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VINGT-NEUVIÈME LEÇON

Formation du globe; les deux opinions de Buffon à ce sujet. Origine de la terre et des planètes; hypothèse de Buffon; hypothèse de Laplace.

J'ai exposé les idées de Descartes et celles de Leibnitz sur la formation du globe.

Avant d'arriver à Buffon, nous trouvons Burnet (1681), Woodward (1695) et Whiston (1708). Burnet, Woodward, Whiston, n'ont guère fait que des hypothèses plus ou moins sensées ou hasardées. Il faut reconnaître, toutefois, que la science doit à Woodward de bonnes observations; il fit surtout bien connaître l'action puissante de l'eau sur le globe.

Les idées touchant ce grand sujet n'étaient encore, pour ainsi dire, qu'à l'état de germe.

C'est Buffon qui va leur donner une véritable vie.

Buffon a eu, sur la formation du globe, deux opinions, ou plutôt deux théories très-diverses. Il a exposé l'une dans sa Théorie de la terre, l'autre dans ses Époques de la nature.

Dans le premier de ces deux travaux, Buffon attribue la formation du globe uniquement à l'action de l'eau : « Ce sont, dit-il, les eaux rassem<< blées dans la vaste étendue des mers qui, par le « mouvement continuel du flux et du reflux, ont << produit les montagnes, les vallées et les autres «< inégalités de la terre; ce sont les courants de « la mer qui ont creusé les vallons et élevé les << collines en leur donnant des directions corres<< pondantes; ce sont ces mêmes eaux de la mer « qui, en transportant les terres, les ont dispo«<sées les unes sur les autres en lits horizon« taux; et ce sont les eaux du ciel qui peu à peu « détruisent l'ouvrage de la mer, qui rabaissent «< continuellement la hauteur des montagnes, << qui comblent les vallées, les bouches des fleuves « et les golfes, et qui, ramenant tout au niveau, << rendront un jour cette terre à la mer qui « s'en emparera successivement, en laissant à « découvert de nouveaux continents entrecou

« pés de vallons et de montagnes, et tout sem<«< blables à ceux que nous habitons aujour« d'hui1. >>

Voici, selon Buffon, comment se fait une montagne la mer, dans le moment qu'elle est agitée par le flux, arrache de la côte des fragments de terre et de rochers. Parvenus dans des endroits où le mouvement de l'eau se trouve ralenti, ces fragments, obéissant aux lois de la pesanteur, se précipitent au fond de l'eau en forme de sédiment. Là ils forment une première couche; celle-ci est bientôt recouverte par une seconde, produite par la même cause; sur celles-là viennent se déposer successivement d'autres couches. Le dépôt, augmentant toujours, finit par former une montagne au milieu de la mer.

Cette manière commode de former les montagnes prêtait beaucoup aux objections. Deluc la combattit très-facilement. Ce sédiment déposé, que vous supposez apporté par le flot, disait Deluc, un autre flot le remportera; un flot défera ce que l'autre aura fait, et votre montagne ne se fera pas. Mais admettons un moment qu'une

1. T. I, p. 65.

montagne ait pu se produire de cette manière : elle sera seulement posée sur le sol. Or, les montagnes y ont des racines, et très-profondes. Autre difficulté formées dans la mer, les montagnes resteront toujours dans la mer; car comment en sortiraient-elles?

:

A son tour, Voltaire plaisanta. C'est à l'hypothèse de Buffon qu'il fait allusion quand il dit :

Et les mers des Chinois sont encore étonnées
D'avoir par leurs courants formé les Pyrénées.

Après trente ans de travail, et du travail le plus énergique, Buffon produisit enfin les Époques de la nature. Dans ce bel ouvrage, il saisit, il marque l'ordre des temps : le premier agent, dans l'ordre des temps, c'est le feu; le second agent, c'est l'eau. Une des plus admirables idées que la science ait conçues, la belle, la grande idée de la chronologie du globe est, pour la première fois, nettement posée.

Ici, ce n'est plus à l'action de l'eau, c'est à l'action du feu que Buffon rapporte la formation des montagnes. Sur une masse de métal fondu et commençant à se refroidir, il se forme des boursouflures, des rides, des aspérités. Ce sont ces

boursouflures, ces aspérités, ces rides, qui au moment où la matière ignée du globe prenait consistance, ont été les premières montagnes.

Je n'ai pas besoin de dire que ce n'est pas tout à fait ainsi que se sont passées les choses; car, à ce compte, toutes les montagnes auraient été formées en même temps, et cela n'est pas les montagnes ont eu des époques successives de formation. Toutefois, Buffon se rapprochait ici de la vérité. Le feu a eu plus de part que l'eau dans la formation des montagnes.

« Comparons, dit-il, les effets de la consolida« tion du globe de la terre en fusion à ce que « nous voyons arriver à une masse de métal ou « de verre fondu, lorsqu'elle commence à se re« froidir: il se forme à la surface de ces masses, « des trous, des ondes, des aspérités; et, au-des<< sous de la surface, il se fait des vides, des cavi«tés, des boursouflures, lesquels peuvent nous « représenter ici les premières inégalités qui se << sont trouvées sur la surface de la terre et les «< cavités de son intérieur; nous aurons dès lors « une idée du grand nombre de montagnes, de «< cavernes et d'anfractuosités qui se sont formées

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