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Henri IV, à l'aspect des objets que Saint-Louis présente à ses yeux, n'en est que plus disposé à se convertir un jour, et plus animé à poursuivre sa glorieuse entreprise. On ne peut donc pas dire que ce songe soit inutile:

« Ces héros, dit Louis, que tu vois dans ces lieux,
Comme toi, de la terre ont ébloui les yeux.
La vertu, comme à toi, mon fils, leur étoit chère;
Mais, enfans de l'Église, ils ont aimé leur mère;
Leur coeur simple et docile aimoit la vérité;
Leur culte étoit le mien: pourquoi l'as-tu quitté ?

C'est de là que la grace

Fait sentir aux humains sa faveur efficace;

C'est de ces lieux sacrés qu'un jour son trait vainqueur
Doit partir, doit brûler, doit embraser ton cœur. »

Saint Louis fait connoître aussi à Henri toute sa postérité, ce qui forme une suite de portraits et de tableaux magnifiques.

LIVRE SEPTIÈME.

ARGUMENT.

Énée, arrivé à un port du pays des Aurunces, y perd Caïete, sa nourrice, et lui rend les honneurs funèbres. C'est de là que ce port conserve encore aujourd'hui le nom de Caïete ou Gaëte. Il rase le rivage de Circé, et débarque enfin à l'embouchure du Tibre. Latinus, fils du dieu Faune, régnoit alors sur les peuples de cette contrée, qui s'appeloient par excellence Aborigènes, et qui se prétendoient immédiatement issus des dieux. Latinus n'avoit d'enfans qu'une fille, appelée Lavinie. Elle étoit destinée, par l'oracle de Faune, à un mari étranger; mais Amate, sa mère, l'avoit promise, contre la volonté des dieux, à Turnus, son parent, roi des Rutules. Énée envoie des ambassadeurs à Laurente, ville capitale du royaume de Latinus. Ce roi reçoit Énée avec de grands honneurs, le regarde comme l'étranger qui doit être son gendre, et lui promet sa fille. Junon, jalouse du bonheur des Troyens, fait sortir des Enfers la furie Alecto, et lui ordonne de répandre le trouble et la division entre les deux nations. Alecto rend d'abord Amate si furieuse, qu'elle sort du palais avec sa fille, sous prétexte de la consacrer à Bacchus, et la cache dans les montagnes. La furie souffle aussi ses fureurs au sein de Turnus, et l'excite à la guerre. Elle en fournit elle-même le prétexte : Iule blesse à la chasse un cerf chéri du fils d'un homme considéré dans ce pays; cette faute involontaire est regardée comme une insulte, et on veut la

laver dans le sang des Troyens. Tous les Latins, secondés par Turnus, demandent la guerre. Latinus, fidèle à ses engagemens avec Enée, refuse d'ouvrir le temple de Janus: Junon l'ouvre elle-même; et le roi, obligé de céder aux Destins, laisse faire la guerre, sans la faire lui-même. Il abandonne les rênes de l'empire, et Turnus avec Amate règlent tout dans le conseil, et se chargent de tous les événemens. Tous les peuples de l'Italie viennent offrir leur secours à Turnus. Dénombrement de ces peuples.

VOUS

ous aussi, ô Caïete, nourrice d'Énée, vous avez illustré nos rivages par votre mort. Le lieu où sont déposés vos cendres est à jamais consacré par votre tombeau; et, si cette gloire est quelque chose, votre nom, gravé sur cet antique monument, désigne encore votre sépulture à la grande Hespérie. Après qu'Énée eut rendu à celle qui l'avoit nourri les derniers honneurs, il s'éloigna du port, dans un temps calme. Bientôt le vent s'éleva à l'arrivée de la nuit,

Et pour guider son cours, la lune complaisante
Éclaire au loin les eaux de sa clarté tremblante.
Il vole, il voit déjà le trop fameux séjour
Où la belle Circé, fille du dieu du jour, (1)
Modulant avec art sa voix mélodieuse,
Charme de ses doux chants sou île insidieuse;
Tantôt dans sou palais, où des bois précieux
Prodiguent dans la nuit leurs parfums et leurs feux,
D'un tissu varié, doux charme de ses veilles,
Ourdit d'un doigt léger les brillantes merveilles.
Là, grondent renfermés et de rage écumans
Tous ces monstres créés par ses enchautemens,

Qui, d'hommes qu'ils étoient, changés en ours informes,
En lions menaçans, en sangliers énormes,
S'irritent dans la nuit, et, secouant leurs fers,
De leurs longs hurlememens épouvantent les airs. (*)

Pour épargner aux Troyens les dangers de cette île, Neptune enfle leurs voiles et commande aux vents de les pousser promptement au-dessus de cette côte. Déjà les chevaux de l'Aurore répandoient une lumière vermeille, et ses rayons tremblans se jouoient sur l'onde colorée; les vents tombèrent tout à coup, et les rames seules firent avancer les vaisseaux. (2)

Une vaste forêt s'étend jusqu'au rivage; (3)

Le Tibre, vers les mers, roule sous son ombrage,
Ses flots tumultueux et ses sables brillans.
Mille oiseaux font au loin retentir de leurs chants
Du fleuve hospitalier les rives paternelles,

Et trempent dans ses eaux la pointe de leurs ailes. (**)

Énce ordonne aux matelots de tourner leurs proues vers la terre, et la flotte s'arrête à l'embouchure du fleuve.

Muse, apprends-moi maintenant quels étoient les rois du Latium et l'état de cette grande contrée lorsque cette flotte étrangère y aborda. Je vais révéler la cause et le commencement d'une guerre

(*) Delille.

(**). H. Gaston.

Entend des bruits confus, interroge les dieux; Plonge dans les Enfers ou monte dans les cieux. (*) Latinus voulut lui-même interroger le ciel. Il immola cent brebis, et, se couchant sur leurs peaux, il attendit la réponse des dieux. Soudain, du fond du sanctuaire une voix arrive jusqu'à lui: <«<Mon fils, chez les Latins ne choisis point un gendre; Un étranger viendra (ton sort est de l'attendre), Qui, par ses nobles faits, son bras victorieux, Portera jusqu'au ciel notre nom glorieux,

Dont les fiers descendans vaincront plus de contrées
Que l'astre étincelant des voûtes azurées
N'en découvre sous lui, quand du trône des airs
Il embrasse les cieux, les pôles et les mers. »

(**)

Ces prédictions célestes ne demeurèrent pas renfermées dans le palais de Latinus : tout le peuple en étoit instruit lorsque la flotte troyenne toucha le rivage de l'Italic. Énée, Ascagne et les principaux chefs de l'armée, assis sous un grand arbre, se livroient, après tant de fatigues, à la joie d'un festin champêtre. Sur la fin du repas, on leur servit des fruits sur des gâteaux plats (Jupiter l'avoit ainsi permis). Leur 'faim, qui n'étoit point encore rassasiée, les obligea de porter une dent avide sur ces gâteaux même qui leur avoient servi de tables. Alors Ascagne s'écria

(*) H. Gaston.

(**) Delille.

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