PRÉFACE DE CETTE SECONDE ÉDITION. Cette édition est, à vrai dire, un ouvrage absolument nouveau, quoiqu'elle présente, en apparence, le même ensemble que la première. Celle-ci, imprimée à Turin par Vincent Bona, imprimeur de Sa Majesté le roi d'Italie, et tirée à 204 exemplaires numérotés (150 sur format in-8 de carré, papier vélin; 50 format in-12 d'écu, papier vergé, et 4 de même format, papier de Chine), n'était qu'un essai, dont l'insuffisance et les défauts devaient nous frapper plus que personne, car il ne nous avait pas été possible, dans les conditions où notre Bibliographie moliéresque s'était faite, d'exécuter le plan que nous nous étions tracé, longtemps avant de l'entreprendre. En effet, l'ouvrage fut commencé et achevé pendant le siége de Paris, et nous n'eûmes pas même, pour le rédiger, le secours des livres de la Bibliothèque de l'Arsenal, qui était alors, et surtout par nos soins personnels, déposée et mise en sûreté dans les caves de l'ancien hôtel du grand-maître de l'artillerie de France. Nous avions donc, dans la préface de la première édition, signalé les fautes et les omissions qu'on ne man querait pas d'y trouver presque à chaque article, ce travail bibliographique ayant été fait de seconde main, sans que nous eussions sous les yeux les ouvrages qui y sont mentionnés et rarement décrits avec exactitude. La Bibliographie moliéresque n'en a pas moins été vendue rapidement et recommandée, par les amateurs, comme un livre utile. Telle fut la cause de son succès; tel est le motif qui nous a déterminé à faire un nouveau livre plutôt encore qu'une nouvelle édition. Il s'agissait d'abord de voir les éditions originales des comédies de Molière et de les décrire toutes plus exactement que nous n'avions pu le faire. Cette recherche minutieuse nous a fait découvrir un grand nombre de ces éditions qui n'avaient pas encore été décrites. C'est alors que notre travail est devenu, pour ainsi dire, collectif, car nous n'eûmes, pour le rendre complet et meilleur, qu'à mettre à profit les intéressantes communications qui nous étaient adressées de toutes parts, avec un désintéressement que nous ne saurions assez reconnaître. Notre gratitude, qui sera aussi celle de nos lecteurs, ne peut mieux se traduire que par un exposé des services que nos savants collaborateurs ont bien voulu rendre, non-seulement à notre ouvrage, mais encore, mais surtout à la bibliographie de notre Molière. M. Auguste Fontaine, qui a réuni, de longue date et à grands frais, toutes ou presque toutes les éditions de Molière, pour en faire, en quelque sorte, le trésor de sa belle librairie, nous a communiqué ces éditions et nous les a laissées entre les mains, avec la plus large libéralité. M. Damascène Morgand est allé, sans se lasser, chercher, pour nous, dans les bibliothèques publiques et particulières, la description des éditions que M. Auguste Fontaine ne possédait pas, et nous n'avions plus qu'à reproduire, avec toute confiance, cette description aussi fidèle qu'intelligente. Grâce à ce concours d'obligeance, la précieuse collection de Cousin, à la Sorbonne, et celle de M. le baron James E. de Rothschild, plus précieuse encore, n'ont pas eu de secrets pour nous. M. L. Potier, ancien libraire, à qui la science bibliographique doit tant de bons catalogues de livres, dignes d'être placés à côté du Manuel de Brunet, a bien voulu relire nos épreuves et y ajouter une foule de notes et d'observations, qui sont le résultat de sa longue expérience et d'une savante comparaison des éditions originales de Molière. Cette seconde édition de la Bibliographie de Molière offre une partie très-importante, qui n'était remarquable, dans la première édition, que par ses imperfections et sa pauvreté. Ce sont les traductions des comédies de Molière en langues étrangères, et l'on peut dire que l'existence de ces traductions était restée jusqu'à présent inconnue à nos bibliographes. M. E. Picot, viceconsul de France, philologue distingué, a bien voulu se charger spécialement de revoir et de compléter l'immense série de ces traductions en langues étrangères, en coordonnant les excellents matériaux que plusieurs savants m'avaient fournis avec le plus gracieux empressement M. J. de Filippi, pour les traductions en ita lien et en allemand; M. d'Hughes, pour les traductions en anglais; M. Wilhems, pour les traductions en langue néerlandaise, etc. C'est aussi à M. Wilhems, le docte elzeviriophile de Bruxelles, que je suis redevable de la description des éditions de Molière imprimées dans les Pays-Bas par les Elzeviers et leurs imitateurs. Enfin, j'ai eu la bonne fortune de pouvoir confier la lecture de mes épreuves, pour toute la partie qui comprend ces traductions en langues étrangères, à l'extrême obligeance de M. Gustave Pawlowski, le bibliographe polyglotte de la Revue bibliographique universelle, le secrétaire-bibliothécaire de mon savant ami Ambroise Firmin-Didot. S'il fallait nommer maintenant toutes les personnes bienveillantes qui m'ont adressé beaucoup de notes, dont j'ai fait mon profit, je devrais commencer par dépouiller une correspondance assez volumineuse, dont la bibliographie de Molière a été le principal objet pendant plusieurs mois. Je suis forcé de me borner à citer deux noms de ces collaborateurs officieux : celui de M. Barbieu, juge au tribunal de Montmorillon, qui m'a envoyé une iconographie inédite de Molière, en m'autorisant à en faire usage dans mes travaux, et celui de mon savant collègue, M. Paul Cheron, conservateur à la Bibliothèque nationale, qui m'a remis généreusement tous les matériaux bibliographiques qu'il avait ramassés sur la vie et les ouvrages de Molière. Je terminerai cet hommage de reconnaissance, en remerciant mon collègue et ami M. Édouard Thierry, ancien directeur du Théâtre-Français et conservateur administrateur de la Bibliothèque de l'Arsenal, de l'intérêt actif et empressé qu'il n'a cessé de porter à mon ouvrage, refait sous ses yeux et complété souvent d'après ses indications. M. Édouard Thierry a toujours été le plus passionné des Moliéristes, et il ne tardera pas à publier un grand ouvrage historique qui doit être le commentaire du fameux Registre de La Grange, imprimé aux frais de la Comédie-Française. C'est à M. Édouard Thierry que la Bibliothèque de l'Arsenal devra aussi la création d'une collection moliéresque qui s'augmente tous les jours et qu'il a inaugurée, en y ajoutant une partie des livres rassemblés par Lasabbathie, au moment où une autre donation, faite à la Bibliothèque de l'Arsenal, par Mme veuve Luzarche, selon le vœu de son mari et de son fils, venait de faire entrer, dans cette collection, déjà nombreuse et bien composée, quelques volumes d'une insigne rareté. Nous aimons à nous dire, avec un orgueil légitime, que notre Bibliographie moliéresque n'est pas étrangère à l'origine de la collection moliéresque de la Bibliothèque de l'Arsenal. Depuis plusieurs années, on a fondé, en Angleterre, un musée shakespearien, une Bibliothèque shakespearienne, à Strasford, où Shakespeare naquit et mourut. Molière, né et mort à Paris, doit avoir aussi, dans sa ville natale, une Bibliothèque et un Musée. P. L. JACOB, bibliophile. 1er mars 1875. |