Imagens das páginas
PDF
ePub

VII.

LES TROIS BOHEMIENS.

J'ai vu trois bohémiens qui campaient dans la plaine.
C'était le soir. Je pus les contempler longtemps:
Dans l'ornière enfoncés, mes chevaux haletants
N'avançaient qu'à grand'peine.

L'un des trois compagnons, le front illuminé
Par les feux du couchant, jouait de la guitare,
Et chantait, d'une voix pénétrante et bizarre,
Un chant passionné!

Le deuxième fumait, regardant la fumée
Qui montait vers le ciel en légers tourbillons :
Il lui fallait bien peu pour aimer ses haillons...
Une pipe allumée!

Le troisième dormait d'un air calme et vainqueur;
Il avait suspendu sa cymbale à la branche
Où folâtrait la brise: un rêve en robe blanche
Lui passait sur le cœur.

Ils avaient des habits, ces fils de la Bohême,

Faits avec des morceaux de diverses couleurs',

Mais ils étaient joyeux, mais ils narguaient quand même Le monde et ses douleurs!

Ils m'ont appris comment, lorsque la vie est grise,

On la force à briller, et la passe gaîment

En dormant, en fumant, en chantant, et comment
Trois fois on la méprise.

Je passai; mais de loin je me tournai souvent,
Afin de voir encor ces trois mâles figures,
Ces haillons éclatants, ces noires chevelures
Flottant au gré du vent.

LENAU.

VIII.

LES TROIS CAVALIERS.

Trois braves cavaliers, la bataille perdue,
Chevauchaient lentement sur une route ardue.

Tous trois étaient blessés, tous trois frappés à mort,
Mais ils se soutenaient par un dernier effort.

Que de sang! les chevaux en étaient tout humides;
Il ruisselait à flots des selles et des brides.

Mais les nobles coursiers allaient se ramassant,
Pour ne pas activer l'horrible flux de sang.

Ils s'appuyaient l'un l'autre, et leurs maîtres de même... Et c'était un tableau d'une grandeur suprême.

Les pauvres cavaliers, mornes, découragés,
Songeaient qu'ils dormiraient dans les champs étrangers :

[merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small]

"

Partageons! disait l'un, mangeons chacun le nôtre ! Tu prendras celui-ci, toi celui-là, moi l'autre ! »>

LENAU.

PAUL VRIGNAULT.

BULLETIN CRITIQUE.

DER VESUV UND DIE UMGEBUNG VON NEAPEL, EINE MONOGRAPHIE VON J. ROTH. Berlin, Wilhelm Hertz, 1857. (Le Vésuve et les environs de Naples, monographie par J. Roth.)

L'auteur, ayant séjourné à Naples en 1844, en 1850 et dans l'hiver de 1855 à 1856, s'était livré chaque fois avec le plus vif intérêt à l'étude du Vésuve. Dépourvu lui-même de guide dans ses recherches, il conçut l'idée de réunir dans un ouvrage tous les documents publiés sur cet intéressant volcan, le plus connu et le plus abordable de tous.

Le Vésuve fait partie d'une chaîne volcanique qui commence au mont Amiata, sur les frontières des États de l'Église et de la Toscane. Un seul point de cette chaîne est encore en activité, c'est le Vésuve. Vue de la mer, cette montagne se compose de deux parties: le cratère, de forme conique, et la Somma, qui l'entoure comme une circonvallation du côté du nord. Le point le plus élevé de la Somma est à 1114 mètres au-dessus de la mer; celui du cratère varie, comme nous le verrons, après chaque éruption; le vaste fossé qui sépare le cratère de la Somma se nomme l'Atrio del cavallo.

Après une introduction sur les phénomènes volcaniques en général, l'auteur passe à l'histoire des éruptions du Vésuve. Pour celles antérieures à 1750, il traduit l'ouvrage du savant minéralogiste M. Scacchi, intitulé Istoria delle eruzioni del Vesuvio accompagnata dalla bibliografia delle opere scritte su questo vul

cano. 1847.

Les auteurs grecs et latins qui ont écrit avant la venue de Jésus-Christ, Diodore de Sicile, Vitruve, Pollion, Strabon, ne parlent pas du Vésuve comme d'un volcan en activité, mais seulement comme d'une montagne jadis ignivome ou portant la trace de l'action du fen. A cette époque le cratère n'existait pas. C'est la Somma qui portait alors le nom de Vésuve. Cela résulte clairement du récit de Plutarque lorsqu'il décrit la fuite des esclaves révoltés sous la conduite de Spartacus. Assiégés au sommet de la Somma, où ils s'étaient réfugiés, ils descendent à l'aide d'échelles faites avec des vignes sauvages. Plutarque désigne dans ce récit la Somma sous le nom de Vésuve. La première éruption est celle de l'année 79 après Jésus-Christ, décrite par Pline le Jeune dans deux lettres à Tacite. La mort de Pline l'Ancien, étouffé par les vapeurs sulfureuses sur le rivage de Stabiæ, où s'élève aujourd'hui la charmante ville de Castellamare, a popularisé le souvenir

de cette éruption. Les villes de Pompéi, de Stabiæ et d'Herculanum furent enfouies, les deux premières sous des cendres, la troisième sous le tuf. C'est l'éruption de l'an 79 qui créa le cratère du Vésuve; Dion Cassius en donne une description très-exacte dans son soixante-sixième livre. L'activité du Vésuve ne se ralentit pas depuis cette première éruption; il existe des indications de celles de 204,472, 512, 685, 993, 1036, 1139 et 1500. Le seizième siècle fut une période de tranquillité, car nous avons le témoignage de deux voyageurs qui visitèrent le cratère en 1612 et 1619, et trouvèrent l'extérieur couvert de chênes blancs, de chênes verts, d'érables et autres arbres, comme l'est actuellement le cratère du Monte-Nuovo, près de Pouzzolles. Mais le 16 décembre 1631 le volcan s'ouvrit du côté méridional, au-dessus de l'Atrio del cavallo, et vomit des pierres brûlantes, de la fumée et des cendres qui, transportées par le vent, allèrent tomber dans la Basilicate et jusque dans les environs de Tarente. Les villages de Nola, Palma, Lauro, Ottajano, situés à l'est du Vésuve, furent incendiés par la chute des pierres. Des secousses de tremblement de terre ébranlaient le sol. Ces phénomènes se prolongèrent avec une égale violence jusqu'au 18 décembre, et se terminèrent par une coulée de lave qui alla s'éteindre dans la mer, près de Portici, après avoir brûlé et renversé les maisons et les arbres sur son passage. Trois mille personnes perdirent la vie, atteintes par le courant. Non-seulement le volcan vomit des torrents de lave, mais encore des torrents d'eau saumâtre charriant des coquilles marines, des algues, des poissons. On a souvent mis en doute la possibilité de ce fait; mais M. Roth l'admet sans peine, car les entrailles du Vésuve doivent communiquer avec la mer, puisque la projection des cendres et des pierres est toujours l'effet de la vapeur d'eau qui se forme dans le volcan; cette eau provient vraisemblablement de la mer voisine. Après l'éruption, on vit que le cratère s'était abaissé de 150 mètres environ. A la suite de deux éruptions insignifiantes, en 1632 et en 1638, le Vésuve se reposa pendant vingt-deux ans; mais les années 1660, 1680, 1682, 1685, 1689, sont encore signalées par des éruptions assez fortes; celle de 1694 donna lieu à deux courants de lave, dont l'un ne s'arrêta qu'à un mille environ de la mer. Après un intervalle de deux ans, l'activité volcanique se réveilla, et ne cessa pas pendant les années 1696, 1697 et 1698; elle continua pendant toute la première moitié du dix-huitième siècle; les éruptions se succédaient à des intervalles de trois à quatre ans. Celle de 1737, plus forte que les autres, fut observée par un physicien français, l'abbé Nollet. Le cratère s'était encore abaissé, sa hauteur n'atteignait pas celle de la Somma. Sa profondeur fut estimée à 700 mètres. En général, après les grandes éruptions, le cratère s'écroule, ou bien les matériaux meubles qui le composent sont lancés dans les airs. Les petites, au contraire, augmentent sa hauteur en ajoutant de nouveaux débris à ceux qui existent déjà.

A partir du milieu du dix-huitième siècle, les documents sur les éruptions du Vésuve deviennent plus nombreux et plus complets. Les observateurs se multiplient, et appliquent à l'étude de ces intéressants phénomènes les connaissances physiques, chimiques et géologiques que les progrès de ces trois sciences ont popularisées Des Italiens, le duc della Torre, de Bottis, Monticelli, Covelli, Donati, Pilla, Scacchi, Palmieri; deux Anglais, Hamilton et Auldjo; trois Allemands, de Buch, Hoffman et Abich; deux Français, d'Arthenay et Deville, forment une génération d'observateurs auxquels aucun phénomène n'échappe; ce sont les chroniqueurs du Vésuve. M. Roth fait connaître, d'après ces observa

teurs, chacune des éruptions du volcan. Nous ne le suivrons pas dans ce récit intéressant pour les géologues et les physiciens, un peu uniforme par le retour des mêmes circonstances pour des lecteurs moins spéciaux. Mais nous allons donner, d'après l'auteur, un aperçu des différents phénomènes qui accompagnent les éruptions du Vésuve, dans l'espoir qu'elles frapperont tous les lecteurs de la Revue, car la grandeur et la magnificence du spectacle, les effets souvent désastreux des pluies de cendres et des coulées de lave, la cause mystérieuse de ces grandes convulsions, ont excité de tout temps la curiosité de tous les hommes qui pensent ou qui sentent.

Les grandes éruptions sont ordinairement précédées de secousses de tremblement de terre dans les environs de la montagne et de bruits souterrains. Les puits et les fontaines diminuent ou tarissent, l'eau devient saumâtre. Une colonne de fumée s'élève au-dessus de la montagne, et prend la forme, si l'air est calme, d'un immense pin parasol, celle d'un panache si le vent l'entraîne vers la mer ou l'intérieur des terres. Cette colonne, composée de cendres, de sable et de vapeur d'eau, est souvent si dense, qu'elle intercepte la lumière du soleil, et l'obscurité qui règne dans les rues de Naples ajoute encore à la terreur superstitieuse du peuple, prosterné devant les images de saint Janvier, protecteur spécial de la ville et modérateur des éruptions du Vésuve. A la colonne de fumée succèdent des explosions accompagnées de violentes détonations; l'eau vaporisée dans les profondeurs du cratère, pareil à un immense mortier, lance des cendres, de petites pierres, et aussi de gros blocs qui retombent en dedans ou en dehors de la bouche volcanique, et quelquefois sur les bases du Vésuve. M. Pilla, professeur de géologie à l'université de Pise, tué en 1848 dans la guerre de l'indépendance italienne, a observé, dans la nuit du 2 juin 1833, les phénomènes qui se passent alors à l'intérieur du cratère. Assis sur le bord du gouffre, malgré la grêle de pierres qui tombaient autour de lui, il constata les faits suivants. Les éruptions étaient précédées d'un tonnerre intérieur et d'un mouvement de trépidation du cône volcanique, la bouche (bocca) par laquelle les matières s'élançaient était incandescente à l'intérieur, et dans tout son pourtour composé de scories et de matières désagrégées. Tout à coup une masse de fumée s'élançait de l'ouverture comme de la gueule d'un canon; elle était suivie d'une colonne de gaz qui s'enflammait au contact de l'air, et pénétrait dans le nuage de fumée. Ce gaz ne brûlait qu'à la circonférence le centre restait sombre comme la flamme d'une bougie. Cette flamme paraissait violette avec des alternances de rouge et de bleu céleste, l'éruption du gaz était accompagnée d'une violente détonation qui ébranlait tout le cône. Des scories et des pierres enflammées s'élançaient plus ou moins haut, et retombaient en général dans le cratère; après cette éruption, la flamme continuait de brûler et de lécher les bords de la bouche, comme une flamme d'alcool. Une forte odeur d'acide sulfhydrique remplissait le cratère, et la montre de M. Pilla se trouva noircie dans son gousset. Après avoir assisté à huit éruptions, séparées par des intervalles d'environ trois ou quatre minutes, le courageux observateur fut forcé de se retirer pour se soustraire à la pluie de pierres enflammées qui devenait de plus en plus dangereuse. Ce récit donne une excellente idée des éruptions en gerbe; elles sont suivies de celles des laves.

Les laves se composent de matières minérales que la haute température qui règne dans l'intérieur du volcan réduit à l'état de fusion, comme les minerais des hauts fourneaux. Après les phénomènes précurseurs des éruptions, cette lave se fait jour

« AnteriorContinuar »