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chique se sont développés presque également. L'assemblée patricienne des curies a presque disparu; elle a perdu son droit de révision; les centuries ne se réunissent plus que pour la désignation des candidats au consulat et à la censure; la forme préférée est la plus égalitaire, celle par quartiers, dans laquelle la noblesse et les grands propriétaires ne jouissent de nul privilége. Déjà même, en 442, on constate une tentative pour y faire entrer les prolétaires. En même temps l'assemblée a étendu sa compétence; elle ne prononce plus uniquement sur la justice et l'opportunité des guerres offensives, elle discute aussi les traités de paix et les alliances, et elle juge souverainement les conflits de pouvoirs, assez fréquents depuis la multiplication des magistratures. Mais si son importance a grandi, sa valeur a diminué. Une assemblée délibérante composée de la totalité des citoyens ne peut fonctionner utilement que dans un État exigu, et Rome avait bien dépassé ses anciennes frontières. La bourgeoisie romaine n'était plus une commune, elle était déjà un empire. Les assemblées n'étaient jamais complètes, et leur composition n'offrait plus de garantie. Dans ces conditions nouvelles, elles devinrent facilement un instrument entre les mains des meneurs, et l'oligarchie régnante ayant réussi à annuler pour longtemps le tribunat par une sorte d'absorption morale1, le sénat fut l'unique pouvoir de l'État, à la fois législatif et exécutif, car il disposait aussi bien des magistrats que de l'assemblée populaire, et il réalisait en même temps ce que Rome a jamais connu du système représentatif. Les censeurs appelaient en effet de préférence au sénat d'anciens personnages consulaires, et les consuls étaient désignés par le peuple. On pouvait donc considérer le sénat comme une représentation au moins indirecte du peuple. « Il fut alors, dit M. Mommsen, la plus haute expression de » la nation, et par la conséquence, la sagesse politique, l'union, le › patriotisme, le pouvoir et la fermeté, le premier corps politique de > tous les temps. Par lui, le peuple romain a possédé, plus longtemps » qu'aucun autre peuple, le bienfait d'un sage et heureux self-govern»ment. » Éloge peut-être un peu absolu, car si la fermeté du sénat ne s'est point démentie dans les temps les plus difficiles, sa sagesse politique semble plus d'une fois en défaut, surtout dans les questions intérieures, toutes ajournées plutôt que résolues. En somme, la politique romaine reste ce que nous l'avons vue depuis le commencement, une politique d'expédients et de pur empirisme. Un seul caractère la

' Les tribuns, admis jusque-là seulement au vestibule du sénat, obtinrent leur entrée complète.

TOME I.

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rend véritablement grande, son invincible persistance, résultat de la nouvelle forme du gouvernement. Soustrait aux fluctuations des élections périodiques et en même temps aux risques des minorités et de la décrépitude, incessamment renouvelé et toujours semblable à luimême, le sénat romain a été immuable autant que peut l'être chose humaine. Ce n'étaient point des individus qui gouvernaient, c'était une pensée se transmettant de génération en génération. Là est le secret de la fortune de Rome. Les Romains ont eu des adversaires qui les valaient et même leur étaient supérieurs; ils ont eu souvent des généraux pitoyables; ils ont peut-être subi autant de défaites qu'ils ont remporté de victoires. Ils ont triomphé de tout et de tous par la persistance. Mais on doit convenir en même temps que la politique romaine n'a pas été aussi intelligente qu'elle a été forte et tenace. Nous ne parlons pas de la justice, dont la politique ancienne se souciait médiocrement; mais il y avait peu d'habileté dans la dure condition faite par les Romains à leurs anciens confédérés du Latium, et dans l'organisation de l'Italie soumise on cherche en vain un ensemble, un plan. Il y a des communes incorporées dans la cité romaine, d'autres alliées, d'autres sujettes, des communes jouissant des droits civils mais non des droits politiques, des communes tributaires et des communes non tributaires, etc. L'intérêt et l'irritation du moment font la loi des vaincus. Les administrations locales restent généralement indépen dantes, mais la justice est administrée par les Romains. En somme, l'Italie réunie sous la suprématie romaine après l'échec de Pyrrhus n'est ni une nation ni une confédération de nations, c'est un assemblage hétérogène maintenu par le ciment de l'énergie romaine.

La ville avait naturellement grandi et s'était transformée en même temps que l'État. Les maisons de bois avaient disparu, et le censeur Appius Claudius avait inauguré l'ère des grands travaux publics par la construction du premier aqueduc et de la première voie militaire. Les mœurs et les usages s'étaient également modifiés. Il y avait de l'argenterie sur les tables, et la monnaie d'argent avait succédé à la monnaie de cuivre, ce qui, dans l'allégorisme peu ingénieux de la mythologie latine, s'était traduit par l'avénement d'un dieu Argentinus, fils de l'ancien Æsculanus (dieu du cuivre). C'est la dernière création de l'esprit latin dans l'ordre religieux. En revanche, les divinités grecques gagnent du terrain, et leurs temples se multiplient. La radieuse Aphrodite vient se confondre avec Vénus, qui n'avait été jusque-là que la vulgaire

1 Les communes celtiques du nord de l'Italie.

déesse des jardins, et l'influence hellénique ne se borne pas à cette transformation de la mythologie nationale: une tribune d'honneur est dressée au Forum pour les Grecs de distinction, et plus spécialement pour les Massaliotes, et sur l'ordre d'Apollon Pythien des statues sont élevées à Pythagore et à Alcibiade, réunis d'une manière assez bizarre dans une commune vénération comme ayant été les plus éminents des Hellènes. L'instruction élémentaire comprend l'enseignement du grec et du latin les enfants apprennent le grec dans Homère et le latin dans les Douze Tables.

Les fêtes publiques ont pris un notable développement, surtout depuis que des magistrats spéciaux, les édiles curules, sont chargés de les organiser. Des représentations théâtrales, mais de l'ordre le plus infime, en sont maintenant le complément obligé. Sur des tréteaux ressemblant à ceux de nos foires, se produisent maintenant des saltimbanques, des jongleurs, et aussi des poëtes et des chanteurs ambulants. Chanteurs et poëtes sont sur le même rang, et les uns et les autres assimilés aux danseurs de corde. Ils sont hors la loi, soumis à l'arbitraire de la police et notés d'infamie. Aussi la poésie théâtrale est-elle entre les mains de la classe la plus infime et des étrangers. C'est entre les mêmes mains et avec des éléments étrangers que nous la verrons enfin faire quelque figure à la période suivante.

ARMAND VALLIER.

VOYAGE

DU PRINCE WALDEMAR DE PRUSSE

DANS L'HINDOUSTAN ET DANS L'HIMALAYA 1.

La relation de cet important voyage vient de paraître à Berlin. L'analyse et les extraits qui suivent en feront apprécier l'intérêt.

Parti de Berlin le 7 septembre 1844, le prince Waldemar de Prusse arrivait le 2 octobre à Alexandrie, après avoir séjourné à Corfou et à Athènes. Il visita le Caire et les Pyramides, s'achemina le 20 octobre à travers le désert, et s'embarqua à Suez pour Ceylan. De Ceylan, il se rendit à Madras, de Madras à Calcutta, et de Calcutta, par Patna, dans le Népaul.

L'Égypte, Ceylan, Madras et Calcutta, ont été l'objet de trop nombreuses descriptions pour qu'il soit nécessaire de s'y arrêter; mais nous entrerons avec le prince dans le Népaul, beaucoup moins connu, et même, quoique non complétement interdit aux étrangers, beaucoup moins accessible.

Le royaume de Népaul, resté indépendant des Anglais, s'étend sur le versant méridional de l'Himalaya2 sur une longueur d'environ deux

Extrait par J. G. Kustzner, professeur à Hirschberg, de la relation originale non livrée au public. Berlin, Decker, imprimeur du roi, 1857.

Le voyage du prince Waldemar eut lieu de 1844 à 1846. Le prince mourut en 1849. Une relation de son voyage fut rédigée à l'aide de son journal, de ses notes et de sa correspondance, sous les auspices de son frère, le prince Adalbert, et de ses sœurs, la princesse Élisabeth de Hesse et la reine Marie de Bavière, et sous la direction de M. de Humboldt, qui écrivit l'introduction. Mais cette magnifique et coûteuse édition ne fut pas livrée au commerce. Le volume que nous analysons et qui vient de paraître à Berlin, est une édition un peu remaniée et rendue accessible au public.

2 Proprement Hemalaya, lieu de la neige: hema, neige; alaya, lieu.

cent vingt lieues et une largeur de quarante. Il est limité par le Tibet, annexe de l'empire chinois, et par le royaume d'Oude, aujourd'hui possession immédiate mais insurgée de la Compagnie des Indes. Au point de vue du climat et de la vie organique, il se divise en trois zones, chacune large de douze à quatorze lieues, et à travers lesquelles le pays s'élève de la chaleur torride des plaines de l'Hindoustan jusqu'aux glaces de l'Himalaya. La division politique comporte quatre provinces: Doti, Palpa, Sariana et le Népaul proprement dit, où se trouve Katmandou, la capitale du royaume. La population appartient à plusieurs races trèsdistinctes, et parle au moins dix langues ou dialectes différents. Une seule de ces langues, celle des Khas ou Parbatiyas, qui, du treizième au quinzième siècle, pénétrèrent dans le Népaul par le sud, est hindoue; toutes les autres sont venues de l'autre côté de l'Himalaya. Les Khas, dont les Gorkhas', la race véritablement dominante, sont une subdivision, les Magars et les Gourans, ont seuls le privilége de porter les armes. Ils appartiennent au brahmanisme et parlent tous le parbatiya. Les Nevars, population plus ancienne dans le pays, très-heureusement douée, quoique méprisée des Gorkhas, professent une forme particulière et ésotérique du bouddhisme à la place des lamas, ils ont leurs prêtres particuliers, appelés bangras; ces prêtres portent la ceinture sacrée des brahmanes, mais sacrifient dans les temples de Bouddha, et ne repoussent aucune nourriture animale. Les bouddhistes du Népaul ont adopté une partie de la cosmogonie et de la chronologie des brahmanes; ils ont en vénération la trinité hindoue, les dieux Maha-Kala, Indra, Ganesa, Hanuman, et les déesses Lakschmi et Sarasvati, mais ils considèrent toutes ces divinités comme les serviteurs des Bouddhas. Padma-Pani créa, disent-ils, de l'un de ses yeux le soleil, de l'autre la lune; de son front, Mahadoura; de son dos, Brahma; de sa poitrine, Vischnou; de ses dents, Sarasvati; de sa bouche, Vayou; de son pied, Partewi; de son nombril, Varouna. Ensuite, il dit à Brahma : « Sois le maître de Satyayana, et crée; » à Vischnou: « Sois le maître de Radjagouna, et conserve; » à Mahesa : « Sois le maître de Tamagouna, et détruis. »

Les Nevars sont une race industrieuse; ils cultivent même, avec un succès relatif, les arts libéraux, l'architecture, la sculpture, la peinture. Ils abandonnent l'industrie du bétail et le commerce à leurs cousins, les Bhoutyas, ou Botyas en sanscrit, mais dans leur propre langue Bod-Po, c'est-à-dire originaires de Bod ou du Tibet. Ces derniers sont

' Les Gorkhas figurent comme auxiliaires des Anglais dans la guerre actuelle.

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