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avait un temple hors de Rome, rend douteux que le latin vidua soit réellement le sanscrit vidhavá, malgré leur grande ressemblance, à moins que nous n'admettions que le verbe viduare soit dérivé de vidua, et qu'ensuite un nouvel adjectif ait été formé avec un sens plus géné-‣ ral, de telle sorte que viduus ne signifiât rien de plus pour une oreille romaine que privatus.

Les langues ariennes possèdent donc un commun trésor d'anciens noms qui avaient à l'origine un pouvoir expressif et poétique; mais comment ce fait explique-t-il le phénomène du langage mythologique chez tous les membres de la famille? Comment rend-il intelligible cette phase de l'esprit humain qui donna naissance aux histoires étranges de dieux et de héros, aux Gorgones, aux Chimères, à tant de choses enfin qu'aucun œil humain n'avait vues, et qu'aucun esprit raisonnable ne pouvait avoir conçues?

Avant de répondre à cette question, il faut encore présenter quelques observations préliminaires relatives à la formation des mots.

Tous les mots communs ariens que nous avons examinés jusqu'ici se rapportent à des objets définis. Ce sont tous des substantifs, puisqu'ils expriment quelque chose de substantiel et de perceptible aux sens. A l'origine, le langage n'exprimait que des objets comme noms et des qualités comme verbes. Le langage, pendant cette période primitive, n'était que l'expression consciente, au moyen des sons, d'impressions reçues par tous les sens.

Les noms abstraits nous sont si familiers, que nous pouvons à peine apprécier la difficulté que les hommes ont eue à les former. Nous ne pouvons guère imaginer un langage sans noms abstraits. Il y a cependant des dialectes encore parlés aujourd'hui qui n'en possèdent pas, et plus nous remontons dans l'histoire du langage, moins nous trouvons de ces expressions. Un,mot abstrait n'est qu'un adjectif transformé en substantif; mais la conception d'une qualité comme sujet est d'une extrême difficulté, et, dans l'état actuel de l'esprit humain, elle nous paraît impossible.

Mais il y a d'autres mots que nous ne pouvons guère appeler abstraits, qui cependant ont été formés par un procédé analogue; je veux parler des mots tels que jour et nuit, printemps et hiver, aurore et crépuscule, orage et tonnerre. Que voulons-nous dire, lorsque nous parlons du jour et de la nuit, du printemps et de l'hiver? Le temps, selon notre conception, n'est rien de substantiel, rien d'individuel; c'est une qualité transformée par le langage en une substance. Si donc nous disons, « le jour commence », « la nuit approche », nous présentons

comme agissantes des choses qui ne peuvent agir, nous affirmons une proposition qui, analysée logiquement, n'aurait pas de sujet définissable. Ceci s'applique aussi aux mots collectifs, tels que le ciel et la terre, la rosée et la pluie, et même aux rivières et aux montagnes. Car si nous disons, « la terre nourrit l'homme », nous ne voulons parler d'aucune portion tangible du sol, mais de la terre considérée comme un tout. Dans les langues anciennes, chacun de ces mots avait nécessairement une terminaison exprimant le genre, et cela produisait dans l'esprit une idée correspondante de sexe, de telle sorte que ces noms recevaient non-seulement un caractère individuel, mais encore un caractère sexuel. Il n'y avait pas de substantif qui ne fût masculin ou féminin, les neutres étant de formation postérieure, et reconnaissables surtout au nominatif.

Le rôle des verbes auxiliaires dans les langues anciennes conduit à des considérations analogues. Ils occupent la même place parmi les verbes que les noms abstraits parmi les substantifs. Ils sont d'une époque postérieure, et avaient tous à l'origine un caractère plus matériel et plus expressif. Nos verbes auxiliaires ont eu une longue suite de vicissitudes à traverser avant d'arriver à la forme desséchée et sans vie qui les rend si propres aux besoins de notre prose abstraite. Habere, qui est maintenant employé dans toutes les langues romanes pour exprimer simplement un temps passé (j'ai aimé), signifiait d'abord tenir ferme, retenir, comme nous pouvons le voir dans le dérivé habenæ, les rênes. Ainsi tenere, tenir, devient en espagnol un verbe auxiliaire, qui peut être employé presque de la même manière que habere. Le grec y est le sanscrit sah, et signifiait à l'origine être fort, être capable, pouvoir. Le latin fui, j'étais, le sanscrit bhû, être, correspondent au grec qúo; or, dans cette dernière langue, on saisit encore la trace de leur sens primitif et matériel de croissance dans un sens intransitif et transitif. As, le radical du sanscrit as-mi, le grec u-uí, le lithuanien as-mi, je suis, sont probablement liés à une autre racine as, s'asseoir, que nous retrouvons dans le grec -tat, sanscrit ûs-te. Stare, se tenir, devient dans les dialectes romans un simple auxiliaire, comme dans j'ai été, c'est-à-dire habeo statum. L'allemand werden, qui est employé pour former les futurs et les passifs, le gothique varth, nous ramènent au sanscrit vrit, au latin verto. L'anglais will, comme dans he will go, a perdu sa signification radicale de désirer, et shall, employé dans le même temps, he shall go, trahit encore son sens primitif d'obligation légale ou morale. M. Grimm a montré dans les verbes auxiliaires de la langue allemande des passages bien plus hardis

et au premier abord incroyables. Mais ces exemples suffisent pour montrer par quelle voie l'esprit humain est passé d'intuitions concrètes à la vue abstraite et réfléchie. Ils nous serviront de clef pour montrer comment le même passage s'est effectué dans les idées de l'homme sur la nature et le monde divin.

(La suite à un prochain numéro.)

DE

LA TRADUCTION DE LA BIBLE

PAR M. BUNSEN'.

Nous avons promis de revenir sur cette œuvre, que nous avons à peine annoncée il y a deux mois, et le bruit qu'elle commence à faire en Allemagne et même en France 2 nous oblige de nous acquitter au plus tôt de notre promesse. Nous nous garderons cependant d'imiter M. Krummacher, prédicateur de S. M. le roi de Prusse, qui s'est empressé d'excommunier l'auteur dès la première livraison d'un ouvrage qui en aura seize, et nous n'aurons pas la présomption de porter un jugement définitif sur une entreprise considérable, dont nous ne connaissons qu'une très-faible partie. Sans dissimuler quelques objections que nous suggère le début, nous nous rappellerons cependant que, pour le moment, nous avons moins à juger un livre qu'à résumer un programme et à indiquer un point de vue. A cet effet, nous devons conmencer par dire un mot de l'auteur, ou, mieux encore, par le laisser parler lui-même :

« Attaché dès son enfance et dans la maison paternelle au Christ et » à la Bible, par le soin de parents pieux et affermis dans le christia» nisme, il fut, encore tout jeune, amené à lire l'Écriture dans les >> deux idiomes originaux. C'est ainsi qu'en 1805 il lut à l'école la » Genèse et l'Évangile, et en 1807 l'Évangile aussi en syriaque, sous la » direction d'un élève de Michaëlis. Quand, en 1808, il se rendit à

' Vollstændiges Bibelwerk für die Gemeinde. Erster Halbband. Brockhaus, 1858.

2 Elle a été récemment attaquée par l'Univers.

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» l'université pour y étudier la théologie, il eut le bonheur de trouver » pour ses études exégétiques, notamment de l'Ancien Testament, des » maîtres fidèles et solides dans Arnoldi et dans Hartmann. En 1810, il » se tourna vers l'étude de l'antiquité classique: mais, loin d'oublier » pour cela les travaux bibliques, il les considéra comme le but défi» nitif vers lequel il lui faudrait revenir plus tard. Il s'agissait aupara>vant de puiser chez les maîtres impérissables du discours et du récit, » et d'exercer sur eux la science et l'art de la critique historique, et » aussi d'éprouver, par la vie et par l'expérience, la vérité du christia» nisme biblique. Sous l'influence de cette double pensée, il se rendit » de l'université de Marbourg à celle de Gættingue, où il continua, » sous la direction de Heyne, ses études historiques et philologiques. » Il jouit ensuite à Paris de l'enseignement sympathique de Silvestre de » Sacy dans le persan et dans l'arabe, et il en retira du fruit pour ses » études bibliques. A Rome enfin, appelé à une nouvelle carrière', » il eut le bonheur de passer six ans avec le maître de la critique his>> torique, Niebuhr, et de s'entretenir avec lui de la science biblique, » qui ne lui était pas plus étrangère que la foi de la Bible. Il fut vive» ment exhorté et encouragé par ce grand historien à persévérer dans » ses travaux critiques, qu'il avait repris à Rome dès 1817, et dont il » avait, dès cette année, donné un témoignage public, à l'occasion » du troisième jubilé séculaire de la réformation. Pendant les vingt» deux années de son séjour à Rome, il continua ses investigations en » partant du point central de la Bible, c'est-à-dire de la vie de Jésus. » Les premiers travaux concernant cette vie et celle de Paul appar» tiennent aux années 1823-34. En 1835, il en coordonna les résultats » sous la forme d'une critique complète des Évangiles, pivotant sur » l'authenticité de l'Évangile de saint Jean, comme étant l'œuvre d'un » témoin oculaire. De là il retourna à la Genèse. En 1837, il traduisit » les prophètes Joël et Amos, en accompagnant sa version d'un travail » critique qu'il a fait imprimer en 1856, dans son ouvrage Dieu dans » l'histoire, comme pièce à l'appui de son analyse de la conscience reli» gieuse de Hébreux. En 1842, après maints travaux préliminaires sur » le livre des Psaumes, il aborda la traduction de soixante psaumes » qui parurent à la tête de son Livre évangélique de cantiques et de » prières, publié sans nom d'auteur.

» A Rome aussi bien qu'en Angleterre, où il a vécu ensuite près de » quinze ans, il a eu, comme savant et comme ambassadeur, de fré

La carrière diplomatique.

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