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» une odeur délicieuse me le fit approcher davantage, » il se trouva près de mes lèvres; je tirais à longue in>> spiration le parfum et goûtais à longs traits les plaisirs » de l'odorat; j'étais intérieurement rempli de cet air »> embaumé, ma bouche s'ouvrit pour l'exhaler, elle se >> rouvrit pour en reprendre ; je sentis que je possédais » un odorat intérieur plus fin, plus délicat encore que >> le premier; enfin je goûtai (1)! » Il n'avait donc approché le fruit de ses yeux que pour le contempler, et c'est par hasard que la grappe se trouva près de ses lèvres heureuse rencontre, sans laquelle le père du genre humain fût mort d'inanition et n'eût pas laissé de postérité. Un enfant de six mois résout chaque jour sous nos yeux ce problème tous les objets qui lui tombent sous la main, il les porte naturellement à sa bouche, sans qu'on lui ait enseigné ce chemin ; si l'odeur ou la saveur de l'objet est appétitive, il cherche comme le jeune chevreau à exécuter le mouvement de déglutition; c'est par accident qu'il avale ce qui n'a pas excité son appétit.

Gall ne s'est pas expliqué sur l'organe de l'appétit. Spurzheim avait d'abord attribué aux nerfs le senti ment de la soif et de la faim (2); il l'a ensuite rapporté à un organe cérébral (3). Tout en reconnaissant que les animaux choisissent leur nourriture à l'aide de l'odorat et du goût (4), il fait observer que le choix des aliments ne dépend pas de la grosseur du nerf olfactif, et il en donne pour preuve la petitesse de ce nerf chez l'homme, qui est

(1) Buffon, Du sens du toucher.

(2) Obs., p. 139.

(3) Manuel, p. 26.

(4) Obs., p. 343.

un animal omnivore (1). Nous avons déjà remarqué que la mémoire, et par conséquent le jugement comparatif des odeurs et des saveurs, doit avoir un autre organe que la perception de ces objets; que probablement cet organe, qui doit être dans le cerveau, comme les organes de toutes les autres mémoires, se trouve voisin de l'organe du choix des aliments s'il ne le constitue pas tout entier. Les physiologistes ont placé le siège de l'appětit dans l'estomac : suivant Spurzheim, l'expérience démontre que l'appétit, en ce qui concerne le choix et le plaisir des aliments, est attaché à une circonvolution cérébrale, mais sans doute il n'aurait pas nié la réaction de l'estomac sur cet organe.

Nous reprocherons à cet auteur de n'avoir pas donné assez d'attention aux mouvements naturels que fait exécuter l'appétit. Il n'en a mentionné qu'un seul : c'est le mouvement de destruction ou le déchirement de la proie, et encore l'attribue-t-il à un organe particulier qu'il appelle destructivité. Mais si le mouvement de destruction n'est pas regarde comme la réaction de l'appétit sur la force motrice, il faudra aussi rapporter le mouvement d'adduction, de trituration, de déglutition à l'adductivité, à la triturativité, etc. En forgeant ces mots, je n'ai pas l'intention de combattre la doctrine de Spurzheim par le ridicule de la terminologie, cette méthode étant aussi puissante contre la vérité que contre l'erreur; je veux seulement montrer que l'inutilité de tant de facultés spéciales s'étend à la faculté de destructivité, qui est absolument du même genre et que peut remplacer

(1) Obs., p. 250-1.

la force motrice dirigée, soit par l'instinct d'alimentation, soit par d'autres principes dont nous parlerons plus loin.

Le docteur Broussais ajoute avec raison au besoin d'alimentation celui de la respiration et de l'exonération (1). Ces actes sont complémentaires de la nutrition, et leur point de départ doit se trouver dans la faculté motrice déterminée par le besoin d'alimentation.

C'est une question intéressante d'organologie que celle de savoir à quelle cause il faut attribuer la dépravation de l'appétit, telle que le goût des fruits verts, du plâtre, etc. MM. Vimont et Broussais sont d'accord pour rapporter cette dépravation à une prédominance de l'organe de l'alimentation (2). Il me semble que c'est l'altération et non la prédominance d'un organe qui doit en dénaturer les fonctions. N'oublions pas que les objets naturellement désagréables, lorsqu'ils n'inspirent pas une trop forte répugnance, finissent par devenir indifférents et quelquefois même par exciter un certain plaisir, et que cette dépravation n'est pas exclusivement particulière à l'appétit.

$ 6. Affections du toucher.

Une troisième affection du corps, ou affection que nous rapportons directement à telle ou telle partie de nos organes, est celle que nous cause la température, la

(1) Cours de phrén., p. 141.

(2) Vimont, Traité de phrén, t. 2, p. 174. Broussais, Cours de phrẻn., p. 233.

rudesse et le poli, affection à laquelle Gall et Spurzheim assignent le même organe qu'à la perception correspondante (1).

Mais comme la mémoire de ces phénomènes ne peut résider dans le même organe ou au moins dans la même partie de l'organe que la perception, il y a lieu d'examiner si l'affection correspondante n'a pas un siège séparé de ceux de la perception et de la mémoire, puisqu'elle ne les accompagne pas toujours.

Nous ne parlons pas ici du plaisir que nous cause la forme tangible régulière, parce que, pour la percevoir, le toucher a besoin d'être aidé de la mémoire, et que ce plaisir ne se localise pas dans l'organe.

$ 7. Instinct d'activité physique.

Il y a une affection agréable attachée au déploiement de la faculté motrice, plaisir qui, suivant la remarque de Thomas Reid, est surtout sensible dans l'enfance (2); c'est le mobile qui pousse l'enfant à s'agiter dès le maillot, et plus tard à saisir les objets, à les mouvoir, à faire effort pour se dresser, pour marcher, courir, monter, descendre, s'élancer, franchir, porter, frapper, détruire; c'est l'amour du pouvoir physique. Les peuples barbares, qui ont plus d'une analogie avec les enfants, se plaisent aussi dans l'exercice de la force motrice, et presque tous leurs jeux sont des luttes de vigueur ou d'adresse.

(1) Anat., t. 2, p. 231. Obs., p. 245.

(2) T. 6, p. 37.

Cet instinct d'activité physique avait été négligé par les premiers phrénologistes. Le docteur Broussais a réparé cette omission. « Si j'ose ici me citer, dit-il, j'avais, >> sans connaître les travaux de l'école d'Édimbourg, ad>>miş comme elle.... le besoin de l'activité musculaire, » l'impatience d'agir, parce que ce besoin me paraît im>> périeux chez les jeunes sujets (1). »

L'exercice trop prolongé de la force motrice finit par causer une peine spéciale connue sous le nom de fatigue, et la cessation du mouvement ou le repos devient à son tour un plaisir.

L'amour du combat, quand on l'isole du désir de vengeance (2), de l'amour de la gloire (3), du plaisir de la domination (4) n'est qu'un degré supérieur de la tendance à l'activité physique, un amour du pouvoir matériel.

L'expérience prouve que les enfants remuants, tapageurs, s'engagent volontiers dans les rixes, comme le jeune Duguesclin, dont la mère disait qu'il était toujours battant ou battu. Celui qui aime à dompter, battre, détruire, est poussé à ne pas s'inquiéter des coups qu'il peut recevoir, lorsque chez lui, d'ailleurs, les appréhensions naturelles ne sont pas très-vives (5); il est justement dans la condition la plus favorable au courage physique.

De même que, suivant la remarque de Spurzheim, l'habile direction de la faculté motrice ne dépend point de la grosseur et de la force des muscles, de même le plaisir du mouvement ou de l'action physique n'est pas

(1) Cours de phrén., p. 141.

(2) Voyez le présent ouvrage, même chap., § 3.

(3) Ibid., § 23.

(4) Ibid., § 22. (5) Ibid., § 14.

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