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Peut-être encore aujourd'hui et demain. Mais son sort est décidé. Il est exclus du cercle où l'avaient placé sa naissance et sa richesse, banni dans un désert où il ira seul, dépouillé de tout ce qu'il nommait son bien....

HÉLÈNE.

Non, par le Dieu juste! il ne l'est pas.

LE COLONEL.

Je ne voulais entendre que cette parole de vous. Que je puisse lui porter cette assurance, puisque je ne puis lui porter autre chose....

Oh! voilà la voix d'un ami.

HÉLÈNE.

LE COLONEL.

Le métier le plus dur n'endurcit pas toujours le cœur. Nous n'avons pas désappris ce que c'était qu'apporter de la joie. Je le vois tous les jours, je l'aime davantage plus je le vois. Si je puis lui porter la consolation d'une porole de vous....

HÉLÈNE.

Oh! dites-moi... et moi, moi-même... puis-je aller le voir?

LE COLONEL.

Vous-même?... (Réfléchissant.) Je tâcherai.... Venez.

(Hélène chancelle. Elle s'arrête et se tourne vers le corps de son père.)

LE POPE.

Va, ma fille, va le consoler. Pendant ce temps je resterai ici en prière.

HÉLÈNE se précipite sur le corps de son père et couvre son visage
et ses mains de baisers.

Adieu, père, sois heureux dans le ciel! Adieu, cendre chérie! il faut que je vous quitte maintenant... Il ne doit pas partir seul!

(Elle s'avance vers le pope, et s'incline respectueusement devant lui: il fait un signe de croix sur elle avec la main droite, elle lui baise la main gauche. Puis elle s'éloigne avec le colonel, et le pope s'agenouille au chevet de Maxime.)

(La scène change.

SCÈNE VIL

Prison du chef-lieu du gouvernement. Grande chambre,
simple, mais convenable.)

ALEXANDRE écrivant.

« Tu es le survivant, Anatole. Termine ce que nous avions commencé, et charge-toi du legs de mon amour....» (Il se lève.) Je lui ai tout dit, et il sera un mandataire fidèle. Il sera ton défenseur, Hélène! Et pour toi il y aura encore une justice sur la terre. Moi, je n'en ai plus besoin. Je suis délivré de la puissance et de la crainte des hommes. Les misérables fous! qui pensent me dépouiller de l'honneur et de la liberté, et me donnent la gloire la plus haute, digne des vainqueurs, celle de succomber pour une bonne cause. Être seul! qu'est-ce après tout? Etre seul, c'est être avec Dieu.... Reçois-moi, désert lointain, qui rends aux criminels leur noblesse en les faisant marcher la main dans la main avec les martyrs!

SCÈNE VIII.

ALEXANDRE, HÉLÈNE.

HÉLÈNE entrant précipitamment.

Alexandre! mon Alexandre!

ALEXANDRE la recevant dans ses bras.

Hélène! ma bien-aimée!... Quel miracle sauveur!

HÉLÈNE.

O changement que ne supporterait aucun cœur de femme!... Je suis libre, et tu es captif!

ALEXANDRE.

Oh! maintenant le sort peut épuiser sur moi tous ses tourments, ton souffle les éloigne. (Embrassant Hélène.) Quelle douleur pourrait empoisonner ce baiser d'adieu?

HÉLÈNE.

Pas ainsi, Alexandre! Je quitte mon père mort.... A lui, je lui ai donné le baiser d'adieu. Mais toi, prends celui-ci comme consécration d'une vie commune! Mon bien-aimé! tu n'as plus que moi! Je te tiendrai lieu de tout je te suivrai partout!

TOME II.

11

ALEXANDRE.

Cet instant me suivra, il est tout pour moi! Ah! Hélène! séparonsnous avant qu'on nous arrache l'un à l'autre.

HÉLÈNE.

On ne le fera pas, Alexandre! Quelque injustes qu'aient été tes juges, un bon ange a désarmé leur cruauté, et a donné à ton jugement des exécuteurs plus doux. Me faudrait-il faire des centaines de lieues à pied derrière toi, je ne me fatiguerai pas, je ne me lasserai pas. Plus d'une pèlerine est allée plus loin, et il n'y a pas de pèlerinage plus saint que ne sera le tien.

SCÈNE IX.

LES PRÉCÉDENTS, ANATOLE.

ANATOLE entrant.

C'est ainsi que je te trouve!

ALEXANDRE.

Anatole !

(Tous deux se tiennent un instant embrassés sans parler.)

ANATOLE montrant Hélène.

Et c'est ainsi que je désirais te trouver, heureux Alexandre! J'ai défendu ta cause... notre cause... tu as triomphé.

Mes paysans sont libres?...

ALEXANDRE.

ANATOLE.

Toi! toi-même.... Ta condamnation est annulée. L'empereur te rend tous tes biens. Il te remercie d'avoir défendu l'honneur de son nom contre des sujets qui oubliaient leurs devoirs, et qu'attend sa sévère justice.

HÉLÈNE.

O ciel! donne-moi la force de supporter encore ce changement!...

ANATOLE à Alexandre.

Tu te détournes, tu te tais? Est-ce la joie qui te rend muet?

ALEXANDRE.

Ne me dis-tu rien de mes paysans? l'empereur n'a-t-il pas eu pour eux une parole d'espoir?

ANATOLE.

L'empereur a fait pour eux tout ce que la loi permet. Il ne s'oppose pas à tes projets, mais il les restreint.

ALEXANDRE.

Ainsi, mon œuvre ne serait faite qu'à demi?

ANATOLE.

Cher ami, c'est ce qui n'a pas le concours du temps qui n'aboutit jamais qu'à demi. Tes paysans ne sont plus serfs, mais tu restes maître de leur sol.

ALEXANDRE.

Maître de leur sol? Maître aussi de l'air qu'ils respirent? Oh! partons, Hélène, partons!

ANATOLE.

Ne fuis pas ainsi, Alexandre! reste parmi tes paysans. Pense combien il y avait de mal possible ici, et reste pour le peu de bien qui n'est pas impossible!

HÉLÈNE.

Il a raison. Reste parmi tes paysans, tes paysans libres, et je resterai près de toi, loin cependant de ce monde, d'où me bannit mon serment, d'où me bannit mon cœur!

SCENE X.

LES PRÉCÉDENTS, KUSMA et plusieurs paysans sont entrés doucement l'un après l'autre; ils entourent Alexandre. Il se tourne plein d'émotion vers eux

KUSMA.

Petit père, on te bannit parce que tu nous as donné, la liberté. Reprends-la, nous ne voulons pas être libres!

Soyez dignes de l'être.

ALEXANDRE.

KUSMA.

Sois notre maître, reste parmi nous.

ALEXANDRE.

Nous restons parmi vous, amis! Elle et moi (embrassant Hélène) nous restons à vous.

HÉLÈNE.

A vous avec chaque goutte de mon sang.

ALEXANDRE.

Elle était ce qu'était chacun de vous, rien qu'une âme: maintenant, mon âme!

(La toile tombe.)

POÉSIE.

QUICK BORN.
(Source vive.)

Tableaux en vers de la vie populaire des Ditmarschen, écrits en dialecte bas-allemand par KLAUS (Nicolas) GROTH.

L'idiome ditmarsch, dans lequel sont composées ces poésies, est un des doux dialectes bas-allemands du nord de l'Allemagne, auxquels s'oppose, dans l'Allemagne méridionale, le groupe des dialectes plus durs du haut-allemand. D'entre ces derniers se détache l'allémannique, qui se parle dans l'angle du sud-ouest de l'Allemagne, ainsi qu'en Suisse et en Alsace; et de même que ce dialecte a produit, il y a un demi-siècle, un poëte marquant, J. P. Hébel, dont les Poésies allémanniques sont en partie connues et appréciées en France, de même le dialecte ditmarsch possède maintenant un poëte national fort notable dans l'auteur du Quickborn, le docteur Klaus Groth, que nous présentons aujourd'hui au public français. Nous ne doutons point que ses poésies ne soient accueillies favorablement par la France littéraire; car elles sont animées d'une fraîcheur originale et d'une gràce naïve, égales à celle des charmants vers de Hébel, et l'on y sent en même temps un souffle énergique et pour ainsi dire boréal, qui manque parfois un peu trop au candide et agreste poëte de la région allémannique.

Le petit pays des Ditmarschen est situé à l'extrême limite de l'Allemagne septentrionale, entre les embouchures de l'Elbe et de l'Eider, le long de la mer du Nord; il fait actuellement partie du duché de Holstein. Comme presque toutes les côtes continentales de la mer allemande, depuis la Hollande jusque dans le Jutland danois, ce district se compose de deux parties très-différentes sur le littoral même, d'un terrain très-bas, limoneux et prodigieusement fertile, appelé la Marche, et garanti contre les flots par des digues; et, à quelque distance de la mer, d'une suite de collines sablonneuses et peu élevées, longeant la Marche d'un bout à l'autre, et formant une espèce de petit plateau couvert de bruyères et de marais, qu'on désigne dans le pays sous le nom de la Gheest. Les habitants du Ditmarschen sont les descendants des anciens Frisons, si célèbres par leur industrie et leur amour de l'indépendance. C'est par des colonies frisonnes que

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