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qu'une de nos roues était cassée et qu'il nous était impossible d'avancer. La vieille dame devint alors un des principaux acteurs de cette scène; elle s'élança à la portière, et, s'adressant aux messieurs dont la malle était pleine, -Messieurs! s'écria-t-elle, ne pouvez-vous faire place pour deux personnes seulement, moi et ma fille? La naïve simplicité de cette requête fit éclater derire les deux voitures. Cette dame agissait sans aucun doute d'après le principe de ce pieux catholique qui, adressant au ciel une prière pour lui seul, ajoutait, «< Pour ne pas fatiguer la miséricorde. » Nos éclats de rire n'intimidèrent pas le moins du monde la vieille dame, et n'interrompirent pas un instant ses sollicitations— Pour deux seulement, répétait-elle, ne pouvezvous faire place pour deux ?

Notre situation était réellement embarrassante, mais il nous était impossible de ne pas rire. Lorsqu'il fut bien certifié que notre voiture ne pouvait nous conduire, et que la malle n'avait pas même de place pour deux, nous nous décidâmes à nous rendre à pied au premier village, qui, heureusement, n'était éloigné que de

deux milles, et d'y attendre que la voiture fût réparée. Nous nous mîmes aussitôt en route et d'un pas rapide, tel que l'heure indue et le froid piquant d'une matinée de mars peuvent le faire présumer, laissant notre vieille dame et sa jolie fille considérablement en arrière; nos cœurs étaient endurcis par l'égoïsme de sa demande.

Lorsque notre voiture fut de nouveau sur ses quatre roues, le cocher, pour réparer le temps perdu, nous conduisit au grand galop sur une route très-raboteuse, en conséquence de quoi notre prudente vieille dame tomba dans une agonie de terreur, et ses cris: Nous allons verser! nous allons verser! oh! mon Dieu, nous allons verser! durèrent jusqu'à la fin du voyage, qui, grâce à nos éclats de rire, notre promenade et les cahots, fut des plus fatigans.

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En avançant vers Baltimore, la culture des terres est plus soignée, les enclos mieux construits; les maisons prennent un air d'élégance et de richesse; et nous nous consolâmes de la perte de nos belles montagnes, en nous rappelant que nous approchions de l'Atlantique.

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Depuis l'instant où nous quittâmes l'Ohio qui mérite bien certainement son titre « de belle

rivière,» surtout lorsqu'on le compare avec le boueux Mississipi, je reconnus souvent la vérité d'une remarque que j'entendis faire en Angleterre: c'est que « les petites rivières sont plus belles que les grandes. » Cela est assurément vrai, comme point de vue dans un paysage. Lorsqu'un fleuve est assez vaste pour que les objets sur le rivage opposé soient indistincts, toutes les beautés ne dérivent plus que de l'eau ellemême ; au lieu que, lorsque la rivière est étroite, elle ne fait que partie du paysage. Le Monongahela, dont la largeur est entre celle du Wye et celle de la Tamise, est infiniment plus pittoresque que l'Ohio.

Pour jouir des beautés d'une vaste rivière en Amérique, il faut être sur l'eau, parce qu'on a le pouvoir de changer de scène en s'approchant ou en s'éloignant du rivage; mais, en voyageant par terre, comme nous le faisions alors, les petites rivières rapides, sauvages, parfois brisées par des rochers, étaient mille fois plus délicieuses. Le Potaspco, près duquel la route passe en approchant de Baltimore, est sur plusieurs points on ne peut plus pittoresque. Les immen

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