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je fus fervie par les Prêtreffes confacrées au culte de la Déelle ; grace qui ne s'accorde qu'aux femmes de mon rang: mais toute la Cour ignore ce qui m'y eft arrivé. Ce n'eft qu'à ton zele & à ton amitié que je vais confier un fecret, qui trouble depuis fi long-tems le repos de mes jours. Apprends donc que lorfque j'eus fait mes prieres à la Déeffe & lui eus préfenté mes offrandes, les Prêtreffes me conduifirent à la fontaine, où, après m'avoir déshabillée & fait entrer dans le bain, elles s'éloignerent par refpect pour me laiffer en liberté. Lorfque je fus feule, je fentis les eaux fe foulever, un léger mouvement les

agita, & un jeune homme, tel qu'on nous dépeint l'Amour fe préfente à mes yeux. Timide à fon afpect, je friffonne de crainte; mais s'approchant de moi avec un regard majestueux & tendre, il me prend la main, me ferre dans fes bras. Hélas qu'il étoit féduifant! Je ne puis, ma Céliane, te peindre le trouble qu'il fit naître dans mon ame. Son premier coup d'œil y a gravé pour jamais la paffion la plus vive; je ne connois de crime que celui d'avoir pu lui déplaire, & tous mes malheurs ne viennent que de celui de l'avoir perdu : c'eft en vain je le cherche tous les jours au fond des eaux. Mais que dis-je ? ma Céliane ! ma passion m'é

que

gare, je ne puis y penser fans trouble. Je te parlois de celui qu'il avoit répandu dans tous mes fens qui m'empêcha de fuir mes regards attachés fur un objet auffi féduisant, sembloient encore m'ôter la force de me défendre de fes careffes, lorfque les Prêtreffes, en fe rapprochant, le firent difparoître, & je remarquai qu'en s'éloignant il mit un doigt fur fa bouche, fans doute pour me faire entendre de ne point révéler ce qui venoit de m'arri-. ver. Le lendemain à-peine fûs-je entrée dans le bain, que le même mouvement qui s'étoit fait fentir la veille, m'annonça l'arrivée de mon Vainqueur. Il s'approcha de moi, me tint des

difcours tendres & paffionnés. Animée par fa préfence, je ne fçais, ma chere, ce que je lui répondis qui parut le transporter de plaifir; car me ferrant tout-à-coup dans fes bras, l'éclat qui fortit de fes yeux fe communiquant dans mes veines, je me fentis embrâfée d'un feu dévorant je voulus fuir mes forces m'abandonnerent; mais, dans le trouble qui m'agitoit, je crus m'appercevoir qu'il vouloit m'entraîner avec lui. Déja les eaux se gonfloient, & je me fentis prête à périr. Saifie de frayeur, un cri perçant m'échappe qui attira les Prêtreffes; mais, malgré le faififfement où j'étois, je ne pûs m'empêcher de regarder encore

ce

ce que deviendroit mon Vain queur. Je le vis s'enfoncer fous les eaux, & j'entendis diftinctement une voix qui me dit que ma vie & mon bonheur dépendroient de ma conduite, & que la félicité du Prince avec lequel je vénois de m'unir, étoit attachée au filence que je de vois garder. Je compris alors la faute que j'avois faite.

Hélas, ma chere! il n'étoit plus en mon pouvoir de la réparer. Tremblante & défefpérée, je tombai évanouie dans les bras d'une Prêtreffe qui s'étoit avancée pour me fecourir & apprendre le fujet de ma frayeur. Je n'eus garde de lui en confier le motif; je lui dis feulement

I. Part.

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