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il paye comptant, il veut être payé de même. C'est faute de bien apprécier cette condition, sine qua non, que les détaillants s'exposent à des retards dans l'envoi des volumes qu'ils réclament à Leipzig.

Disons un mot des branches accessoires de la librairie, qui ont aussi leurs éditeurs et leurs détaillants.

D'abord, la librairie artistique, qui s'occupe de la vente des gravures anciennes et modernes, des lithographies, des dessins et des tableaux. Dans les premiers temps de l'invention de la gravure, c'étaient les artistes qui débitaient eux-mêmes leurs productions. Plus tard, des spéculateurs s'entendirent avec eux, et colportèrent ces achats dans les foires, les marchés et les lieux de pèlerinage. Ainsi naquit ce commerce, dont l'importance ne date que de 1750, et qui, en Allemagne, a été puissamment encouragé par les sociétés artistiques, les expositions et les ventes publiques qui ont lieu en différents endroits et particulièrement à Leipzig.

Les musiciens, comme les artistes, commencèrent par débiter euxmêmes leurs compositions; mais bientôt les marchands de livres entreprirent ce commerce, qui forma ensuite une branche spéciale. Cependant on voit encore des maisons de librairie vendre de la musique. Ce n'est que depuis vingt-cinq ans que le commerce de la musique est organisé d'une façon régulière; auparavant, il procédait au hasard, sans ordre ni respect pour la propriété. La contrefaçon était dans ses habitudes normales; en 1830, une société se forma pour remédier à ces abus. Seize librairies musicales y adhérèrent. Les statuts furent approuvés en Saxe le 17 mai 1831, et en Prusse le 11 juillet 1837. Depuis lors, le secrétaire du comité à Leipzig publie chaque année un catalogue particulier pour les articles de musique, lequel est inséré dans le Bærsenblatt. A la foire de Pâques, les éditeurs de musique tiennent après les libraires une assemblée générale.

Le commerce des cartes géographiques est aussi pratiqué en grand par quelques maisons. Les cartes sont un besoin général aujourd'hui ; les progrès de la géographie, de l'astronomie, de l'histoire, les rendent nécessaires, et on les a beaucoup perfectionnées sous le rapport de l'exactitude mathématique et de la pureté du dessin. La vente de ces articles est exclusivement entre les mains des libraires détaillants.

« Faut-il espérer, se demande un écrivain spécial, M. Alb. Rottner, employé dans une des premières librairies de l'Allemagne (la maison Brockhaus), dont l'ouvrage technique1 nous a été fort utile pour

'Lehrbuch der Contorwissenschaft für den deutschen Buchhandel, herausgeg. von A. Rottner. Leipzig, 1855. In commis. bei Brockhaus, gr. in-8°.

notre travail, que le commerce de la librairie prospérera toujours, ou le temps de sa décadence est-il proche? La réponse à cette question dépend de l'avenir intellectuel et moral de l'Allemagne. La prospérité de ce commerce est liée aux intérêts les plus intimes du peuple germanique. Les libraires l'ont senti, et plusieurs n'ont pas épargné les sacrifices dans cette pensée. A son origine, le commerce de la librairie ne servait que la religion; dans la suite, il servit l'éducation de la jeunesse, le droit, la philosophie, la science. Si, dans les derniers temps, la littérature s'est mêlée de plus en plus à la vie pratique, - si le commerce y a gagné par là plus d'extension, — si l'esprit de spéculation s'est formé et développé, c'est une conséquence naturelle de la civilisation; mais il faut se mettre en garde contre ces tendances. La librairie doit servir la religion, le droit, la vérité, la liberté, la science, l'imagination; bref, toutes les forces saines et fécondes de l'esprit humain. Si nous abandonnons cette voie, si nous n'avons d'appétit que pour le gain, il faudra spéculer sur la crédulité, la faiblesse, la passion, peut-être même sur le vice; cette spéculation sera un avantage pour quelques-uns, mais ne sera pour la masse que honte et corruption! Que la librairie allemande seconde les généreux instincts de l'homme, et elle s'attirera la confiance et la considération des étrangers; elle subsistera et prospérera tant que subsistera et prospérera la patrie germanique! »

GUILLAUME DEPPING.

LA

FONDATION DE SCHILLER.

La fondation de Schiller est une institution qui se propose de venir en aide aux écrivains allemands nécessiteux, à leurs veuves et à leurs enfants. Nous recevons de l'un des membres du comité fondateur l'invitation de la faire connaître, et c'est pour nous un devoir d'y déférer avec empressement. La fondation mérite doublement qu'on parle d'elle, pour son objet, et pour le caractère particulier de son origine.

Elle est née, pour ainsi dire, spontanément, à Dresde, il y a trois ans, à l'occasion de la célébration du cinquantième anniversaire de la mort de Schiller'. Quelques jours auparavant, le 9 mai 1855, une note insérée dans la Gazette constitutionnelle de Saxe rappelait que c'était aux portes de Dresde, dans le petit village de Loschwitz, que Schiller avait composé le chef-d'œuvre de sa première époque, Don Carlos. La maison qu'il avait habitée subsistait; mais, faisait observer la Gazette constitutionnelle, « pas un signe extérieur, pas une inscription qui la » signale à la pieuse attention du voyageur. » Et elle indiquait le retour du funèbre anniversaire comme une occasion naturelle et convenable de réparer cet oubli. L'appel du journal rencontra une sympathie empressée. Des souscriptions affluèrent bien au delà de ce qui était nécessaire pour l'organisation d'une fête commémorative. Un marbrier fournit gratuitement le marbre de l'inscription, et la compagnie de navigation de l'Elbe offrit ses bâtiments pour le trajet du cortége et des spectateurs entre Dresde et Loschwitz. La fête, une véritable fête populaire, eut lieu le 10 mai, le lendemain de l'anniversaire. Mais déjà la Gazette constitutionnelle, encouragée par son premier succès, avait publié un nouvel appel « à tous les amis du grand poëte, à l'effet de

1 9 mars 1805.

» constituer, sous le nom de fondation de Schiller, une caisse pour l'as>>sistance des veuves et des enfants des écrivains pauvres. Qu'on se rap» pelle, disait-elle, les circonstances de la mort de Schiller. Ses amis » durent se cotiser pour subvenir aux frais de ses obsèques. N'y a-t-il » pas là un avertissement sérieux et pressant? Presque toutes les corporations possèdent des caisses de veuves et d'orphelins. Seuls, les » écrivains allemands, — la plupart peu fortunés, courent le ris» que d'abandonner au besoin ceux qui leur sont chers. Les grands > esprits comme Schiller sont rares; mais l'Allemagne est riche en » écrivains de cœur et de mérite, aimant la vérité et l'humanité. Est» elle trop pauvre pour assurer leurs familles contre le besoin? »

La Gazette constitutionnelle eut encore une fois raison, et le prompt succès de son initiative a quelque chose d'admirable et de touchant. Il est vrai qu'elle évoquait un souvenir irrésistible, qu'elle parlait au nom d'une mémoire sacrée et populaire entre toutes. Ce n'est pas ici le lieu de renouveler le parallèle tant de fois entrepris entre l'auteur de Faust et l'auteur de Guillaume Tell. Nous dirons seulement qu'entre ces deux hommes, si étroitement unis dans leur vie par la plus noble amitié, et si justement confondus par le peuple allemand dans une sorte de culte national, la nuance est que l'un est plus admiré et l'autre plus aimé. Pourquoi? Précisément parce qu'il est moins admirable, moins éloigné de nous, plus humain. La perfection absolue éblouit et subjugue, mais ne passionne pas. Et puis, comme le rappelait la Gazette constitutionnelle, la vie même de Schiller était ici le plus concluant et le plus navrant des arguments. Ce grand et généreux esprit n'a pas été seulement un poëte immortel, il a été le martyr de la poésie; il a connu les luttes et les épreuves de la vie littéraire, et la gloire ne l'a pas sauvé de l'indigence. Son nom seul était un plaidoyer. Aussi l'idée futelle réalisée aussitôt qu'émise. Dès que l'article eut paru, une dame de Hambourg, qui séjournait accidentellement à Dresde, et dont nous nous faisons un devoir de publier le nom, madame Jeanne Helmke, inaugura la souscription par un don de mille thalers (3,750 fr.). Glorieux l'écrivain qui vit ainsi dans le cœur d'une nation, et dont la mémoire subsiste comme un aiguillon des sentiments généreux!

Un comité s'était formé. A son signal, d'autres comités surgirent à Berlin, à Francfort, à Stuttgart, à Munich, à Darmstadt, etc. Nous sommes loin de connaître les résultats dus à tous ces concours, et nous ne possédons de chiffres que pour le comité de Dresde; encore ces chiffres s'arrêtent-ils au commencement de 1857. Mais la liste incomplète que nous avons sous les yeux suffit à montrer combien l'idée a

pénétré toutes les couches de la société allemande. Tous les rangs sont confondus dans la liste de souscription de Dresde. Le roi de Saxe a donné cent thalers, le roi de Prusse trois cents, et le roi de Hanovre trois cents. De pauvres petites filles se cotisent pour envoyer un thaler, parfois seulement un florin. Les deux grandes librairies allemandes, moins des librairies que des dynasties, s'inscrivent pour des sommes considérables: la maison Brockhaus de Leipzig, pour mille thalers, avec promesse de continuer son appui à la fondation; et la maison Cotta de Stuttgart, pour cent cinquante florins par an pendant dix ans. Les noms célèbres de la scène allemande, les Dawison, les Devrient, les Seebach, les Bayer-Burck, figurent sur la liste. Le fonds se grossit du produit de représentations théâtrales, d'expositions de tableaux, de lectures publiques organisées à son profit. Les Allemands résidant à Astracan ont envoyé soixante-cinq thalers, et ceux de Manchester en ont réuni plus de quatre cents. Ici une réflexion nous frappe : les Allemands de Paris sont plus nombreux que ceux de Manchester et d'Astracan, et Paris est moins éloigné de Dresde que ces deux villes. Cependant nous ne voyons aucune offrande de Paris dans la liste du comité de Dresde. Il est vrai que cette liste s'arrête, comme nous l'avons dit, au commencement de 1857. Il est possible aussi qu'on se soit mis en relation avec un autre comité qui n'a pas encore publié de comptes. S'il n'en était pas ainsi, nous serions heureux que ces lignes, tombant sous les yeux de quelque membre de la colonie parisienne, le décidassent à prendre une initiative honorable, et à seconder une œuvre qui, par le nom qu'elle porte et par l'objet qu'elle se propose, a pour tout Allemand un caractère doublement national.

Ce n'est pas que cette œuvre, telle qu'elle est conçue actuellement, nous paraisse à l'abri de toute critique, et nous voyons, par le rapport même du comité de Dresde, que le programme adopté a soulevé des objections de la part d'autres comités. Parmi ces objections, il en est une à laquelle nous nous associons. Le programme saxon n'a en vue que l'assistance des écrivains pauvres « qui se sont » servis de formes poétiques. » Une première observation porte sur la rédaction même, qui est peu précise. Qu'est-ce que des formes poétiques? Est-ce le vers? Alors le programme exclut les romanciers et les auteurs dramatiques en prose, c'est-à-dire certainement la majorité des gens de lettres. D'après la réponse du comité de Dresde au comité de Berlin, il paraît qu'il n'en doit pas être ainsi, et que l'œuvre embrassera toute la littérature d'imagination. Mais alors même, la restriction, quoique moins dure, nous paraît encore inadmissible, injuste en

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