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CHAPITRE V.

PARTIE II.

DE L'INFLUENCE DE L'ASSOCIATION des IDÉES SUR NOS FACULTÉS INTELLEC

TUELLES ET SUR NOS FACULTÉS ACTIVEs.

SECTION I

De l'influence des associations d'idées accidentelles ou fortuites sur nos opinions spéculatives.

L'ASSOCIATION

'ASSOCIATION des idées agit sur nos opinions spéculatives, et les égare de plusieurs manières.

Premièrement en nous faisant confondre des choses distinctes, ce qui jette le trouble dans tous les raisonnemens relatifs à ces choses-là.

Secondement en nous faisant faire de fausses applications de ce principe de prévoyance qui juge de l'avenir par le passé, qui est la base de toute expérience, et sans lequel nous ne saurions faire un pas dans la carrière de la vie.

Troisièmement

Troisièmement en liant entr'elles dans notre esprit des opinions erronées avec des vérités certaines, et dont l'importance nous frappe.

Ces remarques développées jetteront du jour sur l'origine de divers préjugés, et suggéreront peut-être quelques vues pratiques sur l'art de diriger nos facultés intellectuelles.

I. Il se forme souvent, comme je l'ai fait voir ci-dessus, une association très-intime. entre deux idées, qui n'ont entr'elles aucune liaison nécessaire. L'une des plus remarquables est celle qui est universellement établie entre la notion de couleur et celle d'étendue. Le premier de ces mots, dans son acception la plus fréquente, exprime une sensation intérieure, l'autre désigne une qualité qui appartient à un objet externe. Il n'y a donc pas plus de liaison entre ces deux idées qu'entre celles de douleur et de solidité (1). Cependant comme la perception. de l'étendue est toujours excitée lorsque la sensation de la couleur nous affecte, il nous est impossible de penser à cette sensation sans y associer l'idée d'étendue.

(1) Voyez la note P.

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Il y a une association de même genre, formée dans tous les esprits, entre les idées de temps et d'espace. Nous nous représentons la durée sous l'emblême d'une ligne, et nous transportons à l'une de ces quantités le langage qui est propre à l'autre. Un tems long, un tems court, sont dans toutes les langues des expressions aussi communes, et en apparence aussi justes, que celles de distance longue, ou de distance courte. En les employant, il ne nous semble pas même que nous usions de métaphore. L'analogie enfin nous paroît si parfaite, que Boscowich remarque, comme une chose singulière, que l'étendue ait trois dimensions, tandis que la durée n'en a qu'une.

Cette analogie se fonde sur une association d'idées. Et cette association dérive de l'habitude de mesurer l'une de ces quantités par l'autre. Le mouvement est la mesure du tems, et le mouvement se mesure par l'étendue. En deux heures l'aiguille d'une montre décrit un espace double de celui qu'elle décrit en une heure. Ainsi s'unissent intimement les idées de tems et d'espace; et nous nous habituons à leur appliquer les mêmes épithètes. Les mots long et court, avant et après, se disent de l'un et de l'autre.

Il en est de même de l'analogie qui nous paroît exister entre les tons successifs de la gamme, ou l'ordre des notes qu'on emploie dans la musique, et le rapport de situation qu'indiquent les mots haut et bas. Quelle que soit l'origine de cette association, il est certain qu'elle est accidentelle.

Ce qui le prouve, c'est que non-seulement elle n'est point commune à tous les siècles et à tous les peuples, mais qu'une association toute contraire a prévalu autrefois. Le Dr. Gregory remarque, dans la préface de son édition des œuvres d'Euclide, que les plus anciens auteurs grecs désignent les tons graves comme hauts, et les aigus comme bas, et que la manière de s'exprimer, à cet égard, qui est aujourd'hui universellement reçue, n'a été introduite qu'à une époque fort pos térieure (1).

Dans les cas que je viens de citer, l'habitude d'associer deux idées devient si forte; qu'il est impossible ensuite de rompre leur association, et qu'à l'instant où l'une s'offre à nous, l'autre se présente en même tems. Il seroit facile de multiplier les exemples de

(1) Voyez la note Q.

cette espèce de combinaison, en parcourant quelques sujets dont les métaphysiciens se sont beaucoup occupés. Mais peut-être les exemples de cette classe sont-ils moins frappans que les précédens. Ainsi la sensation excitée par les objets extérieurs se lie si intimement à la perception (ou connoissance immédiate) des qualités de ces objets, qu'il ne faut pas moins qu'une longue habitude de réflexion patiente et philosophique pour distinguer l'une de l'autre. Cette distinction est la base de tous les raisonnemens de Reid sur la perception. On ne peut les trouver clairs et satisfaisans, qu'à l'époque où l'on s'est rendu cette distinction familière. En général, les progrès dans la philosophie de l'esprit humain dépendent moins de la subtilité du raisonnement et de la fertilité de l'invention, que du soin de séparer et de distinguer par un jugement sévère les idées que la nature où l'habitude ont unies. Aussi cette étude est-elle très-propre à servir de préparation à toutes les recherches relatives à la morale ou à la conduite de la vie. Dans ces recherches on ne trouve pas des combinaisons d'idées accidentelles aussi intimes et aussi indissolubles que dans l'étude de l'es

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