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PARTIE I

De l'influence de l'association des idées sur la suite de nos pensées.

SECTION I.

Observations générales sur cette partie de notre constitution, et sur le langage des philosophes qui ont traité ce sujet.

Q

U'UNE pensée en suggère une autre ; que la vue d'un objet rappelle souvent à notre esprit des situations, des sentimens qui l'ont autrefois affecté ; c'est un fait connu de tout le monde, même de ceux qui se sont le moins appliqués à l'étude de l'esprit humain. Si nous suivons un chemin où nous avons autrefois passé avec un ami, les objets qui nous frappent nous rendent présens les détails de l'entretien que nous avons eu avec lui. Un point de vue nous retrace le sujet qui vint s'offrir à notre discussion. Les maisons, les campagnes, les rivières sont marquées par le souvenir des pensées qui nous occupoient en les voyant. La liaison qui s'établit entre les mots et les idées; celle qui unit les mots et les phrases

d'un discours que nous avons appris par cœur; celle des différentes notes d'une pièce de musique dans l'esprit de celui qui l'exécute de souvenir; nous offrent des exemples familiers, où se vérifie cette loi d'association, qui fait une partie essentielle de notre nature.

L'influence des objets sensibles pour rap peler les pensées et les sentimens est trèsfrappante. Lorsque le tems a effacé en quelque sorte l'impression qu'avoit faite sur nous la mort d'un ami; si nous entrons pour la première fois dans la maison qu'il avoit coutume d'habiter, comme cette impression se renouvelle tout-à-coup! Tout ce que nous voyons nous rappelle son image; son cabinet d'étude, la chaise où nous l'avons vu assis, retracent les doux momens que nous avons passés avec lui. Nous croirions violer les lois de l'amitié, manquer au respect dû à la mé→ moire de celui qui est l'objet de nos regrets, si, au milieu de ces monumens de nos plus chères affections, nous laissions notre esprit s'occuper de choses indifférentes et légères. Nous éprouvons quelque chose de semblable à la vue des lieux, auxquels nous sommes accoutumés d'associer de grands noms et de grands événemens. La vue de ces lieux éveille

bien plus vivement l'imagination que ne peut faire la simple pensée. De là vient que nous prenons plaisir à visiter les terres classiques, les retraites qui ont inspiré le génie des auteurs dont nous admirons les ouvrages, ou les champs qui ont servi de théâtre à des actions héroïques. Que sont les émotions que produit en nous la seule pensée, comparées à celles de la vue, losrqu'il s'agit, par exemple, de l'Italie et de ces ruines respectables qui rappellent de si grands souvenirs (1)?

(1) Quacunque ingredimur, in aliquam historiam vestigium ponimus, dit Cicéron en parlant d'Athènes. « Ой que nous allions, nous marchons sur un monu» ment consacré pár l'histoire. » L'auteur qui cite ce passage en note, emploie dans le texte les vers suivans qui expriment la même pensée appliquée aux monumens de l'art.

He drew th' inspiring breath of ancient arts,
And trod the sacred walks

Where, at each step, imagination burns.

C'est cette pensée qui excite les regrets d'un poëte sensible:

Hélas! je n'ai point vu ce séjour enchanté,

Ces beaux lieux où Virgile a tant de fois chanté ;
Mais, j'en jure et Virgile et ses accords sublimes,
Pirai, de l'Apennin je franchirai les cimes;
J'irai, plein de son nom, plein de ses vers sacrés,
·Les lire aux mêmes lieux qui les ont inspirés.

Le quatrième chant du poëme de l'Imagination

L'effet connu d'un chant particulier sur les régimens suisses, éloignés de leur pays (1), offre un exemple bien frappant du pouvoir qu'a la perception, ou l'impression faite sur les sens, d'éveiller les idées et les sentimens qui lui sont associés. Nombre de faits analogues ont dû s'offrir aux personnes douées de quelque sensibilité, dans le cours de la vie.

<< Pendant que nous étions à dîner, » dit le capitaine King, « dans cette misérable hutte, >> au bord de la rivière Awatska; accueillis

est presque entièrement destiné à développer ce sentiment. P. P. p.

(1) Si le fifre imprudent fait entendre ces airs
Si doux à son oreille, à son ame si chers,

C'en est fait, il répand d'involontaires larmes;
Ses cascades, ses rocs, ses sites pleins de charmes,
S'offrent à sa pensée; adieu, gloire, drapeaux!

Il vole à ses chalets, il vole à ses troupeaux.

« Dans les régimens suisses », dit le commentateur de ces vers, « qui sont au service des Puissances » étrangères, une chanson, un air, communé»ment appelé le ranz des vaches, que les laitières >> suisses chantent en allant à leurs pâturages, suffit » pour attendrir le soldat et l'entraîner à la déser

tion etc. Nous ignorons jusqu'à quel point ce qu'on rapporte à ce sujet peut avoir été exagéré; mais il y a sûrement un fond de vérité, qui suffit bien pour autoriser l'exemple. P. P..p.

» par un peuple, dont auparavant nous sa»vions à peine Pexistence, et à l'extrémité » de la partie habitable du globe; une cuiller

d'étain, unique et à moitié usée, attira »notre attention. En l'examinant nous vimes » au revers le poinçon portant le mot Lon» don (1). Je ne puis passer ce petit faît sous » silence; j'éprouve un mouvement de re» connoissance en songeant à toutes les idées » agréables, à toutes les espérances, à tous

les souvenirs, qu'excita en nous cette vue. >> Ceux qui ont senti les effets que produit » une longue absence et un grand éloigne» ment de leur terre natale, comprendront >> aisément le plaisir que peut faire un şi léger >> incident. >>

La différence qui a lieu entre l'effet d'une perception et celui d'une idée, pour éveiller les pensées et les sentimens associés, est fort bien indiquée dans ce passage de Cicéron (2). >> Nous résolumes de choisir l'Académie,

(1) Londres.

(2) Constituimus inter nos ut ambulationem posi meridianam conficeremus in Academia, maxime quod hic locus ab omni turba id temporis vacuus esset, Itaque ad tempus ad Pisonem omnes. Inde vario ser mone sex illa à Dipylo stadia confecimus. Cum autem

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