnée de nouveau, cette culture ne fut jamais vraiment essayée en France. Pourtant, M. Vilmorin possédait ce brome dès 1842, dans son école de Vesières. Plus tard, les catalogues de la maison Vilmorin le mentionnent comme graminée annuelle, pouvant remplacer le trèfle. Mais ce n'est pas là l'emploi à faire de cette belle plante fourragère; sa véritable nature n'a été reconnue et appréciée que tout récemment, grâce aux efforts de M. Alphonse Lavallée, qui l'a cultivée depuis 1858, et qui a rendu

compte à la Société d'Agriculture des résultats extraordinaires qu'il a obtenus.

En 1860, M. Lavallée en avait à peu près un demi-hectare, et il put s'assurer que la plante était vivace. Elle lève rapidement, et forme bientôt des touffes larges, isolées entre elles, qui grossissent continuellement et s'établissent sur le sol de manière à en remplir tous les vides et à exclure toute autre plante. Les tiges sont presque pleines, et elles portent chacune au moins 40 graines.

Ce brome peut donner quatre ou cinq coupes en vert d'un excellent fourrage particulièrement propre aux vaches laitières. La première coupe a lieu dès le mois de mars, au plus tard le 20 avril, et en général avant celle du seigle cultivé comme fourrage vert. Séché, ce brome constitue un excellent foin; cultivé pour semence, son rendement en grain est considérable et sa paille conserve une partie des avantages qu'il présente converti en foin. Enfin, ce grain, quoique léger, pourrait dans certains cas être consommé par les animaux de basse-cour; son rendement est très-considérable, puisqu'il donne à la première coupe un nombre d'hectolitres plus élevé que celui des plus belles avoines.

Une particularité de cette plante est de présenter à chaque coupe et sur chaque pied plusieurs épis où le grain, sinon mûr, est du moins formé et déjà consistant: cas très-rare, d'un fourrage presque vert portant des épis presque mûrs. M. Lavallée est d'avis qu'il faut attribuer à cette présence des graines aux époques de fauchaison une grande partie de la valeur nutritive du brome de Schrader. Il a pu d'ailleurs faire couper à la faucille les épis destinés à la semence, et faire ensuite faucher la partie herbacée, sans qu'il fût possible de voir une différence avec les autres coupes.

Les vaches, comme nous l'avons déjà dit, trouvent dans cette graminée un fourrage particulièrement favorable à la · production du lait, que l'on voit sous cette influence aug

menter sensiblement et devenir de qualité meilleure. Le brome de Schrader, plus que la Spergule, plus que la Moutarde, constituerait donc une vraie plante à beurre. 'Enfin, M. Lavallée a fait mettre au régime de ce brome deux jeunes cochons new-leicester de neuf mois, et il n'a pas tardé à constater qu'ils étaient en voie d'engraissement.

Le brome est donc une plante fourragère d'un mérite exceptionnel, et qui devrait être mise en essai par nos agriculteurs. Ce fourrage exige d'ailleurs peu de frais de culture; il occupe si bien le sol qu'il y reste toujours parfaitement propre ; il s'accommode de presque tout terrain qui ne soit pas absolument sec, et peut subsister plusieurs années, peut-être six à huit; après cinq ans sur le même sol, M. Lavallée n'a pas vu que le produit fût diminué.

Les soins de création sont très-simples: donner un bon labour, de préférence profond, semer, herser et rouler fortement. Les soins d'entretien sont presque nuls : tout au plus un roulage au printemps. Le brome remplit si bien le sol qu'aucune culture ne peut être aussi admirablement propre; c'est avant tout une plante étouffante, qui ne laisse après elle aucune herbe envahissante. Aussi sa verdure est-elle fort belle, à cause de sa grande uniformité.

Quelques chiffres feront encore mieux ressortir les avantages du brome de Schrader. Semé sur un terrain mis à nu par des terrassements où un semis de prairie n'avait pas réussi, le rendement, quoique sans engrais, fut à la première coupe de 17,300 kil. à l'hectare. Les trois autres coupes ont donné 18,970 kil.; total: 36,270 kil. par hectare en quatre coupes. Converti en foin, le brome perd les deux tiers de son poids; ainsi, les 17,300 kil. ont donné 6000 kil. de foin. L'hectare peut donc produire plus de 12,000 kil. d'un foin dont les animaux se montrent extrêmement avides et qui conserve toutes les précieuses qualités de la plante verte, quoiqu'il ne soit pas d'un bel aspect. Le rendement en grain a été, à la seconde coupe, de 65 hectolitres à l'hec

tare; cela donnerait 130 hectolitres en deux coupes. L'hectolitre pèse 20 kil. 350, environ moitié du poids de l'avoine; mais si ce grain est léger, en revanche il est très-abondant. La paille est très-lourde, son poids est égal à celui du foin. Quoique un peu dure, elle est consommée, même sans être hachée, par les vaches et surtout par les cochons, qui la préfèrent toujours à la paille d'avoine et de froment. Du reste, en voyant la similitude qui existe entre le poids du foin et de la paille, on peut en conclure que leurs qualités doivent être à peu près les mêmes.

La quantité de semence employée pour l'hectare a été d'abord à Segrez, chez M. Lavallée, de 250 litres; mais ce chiffre est trop considérable, car la plante talle beaucoup et forme de très-grandes touffes. Depuis, 200 litres environ ont toujours suffi; on a même obtenu un champ parfaitement garni, après avoir semé encore plus clair. Enfin, cette graminée se resème abondamment et tend à envahir les environs de la sole qui lui est consacrée. Quant au sol, il semble que le brome de Schrader vient mieux dans un terrain frais; mais M. Lavallée n'a jamais eu un mauvais résultat avec d'autres terrains (dans un sable pauvre, sur le talus d'un ruisseau, etc.). Il croit même pouvoir assurer que le brome n'épuise point le sol, comme on pourrait le supposer; il a vu, en effet, prospérer des betteraves et des choux sur un terrain que le brome avait occupé deux ans.

En résumé, le brome de Schrader doit être vivement recommandé comme plante fourragère, à cause de ses remarquables propriétés nutritives et de sa culture économique et facile. Espérons que nos agriculteurs tenteront des essais sur cette plante, et que leurs résultats confirmeront ceux de M. Lavallée, qui aura eu le mérite d'avoir contribué à répandre une espèce utile et à augmenter la production fourragère, élément si important de la prospérité agricole.

Note sur les engrais de ville, par M. Mille, ingénieur des ponts et chaussées.

<< Une ville comme Paris, dit M. Mille, est une immense fabrique d'engrais.

<< Elle produit :

« 1o Les fumiers d'écurie, qui sont la litière d'une population de 40 000 chevaux;

« 2o Les boues et immondices, ramassées sur un développement de plus de 500 kilomètres de voies publiques;

« 3o Les vidanges récoltées dans les fosses de 36 000 maisons, et qui représentent près de 2000 mètres cubes par jour;

«< 4o Les eaux d'égout, qui s'écoulent en grande partie par l'émissaire d'Asnières, et versent à la Seine une rivière qui roule 1 mètre cube à la seconde.

« Chacune de ces natures d'engrais a son emploi et sa place en culture.

« Les fumiers d'écurie, riches et chauds, sont employés par les jardiniers qui font des primeurs ou savent, au moyen de cloches de verre et sous des couches, conserver des légumes tout l'hiver. Leur industrie s'exerçait dans Paris même : expulsés par l'annexion, on les voit couvrir tous les terrains qui bordent les fortifications; car il est essentiel d'être le moins loin possible des halles.

« Les boues conviennent à la production des gros légumes de la plaine des Vertus, ou aux vignobles assez grossiers d'Argenteuil.

« La navigation et les chemins de fer commencent à étendre le rayon de vente hors la banlieue. Les bateaux portent aujourd'hui les boues dans la vallée de la Seine, jusqu'à Mantes; la culture des petits pois s'en accommode très-bien. Sur la ligne du Nord, les wagons de charbon prennent, en retour, des chargements qui vont jusqu'à Pontoise et l'Ile-Adam pour améliorer les jardins. En 1862, 9000 mètres de boues ont ainsi voyagé à grande distance.

<< Les vidanges conviennent à la culture des racines et des plantes industrielles; M. Moll les applique avec succès, à la ferme de Vaujours, comme engrais des betteraves, des carottes,

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