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ACTE CINQUIÈME.

SCÈNE PREMIÈRE.

Antoine et Octave sont campés dans les plaines de Philippes; ils ont une entrevue avec Brutus et Cassius; mais tout s'y passe en injures, en menaces, en bravades sans aucun résultat.

Antoine et Octave se retirent avec leurs soldats, pour se préparer à la bataille.

Brutus et Cassius se font de nobles et mâles adieux, en allant prendre chacun le commandement d'une des ailes de l'armée républicaine.

SCÈNE SECONDE.

Le champ de bataille.

Brutus exhorte et anime ses troupes, et fait plier celles d'Octave.

SCÈNE TROISIÈME.

Cassius voit ses légions reculer devant celles d'Antoine; dans son désespoir, il ordonne à son esclave Pindarus de lui donner la mort.

A peine a-t-il expiré, qu'on accourt avec la nouvelle des succès de Brutus; on ne trouve qu'un cadavre, sur lequel Brutus lui-même vient arrêter un moment ses tristes regards, en continuant à donner avec une héroïque fermeté tous les ordres nécessaires pour la bataille.

SCÈNE QUATRIÈME.

La victoire se déclare pour les vengeurs de César. Le jeune Caton périt dans la mêlée : un ami de Brutus est pris, et Antoine commande qu'on le traite avec toutes sortes d'égards.

SCÈNE CINQUIÈME.

Les troupes de Brutus sont en fuite. Il demande à ceux qui lui restent encore fidelles de lui prêter leur bras pour l'aider à mourir; ils refusent tous. Un seul consent, vaincu par les prières du héros; et, en détournant le visage, il tient l'épée sur laquelle Brutus se précipite.

Octave et Antoine trouvent son corps privé de vie; et, rendant justice à ses vertus, ordonnent qu'il soit enseveli avec les honneurs dus à un Romain tel que lui.

L'action est double, comme on l'a vu, et ce défaut est d'autant plus sensible, que, l'intérêt des trois premiers actes reposant sur une conspiration très animée, les deux derniers ne font plus que languir et fatiguer l'imagination.

Plusieurs tragédies sur le même sujet semblent avoir précédé, en Angleterre, celle de Shakspeare, qui parut, dit-on, dans l'année 1607.

Cette pièce a été depuis retouchée, à différentes époques, par Davenant, Dryden, et le duc de Buckingham.

NOTES.

(A) Madame Amable Tastu, dont nous avons déjà cité, dans le premier volume de ces Essais, la belle pièce de vers intitulée Shakspeare, a su, en imitant cette scène, reproduire la chaste et poétique couleur dont Shakspeare l'avait empreinte.

BRUTUS.

Esclave! Lucius !... Il dort profondément !

Eh bien! de cette paix goûte l'enchantement !

Je ne troublerai point, quelque ennui qui me presse,
De ton jeune sommeil la salutaire ivresse.

Nos rêves inquiets, nos projets soucieux,
N'écartent pas encor ses douceurs de tes yeux;
Et de fantômes vains ton sein n'est point l'asile :
Aussi ta vie est calme, et ton repos facile;
Tu peux dormir !....

PORCIA entre.

Seigneur !

BRUTUS.

Porcia, vous ici?

A l'air froid du matin, par la brume épaissi,

Votre sexe doit-il exposer sa faiblesse ?

Rentrez.....

PORCIA.

N'espérez pas, Brutus, que je vous laisse
Vous livrer sans relâche au chagrin qui vous suit:
Je le vois, de mon lit il vous chasse la nuit ;

Le jour, il vous contraint d'abandonner la table ;
A toute heure, en tout lieu, sans cesse il vous accable;
De vos sombres pensers si j'interromps le cours,
Soudain vous imposez un frein à mes discours,
Et, d'un geste irrité, m'ordonnez le silence.
Je me tais. Cependant ma triste vigilance,
Épiant vos secrets dans vos yeux obscurcis,
Sans les interroger, partage vos soucis ;
T. II.

4

C'est en vain que le jour ou commence ou s'achève,
A votre sombre humeur je ne vois point de trève;
Et si vos traits, comme elle, étaient changés, Brutus,
Mes regards affligés ne vous connaîtraient plus.
Qu'avez-vous?

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Vous, malade! Et je vois votre tête exposée
Aux brouillards mal-faisants, à l'humide rosée !
Vous, malade, Brutus, quand vous bravez, sans peur,
Le corps demi-vêtu, cette impure vapeur!

Non, non, je le vois trop, le mal est dans votre ame:
Une part m'en est due, et mon cœur la réclame;
Donnez, donnez-la-moi: pour l'obtenir de vous "
Je saurai, s'il le faut, l'implorer à genous.
Au nom de ma beauté, que vantait l'Italie,
Au nom de vos serments, de ce you qui nous lie,
De mes titres sacrés, de ma tendre amitié,
Si ce n'est par amour, parlez-moi par pitié ;
Révélez vos secrets à celle qui vous aime ;

Parlez, que craignez-vous? C'est un autre vous-même.
Quels sont ceux qui chez vous ont pénétré sans bruit?
Ils semblaient redouter l'oeil même de la nuit,
Et de sombres manteaux me cachaient leur visage !

BRUTUS.

De grâce, levez-vous ; cessez un tel langage.

PORCIA.

Eh! pourquoi me forcer vous-même à l'employer?
Devrais-je être, Brutus, réduite à vous prier?

Si le sort à la vôtre a joint ma destinée,
Au plaisir de vos yeux il ne l'a point bornée;
Ou mon partage est-il, en ce commun lien,
De soutenir parfois un frivole entretien,
D'égayer vos repas, d'embellir votre couche ?
Dois-je enfin, étrangère à tout ce qui le touche
De Brutus seulement amuser les loisirs?

S'il ne me veut donner de part qu'à ses plaisirs,
S'il ne m'ouvre ses bras qu'en me fermant son ame
Je suis sa concubine, et ne suis point sa femme !

BRUTUS.

Vous êtes, Porcia, le premier de mes biens.

PORCIA.

Pourquoi donc vos secrets ne sont-ils pas les miens?
Votre prudence est-elle à ce point alarmée ?

Je suis femme, il est vrai, mais cette femme aimée,
Que le noble Brutus honora de son nom;
Je suis femme, il est vrai, mais fille de Caton!
M'osez-vous soupçonner d'un courage vulgaire,
Femme d'un tel époux, et fille d'un tel père ?
Un fer tranchant, qu'ici j'enfonçai de mes mains,
Est garant de ma force à garder vos desseins:
Si j'ai, sans le trahir par un lâche murmure,
Caché, dix jours entiers, ce fer dans ma blessure,
Douterez-vous encor, Brutus ? Me croirez-vous
Indigne de porter les secrets d'un époux ?

BRUTUS.

Vous, dieux! qui l'entendez, rendez-moi digne d'elle !
Oui, noble Porcia, bientôt ton sein fidelle

De ces tristes secrets va partager le poids ;

Apprends donc.... Mais quel est ce bruit confus de voix?
On vient.... Accorde-moi quelques moments encore.
Rentre; tu sauras tout!....

(B) Il n'est pas indifférent, peut-être, de voir les matériaux que, pour cette scène, l'histoire fournissait à Shakspeare: voici, à quelques détails près, le récit de Plutarque, dans la vie de Brutus.

Porcia ne voulait pas interroger son mari avant que de s'être éprouvée elle-même.... Elle se fait une profonde blessure à la cuisse. Le sang

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