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» gretté souvent que l'usage ne fût » bli de n'exposer dans les livres, en ma»tière de raisonnement, que les prémisses » des argumens, en laissant chacun en li» berté d'en tirer par lui-même les conclu»sions. Cette méthode ne seroit peut-être » pas toujours praticable; mais il y a bien » des cas où elle feroit un très-bon effet.

» Le grand nombre de livres de pur amu»sement et de brochures ou de papiers de » toute espèce, qui paroissent journelle>>ment, sont en grande partie cause de cette » manière de lire paresseuse et superficielle. » Ils offrent un moyen de passer le tems >> même dans la solitude, sans avoir besoin » d'aucun effort d'attention. On peut dire » qu'il n'y a point d'heures plus complète›› ment vouées à la paresse, et où la pensée >> soit moins active, que la plupart de celles » que l'on consacre à la lecture. »

Si l'on adoptoit le plan d'études que j'ai tracé, on verroit beaucoup diminuer le nombre des livres à feuilleter, mais beaucoup s'accroître la masse des connoissances utiles. En nous rendant propres nos idées acquises, ce plan nous donneroit plus de facilité à les employer; sans insister sur l'a

vantage qu'il procureroit aux esprits naturellement inventifs, en les accoutumant à déployer toute leur activité et tous leurs moyens, en chaque sujet dont ils viendroient à s'occuper.

Rien ne tend plus à affoiblir les facultés inventives, et les facultés intellectuelles en général, que l'habitude de lire beaucoup et sur des sujets variés sans réflexion. Peu à peu l'activité et la force de l'intelligence s'altèrent faute d'en faire usage, souvent nos principes et nos opinions propres se perdent dans la multitude et la discordance de nos idées acquises.

En bornant notre ambition à poursuivre la vérité avec candeur et modestie, en contractant l'habitude d'apprécier les connoissances que nous acquérons par leur influence sur la sagesse et le bonheur, il pourra bien arriver peut-être que nous soyons forcés de renoncer aux applaudissemens passagers des dispensateurs de la renommée; mais nous devons nous tenir pour assurés, que cette méthode est la seule qui puisse nous faire faire des progrès réels dans nos études, et nous conduire enfin à quelques inventions utiles.

<<< Il faut du courage >> comme le remarque Helvétius, « pour se résoudre à ignorer >> des choses auxquelles tant de gens mettent >> du prix. » Mais ce courage est nécessaire à ceux qu'anime l'amour de la vérité, ou le désir d'acquérir une réputation solide et

durable.

SECTION VI

Continuation du même sujet. De la mémoire artificielle.

ON

On entend par mémoire artificielle, une

N

méthode au moyen de laquelle on lie dans son esprit des choses difficiles à retenir avec d'autres choses que l'on retient plus aisément, et cela dans le but de se rappeler les premières par les dernières. On a proposé à ce sujet des inventions très-variées; mais il me semble que la définition que je viens de donner s'applique à toutes.

Il y a des mémoires artificielles, dont le but est d'aider les facultés intellectuelles, dans quelque occasion particulière, où l'on a besoin de faire des efforts de rappel volontaire plus grands que de coutume; d'aider,

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par exemple, un orateur à se rappeler l'ordre et la suite de son discours. On a imaginé d'autres mémoires artificielles pour nous mettre en état d'étendre le cercle de nos connoissances acquises, et de nous donner plus de facilité à en disposer à notre gré.

La mémoire topique, que les anciens rhéteurs ont tant vantée, est de la première espèce.

J'ai remarqué ailleurs la puissance, qu'ont les objets sensibles, de rappeler à l'esprit les idées qui l'ont occupé au moment où ces objets l'ont frappé. Souvent en faisant route, ce que nous voyons le long du chemin nous rappelle les sujets auxquels nous pensions ou dont nous parlions, en passant dans les mêmes lieux et en observant les mêmes sites. Ces faits familiers, et que tout le monde connoît, ont dû naturellement suggérer l'idée d'aider la mémoire, en liant les idées que nous avons à cœur de retenir avec certains objets sensibles, du nombre de ceux que nous savons, par expérience, être propres å faire sur l'esprit une impression durable (1).

(1) Cum in loca aliqua post tempus reversi sumus, non ipsa agnoscimus tantum, sed etiam quæ in his fe

J'ai ouï parler d'une femme du peuple, qui avoit inventé une méthode pour graver dans son souvenir les sermons auxquels elle assistoit. Cette méthode consistoit à fixer son attention, à chaque chef du discours, sur un différent compartiment du plafond ou de la voûte de l'église. Il résultoit de là que lorsqu'elle promenoit ensuite ses regards sur cette voûte, ou seulement lorsqu'elle se rappeloit l'ordre des compartimens qu'elle y avoit remarqués, elle se souvenoit en même tems de l'ordre de tractation qu'avoit suivi le prédicateur. Cet artifice ressemble parfaitement à la mémoire topique des anciens. Et celle-ci, de quelque manière qu'on la juge sous le point de vue de l'utilité, n'en est pas moins remarquable comme une invention très-ingénieuse.

Supposons que je fixe dans ma mémoire les différens appartemens d'un très-grand édifice, et que je m'accoutume à penser à ces appartemens en les parcourant toujours

cerimus reminiscimur, personæque subeunt, nonnunquam tacitæ quoque cogitationes in mentem revertuntur. Nata est igitur, ut in plerisque, ars ab experimento. QUINTIL. Inst. orat. lib. XI. cap. 2.

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