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ne reffufcitera jamais ce qui n'eft plus. Je ne vous dis là que des raisons vulgaires; mais il eft des remédes de l'efprit, comme de ceux du corps: les plus communs font ordinairement les meilleurs. Je fuis,

MADAME,

Votre très-humble...

Jofe

LETTRE

à un jeune Homme, pour le porter à l'Etude.

Pofe dire qu'un Savant n'eft pas moins au deffus d'un ignorant, que l'homme eft au deffus de la bête: ainfi vous ne fauriez mieux faire, Monfieur, que de Vous appliquer férieufement à vous rendre habile. Rien ne peut plus contribuer à cela, que de vous prefcire une étude réguliére. Il me femble que le matin eft plus propre pour la lecture, que toute autre partie du jour: C'eft le tems où l'efprit fe trouve dégagé, libre et purgé par le fommeil, des fumées que nous reffentons d'ordinaire après le repas: cependant je ne voudrois pas affecter de lire plufieurs Volumes, ni même de lire avec avidité; j'aimerois mieux lire moins et avoir plus d'application: je regarderois plutôt au choix des Livres qu'au grand nombre, etc.

A MONSIEUR de d'O...

Le Che. valier d'Her **.

ous m'embaraffez fort, mon cher Coufin, en me demandant confeil fur vos affaires. D'un côté vous ĺ êtes fort amoureux, et de l'autre Monfieur votre Pere vous menace très-férieusement de vous deshériter, fi vous époufez la Demoiselle dont vous êtes amoureux, En vérité, je ne fai que vous dire. Il y a fur cette matiére-là deux partis à prendre, le parti héroïque, qui eft de préférer la belle tendreffe à tout, et le parti Bourgeois, qui eft de ne vouloir pas perdre quinze mille livres de rente pour une Maîtreffe. C'eft à vous

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à vous

à vous confulter. Vous avez fans doute beaucoup plus d'inclination à faire le Héros; mais la difficulté n'eft pas de l'etre à préfent, c'eft de l'être à l'avenir. Je vous confeillerois de fuivre votre grandeur d'ame, fi vous étiez fûr qu'elle ne vous abandonnât point, mais vous ne fauriez compter fur elle, peut-être ne la retrouverez vous plus dès que l'affaire fera finie. En un mot, on fe laffe d'être Héros, et on ne fe laffe point d'ètre riche. Vous n'avez point vû quinze mille livres de rente faire des Inconftans, comme toutes les Belles en font. Je fai que ces raisonnemens vous paroîtront affez groffiers, et qu'ils font démentis par toute la Métaphyfique amoureufe; mais je fuis fiché que l'expérience que jai du monde, ne me permette pas de conferver des idées, que je trouverois autfi bien que vous plus nobles et plus délicates. Ce n'eft pas ma faute, fi je ne croi pas que l'amour fuffife pour faire le bonheur de quelqu'un ; j'aurois affez d'envie de le croire; mais pourquoi l'amour a-t-il trompé à mes yeux mille Gens à qui il avoit promis qu'il les mettroit feul en état de fe paffer de tout? Et fi l'amour trompe, à plus forte raifon, l'amour qui devient ménage. Vous vous figurez peut-être que vous trouverez mille agrémens, et mille complaifances dans la Perfonne que vous aurez époufée, parcequ'elle devra tout à un homme qui lui aura facrifié fa fortune; mais prenez garde que ce ne foit là juftement ce qui gâtera votre Mariage. Il pourra arriver fort aifément qu'on ne répondra pas à l'idée que vous concevrez de l'obligation que l'on vous aura. Je ferois bien fâché d'avoir une Femme à qui je fuffe en droit de faire les reproches que vous pourrez faire à la vôtre. Il me femble qu'on eft bien malhûreux d'avoir des matiéres de plaintes, outre celles que le Mariage fournit naturellement. Une Femme ne doit déja que trop à fon Mari, pourquoi en voulez-vous une qui vous devra encore davantage? Songez que par-là elle fera plus mariée avec vous qu'une autre ne l'eût été, et que par conféquent elle vous rendra moins hûreux. Vous favez pas quel fupplice ce fera pour vous, que de n'ofer jamais vous plaindre d'elle; il faudra, pour

ne

foûtenir

foûtenir avec honneur ce que vous aurez fait, que vous paroiffiez troûjours charmé de fes maniéres pour Vous, même quand elles vous feront enrager dans l'ame. Pour moi, je vous avoue que je ne voudrois pas me priver de la liberté de pefter hautement contre ma Femme, quand j'en aurois envie. Faites un peu de réflexion fur ces raifons, mon cher Coufin; mais avant que de vous déterminer tout à fait, abftenez vous de la lecture des Romans. Je ne vous ai point fait un Sermon, à la maniére d'un Pere, ou d'un Oncle farouche, je ne fuis pas affez fage pour avoir droit de prendre ce ton; cependant je croi vous avoir dit à peu près tout ce que vous pourroient dire des Gens, ou plus fages, ou plus chagrins que moi.

AU MEM E.

Vous m'avez écrit en vrai ftile 'd'Amant.

Vous

Selon le

portrait que vous me faites de votre Maîtreffe, Venus feroit bien hûreufe, fi elle lui reffembloit; mais ce qui vous touche le plus en elle, est justement ce qui me feroit le plus fufpect, je veux dire, for efprit. Si elle en avoit moins que vous ne dites, je vous pardonnerois de vous attacher autant que vous faites, mais je meurs de peur qu'avec l'efprit qu'elle a, elle ne connoifle trop les avantages qu'elle peut tirer de votre paffion, et n'entende trop bien fes in térêts. Vous ferez toûjours riche quoiqu'il arrive, du moins affez riche pour elle, qui n'a rien; cela peut donner de l'amour à une Perfonne d'efprit. Vous devriez bien démeler fes véritables fentimens. Vous gouverne-t-elle? Prend-elle de l'empire fur vous? (1) Se fert elle de fon pouvoir pour vous difpofer au Mariage, et pour vous affermir dans le généreux deffein d'être deshérité? Il eft vrai que je fuis fou, de vous faire toutes ces questions. On mene comme on veut un Homme auffi amoureux que vous l'ètes, et il ne s'en apperçoit pas. Mais ne pourrriez-vous point quitter pour

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(1) Prend elle de l'empire fur vous? Nimt sie sich einige Herrschaft über Sie heraus?

pour quelques momens les yeux de votre amour, et examiner le procédé de votre Maîtreffe? Ne foyez pas charmé pour lui entendre dire qu'elle eft bien malhûreuse de mettre de la division entre Monfieur votre Pere, et vous; qu'elle ne mérite point que vous lui faffiez le facrifice d'un Bien confidérable; qu'il vaut mieux que vous rompiez avec elle, et que vous ne la revoyiez jamais; ce ne font là que des difcours, et quand même ils feroient foûtenus par quelques larmes, ces difcours ne feroient encore rien; mais obfervez, fi quand elle vous repréfente l'inconvénient de perdre quinze mille livres de rente pour elle, elle n'évite point d'approfondir trop la matiére, fi elle ne coule point fur cela légèrement, (1) fi dans le même tems qu'elle vous exhorte à fuivre votre intérêt, elle ne vous infinue point adroitement des raifons de n'en rien faire, fi elle fe rend aifément aux priéres que vous lui faites de ne vous parler plus fur ce ton; enfin fi elle n'eft point généreufe feulement pour le paroître, et fi elle ne cherche point à en avoir l'honneur auprès de vous, fans en effuyer le danger. Elle eft dans une fituation où elle ne peut donner des louanges à la grandeur d'ame, qui ne foient des preuves presque fûres qu'elle vous trompe; et toutes les fois qu'en termes généraux elle vous anime à un amour fincère et desintéreffé, cela veut dire que le fien ne l'eft pas. Elle ne vous aime point, à moins qu'elle ne faffe de vrais efforts (2) pour vous bannir de fa vûe, et je croi qu'elle ne fauroit mieux marquer fon peu de tendreffe pour vous, qu'en vous époufant. Je vous plains, mon pauvre Cousin, d'avoir à vous précautionner contre une Perfonne que vous aimez; mais quand il ne feroit question que d'amour, la délicateffe feule vous engageroit à étudier avec foin les maniéres que l'on a avec vous, et outre cela, il eft queftion de votre fortune, qui eft une fort bonne raison pour Vous faire redoubler votre délicateffe.

A

(1) fi elle ne coule point fur cela légérement, ob sie nicht leicht darüber hin wischt.

(2) à moins qu'elle ne faffe de vrais efforts, wenn sie nicht wenigstens aufrichtig sich bemühet.

A MONSIEUR

DU MOULIN

Gentilhomme ordinaire de Monfieur.

Coftar lui découvre la conduite qu'il doit tenir envers les Grands.

Jotre prudence et votre modération font, Monfieur, des qualités qui contribueront à votre bonheur; pourvûque cette prudence ne foit, ni honteufe, ni ti mide; et que votre modération ait une ardeur réglée, et ne foit ni lente, ni paréfleufe. Le proverbe dit, Ceft affez demander que de bien fervir. Ce fentiment feroit vrai, fi les Grands étoient juftes, ou fi les effrontés et les importuns leur laiffoient la liberté de difpenfer leurs graces felon leur inclination et leurs intérêts. Mais comme cela n'eft pas, il eft à propos de ramener dans le droit chemin leur libéralité qui s'egare; et de les avertir aux occafions de nous donner les moyens de fubfifter en les fervant.Ces avis leur font néceffaires ; et ils nous doivent favoir bon gré de les leur donner.

Vous

n'aurez pas oublié le mot d'un Philofophe, à Periclès, qui ne faifoit rien que par fes confeils, et qui ne fe fouvenoit point de foulager fon extrême pauvreté, Qui a befoin de la lumière de la lampe, doit prendre foin d'y mettre de l'huile. Cette parole fauva la vie au Philofophe, qui feroit mort de faim, et l'honneur à Periclès, qui alloit noircir fa vie, d'une tache que le nombre de fes victoires, ni la fageffe de fon administration n'euffent pû effacer. Le Cardinal Ximenes qui gouverna la Caftille avec une autorité ap-' prochante de la fouveraine, affectoit de ne pas donner les biens et les dignités de l'Eglife à ceux qui les luž demandoient: et cependant il ne fongeoit point à l'avancement de l'un de fes Aumôniers, homme de mérite, et qui fans l'avoir jamais importuné avoit paffé auprès de fa perfonne, fes plus belles années. Cet Aumônier ayant avis d'un Bénéfice qui vaquoit, et qui fe trouvoit à la bienféance, (1) s'avifa de dire à fon Maître :

(1) qui se trouvoit à fabienséance, welches ihm bequem war.

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