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combat perpétuel des lumières de la raison et des sentimens du cœur? Une éducation éclairée est, dans plusieurs pays dans plusieurs pays de l'Europe, le seul moyen de mettre un jeune philosophe à l'abri du découragement et de l'anxiété. Ce sont des tourmens auxquels n'échappe point un homme sensible, nourri d'erreurs dans son enfance, lorsqu'il vient à sonder les fondemens sur lesquels elles reposent. Bien plus, cette éducation est le seul moyen de garantir un tel homme, pendant le cours entier de sa vie, de cette espèce de scepticisme, qui est la suite inévitable de l'absence de tout système ou d'un système flottant, qui change selon l'état de notre santé, et quelquefois selon l'état de l'atmosphère.

Je finirai par une remarque de quelque importance. Dans tous les systèmes moraux et religieux, il y a beaucoup de vérités grandes et utiles. C'est au moyen de ces vérités que les erreurs qui y sont attachées s'emparent de notre croyance. Toutefois on observe que plus une religion est compliquée et chargée de cérémonies, plus ceux qui la professent ont de peine à en séparer les fausses opinions. et lorsqu'ils y parviennent ils sont plus exposés que d'autres au danger de sacrifier à la

fois leurs anciennes erreurs et les vérités auxquelles ils avoient appris à les associer*. Peutêtre aurai-je occasion, en traitant de l'association des idées, d'expliquer ce phénomène.

J'ai rassemblé ici tout ce qu'il m'a semblé utile de faire observer quant à présent, relativement à l'application de la philosophie à l'éducation. Je crains que quelques lecteurs ne trouvent, dans ce que j'ai dit à ce sujet, une teinte d'enthousiasme. Je ne prétends, point les occuper ici de ma justification à cet égard. Je n'ignore pas le penchant qu'ont les hommes, moins occupés de pratique que de spéculation, à s'exagérer les effets de l'éducation; et à concevoir de trop hautes espérances des progrès de l'espèce humaine. Je sais qu'il y a des hommes doués d'assez de force pour vaincre leurs habitudes et en prévenir les pernicieux effets. Mais je sais aussi que ces hommes sont rares; et que le très-grand nombre suit, pendant tout le cours de la vie, la route tracée par les circonstances, par la situation où chacun se trouve placé, par l'instruction qu'on a reçue, par les exemples qu'on a eus sous les yeux.

* L'auteur en donne un exemple que je supprime. Il est tiré de la comparaison de deux sectes chrétiennes. P. P. p.

PARTIE II.

SECTION II.

Continuation du même sujet.

Les remarques que nous avons faites jus

qu'ici, sur l'utilité de la philosophie de l'esprit humain, sont d'une nature fort générale, et s'appliquent également à toutes sortes de personnes. Mais indépendamment de ces avantages qui s'offrent les premiers à notre contemplation, cette étude en a d'autres, qui bien que moins frappans, ne laissent pas d'être d'une grande importance pour tous les individus de certaines classes. C'est un sujet que je ne me propose pas de traiter à fond: je me bornerai, dans cette section, à quelques observations détachées.

J'ai déjà fait mention, en termes généraux, des rapports qui unissent les différentes branches de la science à la philosophie de l'esprit humain. En conséquence de cette liaison, non-seulement la philosophie de l'esprit humain doit exciter la curiosité des hommes studieux, mais lorsque cette science

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fera des progrès, elle ne peut manquer de réfléchir de la lumière sur les autres, en apprenant à ceux qui les cultivent à bien diriger leurs recherches, quelle que soit la nature du sujet dont ils s'occupent.

Pour sentir la vérité de cette remarque, il suffit de se rappeler que c'est à la philosophie de l'esprit humain que se rapportent toutes les recherches relatives à la division et à la classification des objets de nos connoissances,

ainsi

que les diverses règles sur la recherche et la communication de la vérité. Ces points de vue généraux de la science, et toutes ces règles de méthode, sont le véritable objet d'une logique raisonnable et utile. Ce sujet est incontestablement d'une grande importance; et on y a fait jusqu'ici moins de progrès qu'on ne le croit communément.

Je tâcherai de faire voir en peu de mots quelques-uns des avantages qui pourroient résulter d'un système de logique, entrepris et exécuté sur ce plan.

I. Et d'abord, on voit aisément qu'il seroit fort utile à toutes les sciences (aux unes plus, aux autres moins), de donner une idée nette, fixe et précise des objets qu'elles offrent à notre recherche. Quelle fut la cause qui

contribua le plus à égarer les anciens dans leurs recherches en physique? N'étoit-ce pas l'incertitude, la fluctuation et la confusion de leurs idées sur l'espèce de vérités que le physicien doit s'efforcer de découvrir? C'est par l'influence de cette cause qu'ils négligèrent d'étudier les phénomènes les plus apparens et les lois les plus immuables du mouvement des corps, qu'ils se livrèrent à des conjectures téméraires sur la cause efficiente du mouvement, et sur la nature des esprits, par lesquels ils supposoient que les particules de la matière étoient animées; qu'ils mêlèrent en un mot si souvent l'histoire des faits avec les spéculations métaphysiques. Dans l'état actuel de la science, nous ne sommes pas exposés à commettre en physique de pareilles méprises. Mais il seroit difficile de nommer aucune autre branche des connoissances humaines, qui en soit entièrement exempte. En métaphysique, on pourroit presque dire qu'elles se retrouvent constamment dans les questions sur lesquelles roulent nos controverses. Par exemple, dans cette question, qui a fait l'objet de longues et célèbres disputes, où il s'agissoit de l'explication des phénomènes de la perception par

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