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fortune qui jufqu'alors m'avoit toujours été favorable, me fit fentir vivement, dans cette rencontre, le peu de fonds qu'on doit faire fur cette inconftante Déesse.

Comme les défordres augmentoient chaque jour, je fus contraint de forcer ma marche pour arrêter les progrès de mon ennemi ; j'arrivai enfin à peu de diftance de l'armée du traître Pencanaldon, qui m'attendoit en bon ordre pour me livrer bataille. J'étois réfolu de tâcher d'éviter le combat, afin de donner à mes Troupes le tems de fe reposer: mais mes Soldats étant excités eux-mêmes par les bravades de l'ennemi, je ne fus plus le maître d'ar

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rêter leur courage fougueux; la bataille s'engagea infenfiblement, elle fut des plus fanglantes. Cependant je confervai long-tems l'avantage, & lorfque j'allois me rendre le maître du champ de bataille, par une fatalité que je ne puis comprendre, l'épouvante fe mit tout-à-coup dans mon armée, mes Troupes fe débanderent, la plus grande partic prit la fuite, &, malgré mes efforts, je ne pûs jamais les rallier que vous dirai je enfin? ma défaite fut complette, & =j'eus encore le malheur d'être fait prifonnier avec la Reine qui m'avoit fuivi dans cette expédition.

Pencanaldon, glorieux du

nous

fuccès de fa victoire conduifit dans fa Ville capitale, en nous menant attachés à fon char de triomphe comme de miférables efclaves. Il nous fit enfuite renfermer dans une Tour, bâtie fur une pointe de rocher qui paroiffoit fort avan cé dans la Mer : mais ce qui augmenta ma peine & mon défefpoir, c'eft qu'il eut encore la cruauté de me féparer de Cliceria; & j'appris quelques jours après, par deux Officiers commis pour ma garde, qui, me croyant endormi, caufoient familierement enfemble:

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J'appris donc que la cause de tous les défordres qui venoient d'arriver, ne prove

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pour

noit que de l'amour que le perfide Pencanaldon avoit pris la Reine, parce qu'il fe Aattoit qu'après m'avoir vaincu, il ne lui feroit pas difficile de féduire l'efprit de la Reine Cliceria, en lui propofant de partager avec elle fon Royaume, & de la laisser disposer entierement de mes Etats qu'il venoit de réunir à fa Couronne, ne faifant aucun doute qu'étant fon prifonnier, il ne me forçât à la répudier lorfque je croirois ne pouvoir obtenir ma liberté qu'à ce prix. Ainfi, aveuglé par la paffion, il ne crut point trouver d'obstacle à fes mauvais deffeins, il ofa même les déclarer à la Reine fans aucun ménagement. Cliceria,

indignée des propofitions qu'il eut l'audace de lui faire de l'époufer, lorfqu'il feroit parvenu à me faire figner l'Acte qui devoit la rendre à elle-même, lui marqua avec beaucoup de fierté tout le mépris qu'elle faifoit de fentimens pareils aux fiens; &, loin de vouloir achever de l'entendre, elle fut fe renfermer dans fon cabinet, en lui défendant de reparoître devant elle, à moins que l'honneur, la vertu & la probité, qu'il avoit bannis de fon cœur, ne revinflent animer fon ame, & lui infpirer des procédés & de nouveaux fentimens dignes d'être adoptés par Ophtes & par Cliceria.

Cependant l'indigne Penca

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