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SCENES ET TABLEAUX.

POÉSIES TRADUITES DE L'ALLEMAND.

I.

LA FILLE DE L'HOTESSE.

Trois sveltes jeunes gens, ayant passé le Rhin,
Dans une hôtellerie entrèrent en chemin :

« Dame hôtesse, avez-vous de bon vin qui pétille
Et de la bière fraîche? — Où donc est votre fille? »>

« A ma bière, à mon vin, chacun fait bon accueil.... Ma pauvre fille est là, couchée en son cercueil! »

Pénétrant, à ces mots, jusqu'au fond de l'auberge,
Ils virent le linceul où reposait la vierge.

Le premier souleva le voile, et tristement

Se prit à contempler ce corps jeune et charmant :

« Si tu n'avais quitté notre sombre demeure, Je t'aimerais, bel ange, à compter de cette heure! »>

Le second recouvrit le corps, se retira,
Et, se cachant la tête en ses mains, il pleura :

« O toi que j'appelais ma douce fiancée!
Je t'aimai si longtemps!... et te voilà glacée! »

Le troisième écarta le drap, quand vint son tour,
Et donnant à la morte un long baiser d'amour :

« Je t'ai toujours aimée, en ce moment je t'aime, Et dans l'éternité je t'aimerai de même! »

UHLAND.

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Tout était clos, et la tristesse
Régnait des fossés aux créneaux;
On eût dit qu'en la forteresse
La mort avait ses arsenaux.

Un sphinx gardait cette retraite :
Fait pour étonner les plus forts,
De femme il avait gorge et tête,
Mais de lion le bas du corps.

Quelle femme!... Un désir farouche
Éclatait dans son regard blanc;
Il courait sur sa froide bouche
Comme un sourire étincelant.

Séduit par cette étrange image,
Et le cœur plein d'un doux émoi,
Je baisai le charmant visage,
Mais dès lors c'en fut fait de moi!

Car le marbre se mit à vivre,
A soupirer! Pour s'apaiser,
Le sphinx ardent, haletant, ivre,
Buvait le feu de mon baiser!

Il buvait toute mon haleine!
Enfin, râlant de volupté,
Il m'embrassa, broyant sans peine
Mon corps sous sa griffe arrêté.

Cher tourment! aimable martyre!
Joie immense! immense douleur!
Tandis que la griffe déchire,
Le baiser donne le bonheur!

Le rossignol chantait : « Cruelle!

Femme et monstre! amour! ah! pourquoi

Mêles-tu la douleur mortelle

A tes ravissements, dis-moi?

« Beau sphinx, de cette énigme sombre Dis-moi le mot, car je suis las,

Car depuis des siècles sans nombre

Je cherche et je ne trouve pas! »>

HEINE.

IV.

LE BAISER.

« Chère, n'aurai-je pas, après ce long voyage,
Le baiser refusé quand je vous dis adieu? >>
Alors elle pencha vers moi son doux visage,
Et sa bouche imprima sur ma bouche un aveu.

Un myrte fleurissait à côté du prie-Dieu;

Elle en cueillit un brin, et m'en faisant hommage :

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Que cette fleur d'amour vous soit, dit-elle, un gage

De mon amour pour vous, en tout temps, en tout lieu! >>

Ces beaux jours ne sont plus, la branche est desséchée,
Et ma pauvre maîtresse en sa tombe couchée;
Mais sur ma lèvre, hélas! le baiser brûle encor!

Et bien souvent je vais, la nuit, verser des larmes
A l'endroit où je vis, ô moment plein de charmes!
Pour la première fois cet ange aux cheveux d'or!

HEINE.

V.

LE COEUR ET L'ÉCORCE.

(Tablettes d'un voyageur.)

Un pauvre cabaret : pour enseigne une branche;
Il faut mourir de soif pour en passer le seuil...
On y trouve pourtant bon gîte et nappe blanche,
Vin généreux et doux accueil.

Un vilain pot de grès au bord de la fenêtre,
Mais dans ce pot grossier un hortensia bleu.
Un gros homme au comptoir jurant comme un vieux reître,
Mais au fond brebis du bon Dieu.-

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Un antre menaçant, hérissé de fougères,

D'où s'échappe un ruisseau, pleurs charmants du granit.
Un lugubre donjon qui cache entre deux pierres
Un mystère adorable, un nid!

Un piéton basané que le cavalier raille

(Moi-même), tout poudreux, couchant sur les chemins,
Portant la blouse grise et le chapeau de paille,
Et faisant peur aux philistins;

Mais dont le cœur contient les fleurs de la jeunesse,
Un avril admirable et son ciel de saphir,
L'amour de son pays, le nom de sa maîtresse,
L'enthousiasme et le désir!

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