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II ORDRE.

QUADRUMANES.

L'existence des singes à l'état fossile a été niée pendant longtemps (1); et, en effet, au moment de la publication de l'ouvrage de Cuvier, les seuls faits qui semblaient démontrer qu'ils eussent apparu avant l'époque actuelle, reposaient sur de fausses observations; et ce savant naturaliste dut déclarer, dans son discours sur les révolutions du globe, que l'on n'avait encore trouvé aucun débris fossile qu'on pût rapporter à cet ordre. Ces faits, d'ailleurs, semblaient concorder avec les idées que plusieurs naturalistes

(') Il ne faut pas, en effet, tenir compte des assertions de quelques anciens auteurs, qui ont indiqué des singes fossiles d'après des déterminations évidemment erronées. Ainsi d'Argenville et Walsh rapportent à cette famille le squelette d'un animal à longue queue, trouvé dans les schistes cuivreux de Thuringe, et que l'on sait maintenant être celui d'un reptile. C'est par une erreur semblable que le même Walsh crut l'existence des singes fossiles démontrée par une soi-disant patte pétrifiée, qui n'était qu'une altération fortuite d'un fragment de pierre. Il faut aussi probablement rayer de la liste des singes fossiles les deux crânes de magots indiqués par Imrie dans sa description du rocher de Gibraltar, et qui avaient été trouvés vers la fin du siècle dernier par des ouvriers employés aux travaux de cette forteresse. Il paraît que ces crânes n'étaient point fossiles et qu'ils provenaient de quelqu'un des nombreux singes de cette espèce qui habitent encore de nos jours le rocher de Gibraltar.

avaient adoptées sur le perfectionnement graduel de l'organisme dans les âges géologiques. Il leur semblait naturel que le degré le plus supérieur de l'organisation, dans les terrains récents, ne se fût pas élevé audessus du type des carnassiers, de même que, dans les terrains jurassiques, il n'avait pas dépassé les reptiles, et dans les âges plus anciens les poissons. Les quadrumanes, plus voisins de l'homme, leur paraissaient avoir été réservés pour la création la plus récente et la plus parfaite.

Mais de nouvelles découvertes, en démontrant l'existence des singes fossiles, ont fait justice de ces idées théoriques. Presque dans le même temps on en a signalé des débris en Europe, en Asie et en Amérique. Dans ce dernier continent, les terrains les plus récents en renferment des ossements, ce que l'on pouvait prévoir a priori, eu égard à l'abondance de ces animaux dans l'Amérique actuelle; mais en Europe, ce n'est que dans les terrains tertiaires anciens et moyens qu'on en a trouvé de rares débris. C'est aussi dans les terrains tertiaires que l'on en a signalé en Asie; mais il est probable que dans ce pays l'on en trouvera aussi dans les dépôts plus récents.

L'ordre des quadrumanes est assez clairement caractérisé pour que l'on puisse reconnaître avec certitude les os et les dents qui doivent lui être rapportés. Leurs dents continues, presque sans intervalles, leurs incisives tranchantes, le plus souvent au nombre de quatre à chaque mâchoire et de la forme des incisives de l'homme, et leurs. molaires à tubercules

mousses, constituent une dentition ordinairement facile à distinguer. La tête avec sa grande capacité cranienne, ses orbites très-rapprochées, son trou occipital situé au tiers postérieur; les vertèbres à apophyses courtes et éloignées, indiquant une grande souplesse; les os des membres assez semblables à ceux de l'homme, les phalanges unguéales aplaties, etc., peuvent aussi rarement être confondues avec les ossements des autres ordres.

On divise les quadrumanes en trois familles : les singes, les ouistitis et les lémuriens. Les deux premières ont incisives droites, les orbites rapprochées et les yeux dirigés en avant. Elles se distinguent l'une de l'autre, parce que les singes ont les ongles et par conséquent les phalanges unguéales déprimées, tandis que ces organes sont comprimés dans les ouistitis. Les lémuriens ont, ou plus de incisives, ou des incisives obliques; leurs orbites sont plus écartées; leurs formes se rapprochent davantage de celles des carnassiers.

1re FAMILLE: SINGES.

La famille des singes peut se subdiviser en deux tribus. La première comprend les singes à narines relevées et séparées par une cloison mince (simiæ catarrhini), et qui n'ont que 32 dents. La seconde renferme les singes qui ont 36 dents, et dont les narines

aplaties sont séparées par une cloison plus épaisse (simiæ platyrrhini).

Dans l'état actuel du globe, la distribution géographique des espèces concorde avec cette division, car tous les singes à 32 dents sont de l'ancien continent, tandis que ceux à 36 dents habitent l'Amérique. Le petit nombre de faits que l'on a recueillis jusqu'à ce jour sur les singes fossiles semblent montrer que cette distribution a existé dès l'apparition de ces animaux à la surface de la terre. On n'a encore recueilli en Europe et en Asie que des fragments qui appartiennent à des singes de la première tribu, et ceux trouvés en Amérique doivent tous être rangés dans la seconde. La première tribu est celle des

SINGES DE L'ANCIEN CONTINENT.

(Simiæ catarrhini.)

On a trouvé en Europe quelques fragments qui doivent être rapportés à deux espèces de singes de cette division.

L'existence de la première de ces espèces est indiquée par une mâchoire inférieure (1), trouvée par M. Lartet dans des marnes d'eau douce, faisant partie du terrain tertiaire de Sansans, près d'Auch (département du Gers), à 43o de latitude nord, et qui appartiennent probablement à l'étage moyen ou miocène.

(') Voyez le rapport de M. de Blainville sur cette mâchoire. (Annales des sc. nat. nouv. série, VII, p. 232 et pl. IX.)

Cette mâchoire, longue d'un pouce et demi, depuis l'extrémité des incisives jusqu'à la racine antérieure de la branche montante, est formée de deux branches réunies sous un angle de 25° et formant une symphise oblique. Les incisives sont presque aussi élevées que les canines; celles-ci sont courtes, coniques, un peu courbées et déjetées en dehors. Les troisième et quatrième molaires ont cinq tubercules, et la dernière un talon assez fort.

Ces caractères de dentition, qui ne peuvent laisser aucun doute sur le fait que cette mâchoire ait bien appartenu à un singe, ne se rapportent complétement à aucun des genres actuels. Le cinquième tubercule des troisième et quatrième molaires rapproche l'espèce fossile du genre des gibbons, et la dernière, par son fort talon, ressemble à son analogue dans les semnopithèques et les magots. Il faut attendre que d'autres pièces de squelette soient connues, pour qu'on puisse décider définitivement si, comme les dents semblent l'indiquer, l'animal était réellement intermédiaire entre les gibbons et les semnopithèques M. de Blainville lui a donné le nom de Pithecus antiquus.

:

La seconde espèce européenne est constatée par des molaires trouvées à 52° latitude nord, à Kyson, en Suffolk, par MM. Colchester et Searles Wood, et rapportée par M. Owen au genre macacus (1). Le terrain qui renfermait ces dents appartient à l'argile de Londres, c'est-à-dire au tertiaire le plus ancien (éocène). La latitude de 52° nord montre que les singes, dans l'époque tertiaire, ont vécu bien plus au nord qu'aujourd'hui, où cette famille ne dépasse pas le 37o. On peut ranger ce fait parmi les preuves, dont nous

(') Annals of nat. history, tome IV, p. 191.

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