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mander de faire changer les vêtements des malades, ou au moins de les faire nettoyer, lessiver et passer au soufre.

Je terminerai l'histoire de la phthiriase par une observation fort remarquable que j'ai citée plusieurs fois dans cet article.

B..., âgé de trente-huit ans, né de parents misérables, a joui d'une excellente santé jusqu'en 1842, où il fut pris de douleurs rhumatismales de peu de durée. Peu de temps après, quoique père de huit enfants, il se livre à la vie la plus déréglée, passant les nuits dans les bois voisins du village qu'il habitait, vivant de pain noir et de légumes crus qu'il pouvait dérober, ayant d'ailleurs des rapports avec toutes les ouvrières d'une blanchisserie voisine, alors qu'elles le suivaient de gré ou de force. - Écoulement urethral et chancre. Peu après, développement de petits boutons pleins d'eau entre les doigts, se multipliant d'une manière successive aux poignets, au pli des membres et causant de la démangeaison: c'était la gale. Entré à l'hôpital de Bernay. Le médecin s'occupe d'abord du traitement de la blennorrhagie et des chancres. Un jour, après avoir pris une potion nouvelle, que le malade a considérée comme étant plus énergique que de coutume, l'écoulement diminua tout à coup, ainsi que le gonflement du prépuce; mais en même temps il fut pris d'un malaise général avec céphalalgie intense...; puis, tout son corps devint le siége d'une démangeaison beaucoup plus vive que celle de la gale, et, dans l'espace de vingt-quatre heures, il aperçut à la peau des milliers de poux. Il n'en avait jamais eu auparavant. En vingt-quatre heures aussi disparurent tous les boutons de gale. Telle était alors son affreuse position qu'il se grattait jusqu'à s'excorier la peau; et, au lieu de sang, c'était une matière roussâtre et infecte qui s'écoulait. Cette matière, en se concrétant, donnait naissance à des croûtes hideuses. Sa chemise, imprégnée de l'humeur qui s'échappait, aurait pu, dit-il, tenir droit comme un pieu, après avoir été séchée. Les poux pullulant d'une manière effrayante, et la peau devenant de plus en plus malade, le médecin de Bernay l'engagea à se rendre à Paris pour être traité à l'hôpital Saint-Louis. Il y arriva après vingt jours de marche, mendiant de ferme en ferme la nourriture et le coucher.

Le 2 janvier 1843, je le reçus dans mon service.

Il était à peine dans son lit, que dejà draps, rideaux, meubles voisins, étaient envahis par des milliers de poux; il fallut l'isoler, l'entourer d'alèses que l'on étendit sur le sol, et les renouveler souvent.

Ses cheveux, longs et touffus, étaient agglutinés entre eux par une matière collante et humide qui suintait de sa tête. Sur les mèches de ses cheveux agglutinés et dans leurs intervalles, on découvrait des fourmilières d'insectes dans un mouvement continuel. La face antérieure de son cou présentait une large excoriation rouge, sécrétante, infecte et brûlante. Derrière chacune de

ses oreilles, dans les plis des ailes du nez, dans celui qui sépare le menton de la lèvre inférieure, suintait avec cuisson une humeur collante et d'une odeur repoussante. Les sourcils étaient tombés; à leur place un produit furfuracé grisâtre garnissait l'arcade orbitaire. Les bords libres des paupières étaient très rouges, chroniquement enflammés et presque entièrement dépouillés de leurs cils.

Il faut avoir vu cette hideuse figure aux yeux chassieux et enfoncés dans les orbites, aux pommettes saillantes, aux joues creuses, incessamment parcourue par des milliers de poux, et surmontée de la coiffure animée et mouvante que j'ai décrite, pour s'en faire une idée exacte.

Le sujet était dévoré par une faim vorace; mais il n'avait pu jusqu'ici que très difficilement la satisfaire, et de plus il était absolument privé de sommeil. Ainsi s'explique sa maigreur.

L'aspect du reste de son corps n'était pas moins remarquable.

Sur les différentes faces du tronc et des membres étaient disséminées de nombreuses plaques élevées au-dessus du niveau des intervalles de peau restée saine. Ces plaques, de formes irrégulières, de dimensions très variables (de 2 à 6 ou 7 centimètres de diamètre), étaient isolées ou se touchaient et se confondaient par leurs bords. Elles étaient brunâtres ou violacées, ridées, rugueuses et recouvertes d'un produit squameux peu abondant. Leur ensemble si considérable donnait une apparence zébrée ou tigrée à la surface du corps du malade. De distance en distance on voyait de petites élevures rosées ou plutôt d'une teinte spéciale, sous forme de petits boutons isolés ou plus on moins rapprochés, présentant à leur sommet et à leur circonférence de petites lamelles épidermiques.

Sur ces plaques et dans leurs intervalles, des insectes parasites circulaient en foule. Je n'ai pas vu que les poux qui se promenaient sur le tronc fussent différents de ceux qui fourmillaient sur le cuir chevelu.

Mais ce que j'oubliais de mentionner, ce sont d'autres plaques humides et croûteuses (véritables tumeurs), entremêlées aux précédentes, sur toute la surface du corps, en nombre considérable, et qui constituaient de véritables nids à poux. C'étaient ces plaques qui fournissaient l'humeur sanieuse et infecte qui empesait la chemise du malade au point, comme il le disait énergiquement, qu'elle aurait pu se tenir droit comme un pieu.

Je me gardai bien de débarrasser rapidement cet homme des innombrables poux qui le dévoraient; je permis cependant, dès les premiers jours, qu'on lui donnât quelques bains alcalins, et peu à peu, mais peu à peu seulement, qu'on coupât les cheveux : d'abord le quart de leur longueur, puis la moitié, puis les trois quarts, puis presque ras.

Lorsque les cheveux furent en grande partie coupés, ou put voir, sur différents points du cuir chevelu, mais principalement à la région occipitale, de petites tumeurs arrondies, sortes de végétations qui servaient comme de centres, de quartiers généraux aux légions pouilleuses qui habitaient la tête.

Quand le nombre des poux fut considérablement diminué par ces soins très simples, on s'occupa de leur destruction définitive; mais on y procéda lentement et par portions. La pommade employée à cet effet fut d'abord de l'axonge fraîche. Puis on la rendit alcaline, et elle fut alors composée ainsi qu'il suit axonge, 30 grammes; carbonate de potasse, 2 grammes; plus tard encore on porta la dose de carbonate de potasse à 4 grammes.

Les excoriations étaient pansées simplement; le malade commença alors à goûter un peu de repos; son appétit continuait à être bon.

A mesure que les poux étaient détruits, les végétations du cuir chevelu s'affaissaient, le suintement des excoriations diminuait. On ne négligea pas de dériver sur le tube digestif par des purgatifs, et en même temps on fit pratiquer une saignée pour dissiper une congestion encéphalique qui menaçait. Ainsi s'améliorait chaque jour l'état du malade; mais en même temps son appétit diminuait. Ce ne fut que dans le commencement de février que l'affection pédiculaire fut entièrement enrayée.

A peine avait-elle disparu, qu'on vit de grosses pustules apparaître avec un prurit considérable, entre les doigts, sur le dos des mains, et sur les faces antérieures des poignets, ainsi que des boutons vésiculeux au pli des bras, aux jarrets, sur le ventre. Il n'y avait pas de doute que ce ne fut une gale pustuleuse. La pommade d'Helmerich, aidée de bains sulfureux, en fit justice au bout de quelques jours.

Durant le traitement de cette gale secondaire, le malade fut pris de douleurs rhumatismales semblables à celles qu'il avait éprouvées au commencement de 1841, et probablement cette fois par suite de refroidissement au sortir des bains sulfureux; elles ne furent pas très vives, mais résistèrent avec opiniâtreté anx bains de vapeur dirigés contre elles.

Cependant les plaques squameuses de la peau, que nous reconnûmes alors pour être de nature syphilitique, n'étaient modifiées qu'en ce sens qu'elles étaient maintenant dépouillées de leurs squames.

Vers le milieu de mars, d'autres symptômes secondaires de vérole, bientôt accompagnés de symptômes tertiaires, éclatèrent avec une extrême violence. Les tibias, en particulier, devinrent le siége de douleurs intolérables, aussi vives, du reste, le jour que la nuit. On sentait ces os très notablement et très irrégulièrement gonflés sous les doigts qui les exploraient.

Des pustules plates furent constatées au pourtour de l'anus, et bientôt une magnifique végétation, d'aspect granuleux et humide, se développa dans le sillon mento-labial.

On commença alors le traitement antisyphilitique. Il y avait à peine quelques jours qu'il était commencé, que, sur les faces antérieures et latérales de chaque jambe, on vit une tache ecchymotique noirâtre apparaître et lentement s'étendre, pour recouvrir enfin presque toute la hauteur des deux jambes. En même temps les gencives se ramollissaient, les dents s'ébranlaient dans

lenrs alvéoles, et une odeur infecte s'échappait de la cavité buccale. Il n'avait pas encore été administré de mercure.

Un scorbut des plus graves était donc venu compliquer l'état morbide déjà si complexe de notre malheureux patient.

Des citrons à sucer, les ferrugineux, les toniques, le vin de Collioure, arrêtèrent et guérirent cette affection.

Alors un traitement antisyphilitique put être entrepris, il avait pour base le mercure et l'iodure de potassium.

Il serait trop long de décrire toutes les phases décroissantes par lesquelles sont passés les différents symptômes de tous ces états morbides qui se confondaient. Ainsi, pour le scorbut, les différentes teintes des vastes ecchymoses développées aux jambes, l'état de plus en plus ferme des gencives, etc.; pour la vérole, l'affaissement progressif des syphilides dont la teinte s'est peu à peu modifiée, l'affaissement aussi, puis la disparition des végétations contre lesquelles, outre le traitement général, on employa des applications mercurielles locales.

Sans doute, la marche vers la guérison a été lente, puisque ce n'est que le 24 juillet que le malade a quitté l'hôpital, et qu'il en est sorti encore peu robuste ; mais il était parfaitement guéri de toutes ces affections successives.

Je passe ici beaucoup de détails sur le malade, que j'appelais l'homme des bois, ainsi que tous les divers traitements qu'il a subis. Cette observation, si intéressante sous tant de rapports, a été relatée dans son ensemble dans la thèse de l'un de mes élèves les plus distingués, M. le docteur Faget. Je ferai remarquer, en terminant, que ce malade est constamment resté couché et isolé des autres, qu'il n'a marché que durant la dernière quinzaine de son séjour à l'hôpital, et qu'il était placé dans mon service, où il n'existe jamais de galeux.

ACNE PUNCTATA. Nous avons décrit cette maladie en faisant l'histoire de l'acné; nous ne la rappelons ici que parce qu'on y a découvert la présence d'un insecte qui a de l'analogie avec celui de la gale. (Voy. Acné.)

NEUVIÈME GROUPE.

Maladies scrofuleuses de la peau.

Ce groupe ne comprend que deux maladies, le lupus et la scrofule de la peau, que nous appelons scrofulide. Inutile de justifier ce rapprochement, qui a sa source dans les analogies morbides de ces

diverses affections. Toutefois nous devons expliquer notre pensée par rapport à ce que nous entendons par scrofule et scrofulide de la peau. Par la dénomination de scrofules de la peau nous comprenons toutes les formes morbides cutanées de nature essentiellement scrofuleuse. Ainsi un eczéma peut exister comme maladie indépendante du tempérament et de la constitution; il surviendra, par exemple, à un âge où ces deux espèces de causes n'exercent plus leur influence. Mais si au contraire il se manifeste dans la jeunesse, qu'il affecte certaines parties du corps, notamment le cuir chevelu et les oreilles et qu'il est une physionomie spéciale, il est alors essentiellement scrofuleux et l'on ne peut le guérir qu'à la condition de modifier la constitution. Ce que je dis de l'eczéma, je puis le dire de plusieurs autres maladies, comme l'impétigo, l'eczéma impétigineux, l'herpès, etc., qui constituent réellement autant de scrofules de la peau de formes variées; c'est à ces formes que nous consacrerons quelques détails d'ensemble, surtout à l'égard de la thérapeutique qu'elles réclament, et sans prétendre décrire pour cela la scrofule proprement dite, dont l'histoire comporte un autre ordre de phénomènes et donnerait lieu à un traité spécial. Quant aux scrofulides, ce sont des états moitié scrofuleux, moitié syphilitiques, le plus souvent héréditaires, et qui ont un cachet tout particulier que nous chercherons à rendre.

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Le lupus a été improprement rangé dans les maladies tuberculeuses par Bateman, et décrit dans cette catégorie par presque tous les autres dermatologistes qui l'ont suivi. Si cette classification est assez juste en ce qui concerne une de ses formes, elle ne l'est pas à l'égard de l'autre.

Le lupus est une affection scrofuleuse de la peau qui s'y manifeste par un engorgement très lent de ce tissu, amenant dans beaucoup

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