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des phoques couchés sur ce lit de sombre verdure. Des oiseaux de mer aussi, s'arrêtaient fréquemment sur les pics dont il était hérissé. Mais la tempête le rendait invisible. Plus d'une fois le matelot y avait vu s'évanouir l'espoir et la joie du retour; et le port où il était près d'entrer, disparaissait tout-à-coup à ses yeux et pour jamais. Secondée par le génie, l'humanité entreprit de ravir à ces parages l'un de leurs plus redoutables écueils. En 1800, l'ingénieur Stevenson se chargea d'étudier la possibilité d'y construire un phare. En conséquence il s'y rendit au milieu de l'été. Les nombreux débris dont il le trouva jonché, stimulèrent son zèle. A peine revenu, ses plans et ses devis ne se firent pas attendre. Un premier bill, présenté à ce sujet trois ans après, fut rejeté la dépense intimida le Parlement. Trois autres années s'écoulèrent; et le projet fut accueilli. Les travaux commencèrent en 1807. Leur détail tient presque du prodige. On n'admit les ouvriers qui s'engageraient à passer un mois sans aller à terre. Une patache amarrée solidement et munie d'un réverbère leur servait d'asile; et des embarcations les menaient et les ramenaient, non le plus souvent sans risque de périr. Les communications avec la côte avaient

que

lieu

par un autre vaisseau. L'on s'occupa d'abord de fixer l'emplacement du phare. La surface fut déblayée des productions végétales qui l'embarrassaient, et la ligne des fondations tracée. Il n'était possible de travailler que deux ou trois heures à la plus basse mer. Les allées et les venues et une oisiveté forcée absorbaient la majeure partie du tems.

Cependant les opérations préliminaires étant terminées le 7 août, on sentit la nécessité de se procurer quelque abri momentané sur le rocher même; car une bourrasque pouvait faire dériver la patache : et alors que seraient devenus ses hôtes? Ce refuge nouveau fut presque aussitôt exécuté que conçu. Six poutres de cinquante pieds de long furent expédiées des chantiers d'Arbroath, où se préparaient tous les matériaux de la construction qui excitait alors autant d'enthousiasme que de curiosité. Dressées en forme de balise, elles servirent à clore un espace de trente et quelques pieds de diamètre. A leur base, elles étaient retenues par de fortes pièces de fer serrées avec des coins du même métal et de bois. Des boulons les tenaient unies dans le haut; et des cercles de fer en empêchaient l'écartement. Un jour la tempête entraîna la patache. Quel mo

ment d'angoisse douloureuse! Trente-deux hommes n'avaient que deux petites embarcations pour se sauver. Un tiers au moins devait périr; la cabane en charpente était achevée; mais elle ne pouvait rien contre la marée montante. Par bonheur une barque arriva, qui portait des dépêches à M. Stevenson : elle mit fin à la stupeur dans laquelle était plongé tout l'atelier d'où néanmoins aucune plainte ne s'éleva.

L'année suivante, et les chefs et les ouvriers avaient acquis plus d'expérience : les premiers abondaient en expédiens pour simplifier l'ouvrage, et les derniers l'exécutaient avec plus de dextérité. On augmenta le nombre des vaisseaux de service. A l'aide de tonneaux vides, quelquesuns furent préservés du danger de sombrer. On les pourvut tous d'ancres plus fortes et garnies de chaines. Des chemins à rainures reçurent les chariots de fonte qui portaient sur la plate-forme des fondations, les blocs tout taillés et numérotés, pour être adaptés les uns aux autres par des queues d'aronde, et par tous les autres moyens propres à n'en former qu'une masse compacte. La lecture, la musique, la pêche, d'autres distractions charmaient les longues heures de loisir, que troublait souvent le mal de mer auquel rien

ne pouvait remédier. Pour diminuer le retour de ses accès, une petite chambre fut superposée au refuge déjà construit sur le roc. Enfin tout étant préparé pour bâtir, la pose de la première pierre eut lieu le 10 juillet, et l'édifice commença à s'élever. Les plus vives acclamations accueillirent à leur retour, ceux qui avaient concouru à cette utile et courageuse entreprise.

L'an 1809 vit les travaux prendre un rapide accroissement. Bientôt les grues à balancier ordinaire devinrent inutiles : celles à contrepoids les remplacèrent. Le 22 août, vingt-deux assises étaient posées; le service divin fut célébré pour la première fois; et l'on congédia les ouvriers jusqu'à la campagne prochaine. A la fin du même mois de l'an 1810, la maçonnerie étant achevée, on s'occupa de la chambre du fanal, dont les gardiens entrèrent en possession dans le courant de décembre de la même année. Ce ne fut toutefois que le 10 février suivant que les feux s'allu

mèrent.

En voyant aujourd'hui cette belle colonne qui s'élance de l'océan, svelte, droite, fragile quand on la compare avec les tempêtes dont elle est assaillie, qui se douterait des efforts qu'elle a coûtés, et des dangers qu'il a fallu braver pour

la construire? Elle a environ cent pieds de hauteur, et à sa base quarante pieds de diamètre. Le revêtement extérieur est en granit, la maçonnerie en grès. Les murs, épais de sept à huit pieds dans le bas, n'ont guère plus de seize pouces sous la corniche. Un escalier en bronze mène du rocher à la porte d'entrée et fait partie du conducteur d'un paratonnerre. La dépense totale s'est élevée à seize cent trente mille francs. Indépendamment du logement des veilleurs, une pièce voûtée est destinée aux étrangers et renferme des livres. Au sommet brille l'étoile du salut. Là, des hommes vigilans se relaient pour indiquer le récif d'où ils sont chargés d'éloigner leurs semblables. Quelle vie cependant! Malgré les vicissitudes qui l'environnent, combien elle doit paraître monotone et triste, après les premières émotions que donne le spectacle d'une mer paisible, resplendissante des rayons du soleil, ou faiblement éclairée des pâles reflets de la lune! Trop souvent les orages viennent sans doute distraire ces utiles ermites. De quels affreux pressentimens ne les poursuivent-ils pas! Le navire qu'ils ont vu, à la chute du jour, battu par la tempête, luttant contre la fureur des vagues et des vents déchaînés, pourra

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