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CHAPITRE XII.

Paysans comparés à ceux d'Angleterre. — Mariages précoces.

Charité.

Indépendance et égalité. — Prières dans une

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chaumière.

Mohawk, c'est ainsi qu'on appelait notre petit village, nous fournit une bonne occasion de des États-Unis avec ceux comparer les paysans d'Angleterre, et de juger quels étaient les plus heureux. Je crois que l'état d'Ohio est aussi favorable pour établir cette comparaison qu'aucun autre des états de l'Union. Si les paysans de l'Ohio ont à lutter contre les inconvéniens d'un

état nouvellement formé, ils ont en compensation des gains plus élevés et des provisions moins chères. Si je me trompe en disant que c'est un pauvre état pour les commodités de la vie, ce n'est certainement pas faute d'expérience.

Les bons ouvriers mécaniciens sont certains d'y trouver de l'ouvrage, et de recevoir un prix même plus élevé qu'en Angleterre; les gages habituels d'un laboureur dans tous les États-Unis sont de dix dollars par mois, lorsqu'il est nourri, logé, blanchi et raccommodé. S'il vit à ses dépens, il a un dollar par jour. Je crois que tous les paysans qui sont industrieux et bien por

tans peuvent se procurer facilement les nécessités de la vie, c'est-à-dire de la viande, du pain, du beurre, du thé, du café (il est inutile de parler du whiskey), et cependant il me semble qu'un paysan anglais, honnête et industrieux, qui viendrait s'établir en Amérique, perdrait au change. Il serait payé un peu plus cher, et les denrées sont à meilleur marché dans l'ouest surtout; mais quelque réel que tout cela soit, il ne faut pas séparer cet avantage de mille choses non moins vraies et non moins importantes, qui

ont besoin d'être décrites avec plus de détail, et qui, malgré cela, ne seront peut-être parfaitement comprises que par ceux qui en ont été témoins.

Les Américains pauvres sont habitués à manger de la viande trois fois par jour; c'est une chose que j'ai remarquée chez tous les paysans de l'ouest. Dans le Maryland, la Pensylvanie et autres parties de l'Amérique où le prix de la viande est plus élevé, on en use avec plus d'é, conomie; cependant les paysans dépensent pour cet objet une plus grande partie du gain de la semaine qu'on ne le fait chez nous. Les liqueurs fortes, quoique d'un bon marché déplorable1, coûtent cependant quelque chose, et l'usage en est universel avec plus ou moins de discrétion, suivant le caractère de chaque individu. Le tabac croît à chaque porte et n'est point imposé, mais il coûte encore quelque chose, et les Amé ricains se priveraient plutôt d'air que de chiquer du tabac. Je n'en suis pas maintenant à

'Le whiskey coûte environ un shelling le gallon en détail; lorsqu'on l'achète en gros, il est beaucoup moins cher.

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faire remarquer les inconvéniens de boire de l'eau-de-vie; mais dans un pays où cette habitude domine généralement, et souvent jusqu'à l'excès le plus effrayant, on doit en tirer la conséquence que l'argent dépensé pour un verre d'eau-de-vie est moins considérable que l'argent perdu par le temps employé à le boire. Des maladies longues et coûteuses sont plus fréquentes en Amérique qu'en Angleterre, et les malades n'ont pour s'aider que l'argent qu'ils ont épargné, ou les denrées qu'il leur est possible de vendre. Je n'ai jamais été témoin d'une misère aussi grande que celle qui existe dans une chaumière américaine, lorsque la maladie y a passé.

Mais si la condition d'un laboureur n'est pas supérieure à celle d'un paysan anglais, celle de sa femme et de ses filles est bien plus misérable. Ce sont elles qui sont réellement les esclaves du pays. On n'a qu'à demander à la femme d'un paysan américain quel est son âge, pour se convaincre que son existence n'est composée que de travail et de privations. Il est rare de voir dans cette classe une femme de trente ans, et qui

n'ait pas perdu toute trace de jeunesse et de beauté. Vous voyez continuellement des femmes avec des maillots sur leurs genoux dont vous les croyez les grand'mères, jusqu'à ce qu'elles vous aient donné des preuves irrécusables du contraire; les jeunes filles elles-mêmes, quoique souvent avec des traits charmans, sont pâles, maigres et ont un air hagard. Je ne me rappelle pas avoir vu dans aucune occasion, parmi les pauvres, une de ces jeunes filles grasses, roses, à la figure riante, qu'on rencontre si souvent dans nos chaumières. L'horreur de la domesticité, que la réalité de l'esclavage et l'égalité prétendue ont engendrée, ravit aux jeunes filles cette ressource sûre et décente des jeunes Anglaises; et la conséquence en est que, malgré la liberté la plus irrespectueuse envers leurs parens les jeunes paysannes américaines sont dans toute l'étendue du mot des domestiques esclaves. Cette condition qu'aucune récréation, aucune fête de village n'embellit jamais, n'est changée que contre le fardeau plus triste et plus lourd encore d'une femme. Elles se marient très-jeunes en général. Dans aucune classe

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