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sourcil (1) et surtout l'explication des phénomènes serait plus satisfaisante dans l'ordre psychologique.

$ 9. Appétit du sexe.

Le plaisir sexuel, ou l'appétit du sexe (2) doit être distingué de l'amour de cœur, parce qu'il ne fait pas acception de la personne, souffre la promiscuitė, ne nous attache que momentanément à son objet et dans la vue d'un plaisir corporel, comme la faim et la soif, et que, le besoin étant satisfait, l'objet devient indifférent.

Gall reconnaît ce principe sous le nom d'amour physique (3), mais il ne le distingue pas convenablement de l'amour de cœur ou de l'amour électif, dont nous parlerons plus loin.

Spurzheim change le nom d'amour physique en amativité, parce que ce penchant ne lui paraît pas plus matériel que l'amour de soi ou l'amour des enfants (4). Mais l'amour de soi ne s'applique pas à un objet matériel ; l'amour des enfants est un sentiment désintéressé, puisque nous les préférons à nous-mêmes. L'amour physique ou l'appétit du sexe, n'a pour objet qu'un plaisir corporel, quelquefois même sans affection pour la personne qui le fait goûter, à moins qu'il ne se complique du sentiment d'amitié ou de l'amour de cœur. Nous pensons avec

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Gall que l'expression d'amativité est tout à fait impropre pour exprimer le penchant dont il s'agit, et nous préférons au terme d'amour physique, employé par Gall lui-même, celui d'appétit du sexe, par lequel M. Jouffroy a traduit le mot de Reid, lust, qui ne se confond pas en anglais avec le mot love, amour de cœur.

M. Vimont, pour désigner ce principe de notre organisation, a cru devoir prendre le terme de penchant à la reproduction (1); mais il court risque de le faire confondre ainsi avec l'amour de la progéniture. L'amour sensuel ne voit rien au delà des sens, et ce n'est pas la reproduction qu'il cherche dans l'acte que lui agrée. Cependant, comme c'est dans un but de reproduction que la nature nous porte à cet acte, et qu'il y a le même rapport entre cet acte et la reproduction qu'entre l'adduction à la bouche et la nutrition, le titre adopté par M. Vimont peut se justifier, sinon dans l'ordre psychologique, au moins dans l'ordre ontologique.

L'appétit du sexe prédétermine, comme toutes les autres affections, les actes propres à le satisfaire; et le tourment de Daphnis et de Chloé n'a existé que dans l'imagination de Longus.

$ 10. Instinct d'appropriation.

Les philosophes écossais ont pensé que la propriété dérive de la prévoyance ou de l'amour du pouvoir (2). L'ambitieux peut en effet aimer la richesse comme

(1) Traité de phrén., t. 2, p. 230.

(2) Reid, t. 6, p. 363-5. D.-Stewart, Facultés actives, t. 1, p. 67.

un moyen de puissance, mais ce n'est pas là le lien qui attache l'avare à son trésor, ce dernier n'est sensible qu'au plaisir d'acquérir et de garder.

Gall reconnaît cette affection. Pour démontrer qu'elle n'est pas l'œuvre de la législation, il cite les animaux qui défendent contre tout agresseur le gîte qu'ils se sont choisi, le nid qu'ils ont dressé, l'habitation qu'ils ont construite. Certains oiseaux, des plus faibles comme des plus forts, le rossignol, le rouge-gorge et l'aigle défendent non seulement leur. habitation, mais une certaine région tout autour, qu'ils s'attribuent en propre et qu'ils interdisent aux autres oiseaux de leur espèce. Les abeilles combattent jusqu'à la mort pour leurs murailles de cire. L'auteur prouve que le penchant à l'appropriation ne vient pas du besoin, de l'ignorance, de l'improbité ou de l'irreligion par les exemples de Victor-Amédée Io, roi de Sardaigne, qui ne pouvait s'empêcher de dérober quelques objets de peu de prix, et d'un voleur repentant, qui, à l'article de la mort, fut surpris étendant la main pour voler la tabatière de son confesseur (1). Spurzheim reproduit tous ces exemples (2). Je regrette seulement de voir ce dernier donner comme preuve de l'esprit de propriété l'exemple du chien qui distingue la maison de son maître d'avec celle d'un étranger (3); car distinguer le lieu où se trouve son maître, ce n'est pas reconnaître que ce lieu lui appartient.

C'est se laisser duper par une métaphore, que d'attribuer le plagiat à un excès du penchant à l'acquisition (4).

(1) Anat., t. 3, p. 267-285.

(2) Obs., p. 178-9.

(3) Obs., p. 178.

(4) Obs., p. 181. Manuel, p. 38.

Ce penchant nous porte à nous emparer d'un lieu, d'une construction ou d'un objet mobilier; mais ce qui nous pousse à nous décorer de la gloire d'autrui, c'est la vanité ou l'envie. Il ne s'agit pas ici d'une appropriation matérielle; Spurzheim commet dans ce cas la faute qu'il a reprochée au docteur Gall, de mêler dans un même penchant le moral et le physique (1). Si, comme il le fait judicieusement remarquer, ce n'est pas la même facultě qui nous porte à nous enorgueillir et à monter sur les lieux élevés, ce n'est pas non plus la même tendance qui nous fait ramasser les objets matériels et ravir la gloire d'autrui. Il n'y a ici de commun que le mot prendre, qui exprime, d'un côté une installation de notre corps en un lieu, une main mise sur des objets tangibles, et de l'autre un désir d'estime, une affectation d'un mérite qui n'est pas le nôtre; et certainement il n'y a pas plus de différence entre l'orgueil et l'habitation des montagnes.

Après avoir pris des exemples de l'instinct d'appropriation chez les animaux qui entassent sans raisonnement et chez les hommes qui volent par besoin presque machinal, il était inutile de chercher à expliquer notre goût pour la propriété par la notion du respect dû au travail. Spurzheim s'exprime ainsi : « Une troupe de >> chamois qui s'est établie sur une montagne en chasse >> les autres. L'homme éprouve également ce penchant. >> Supposons deux personnes qui vivent dans une forêt, >> l'une ramasse des fruits sauvages pendant l'automne, >> l'autre se promène et ne fait pas de provisions; mais >> pendant l'hiver, la seconde veut partager les fruits

(1) Obs., p. 147.

» que la première a cueillis celle-ci ne sentira-t-elle » pas que les fruits lui appartiennent, parce qu'elle » s'est donné la peine de les ramasser (1)? » Si nous n'aimons à conserver notre propriété que parce que nous nous sommes donné la peine de l'acquérir, par quelle tendance l'avons-nous d'abord acquise? l'amour de la propriété précède et détermine l'acquisition, ce n'est pas l'acquisition qui détermine l'amour de la propriété. Si la troupe de chamois n'était pas prédisposée à s'approprier la montagne, ils ne la possèderaient jamais, et ils n'auraient pas l'occasion d'en exclure les autres animaux de leur espèce. Ce n'est donc pas parce qu'ils se sont donné la peine de l'acquérir qu'ils se l'approprient, c'est parce qu'ils ont voulu se l'approprier qu'ils ont pris la peine de l'acquérir, et encore cette peine n'a-t-elle pas été bien grande s'ils ont été les premiers occupants. Dans l'histoire des deux hommes de la forêt, il n'y a pas trace de l'instinct de propriété l'un des deux fait des provisions parce qu'il prévoit l'hiver; il n'acquiert pas pour acquérir, il raisonne son acquisition. Ce qu'il défend contre l'agresseur, c'est bien plus qu'une accumulation instinctive, c'est le fruit d'un travail raisonné et entrepris pour lui seul. Réduire l'instinct d'appropriation aux fruits de notre travail, c'est effacer tous les exemples des animaux qui s'emparent d'un gîte, sans travail, et le défendent comme s'ils y avaient travaillé, et des hommes qui poussent la manie de la propriété jusqu'au vol; enfin, c'est ne pas tenir compte du penchant qui nous porte à nous emparer des matériaux avant d'y appliquer notre travail.

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