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que peut-être je n'ai pas compris à l'époque où j'ai traduit cette Vie: il s'agit du mot. Pour en saisir le sens, il faut se rappeler deux choses: d'abord, que les poëtes persans sont dans l'usage d'adopter un nom poétique de fantaisie, qu'ils appellent ; et ensuite, que, dans certains genres de poésie, ce nom doit toujours trouver place dans le dernier distique. Tels sont les noms de Saadi, Hafez, Djami, &c. Lors donc que

cera signifie و در بعضی سحن ابن شرفشاه تخلص میکند,le biographe dit

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que Ferdousi, dans quelques-unes de ses compositions, a pris pour nom poétique, le nom d'Ebn-Schérefschah. Il faut entendre de même ce que l'auteur dit du nom de Ferdousi, quelques lignes plus loin, et ce qu'en dit Djami dans un passage cité par M. Vullers, page 3, note 3. Puisque je me suis arrêté sur ce passage de la Vie de Ferdousi, j'ajou

que j'avais rendus والعهدة على الراوي, terai encore que ces mots du texte

librement par quoi qu'il en soit, et qui sont omis dans la traduction allemande, sont une formule dont on fait usage quand on ne veut pas garantir la vérité d'un récit qu'on a rapporté, et répond exactement à la formule latine Fides sit penes auctorem. Je passe à d'autres observations auxquelles donne lieu la suite du récit.

Il y avoit déjà huit ans que Ferdousi travailloit, par l'ordre du prince samanide Mahmoud, fils de Sébectéghin, à la composition du Schahnamèh, d'abord à Gazna, et ensuite à Tous, sa patrie, lorsque, revenant de cette dernière ville, il offrit au prince quatre sixièmes de ce poëme.

,a la lettre, چهاردان شاهنامه را Car c'est ce que signifient les mots

quatre daneks. Le danek est proprement la sixième partie du dirhem, et se dit du sixième d'un tout quelconque. Dans ma traduction, je m'étais exprimé d'une manière trop vague, en disant quatre parties de son poëme. M. Vullers n'a pas été plus exact, en traduisant l par quatre chants.

C'est encore vraisemblablement une faute de ma traduction qui a entraîné le nouveau traducteur, lorsqu'il fait dire à Dauletschah qu'à l'époque où Ferdousi se retira, pour éviter les poursuites de Mahmoud, dont il s'étoit attiré la colère, dans les états de Minoutchehr, prince du Kharizme, le vice-roi (ou lieutenant) du Djordjan pour Minotchehr, fils de Kabous, étoit gouverneur de la ville de Rostamdar. Le mot que j'ai traduit par lieutenant, et M. Vullers par Befehlshaber, est incontestablement un nom propre, et il faut traduire Ispèhbed Djordjani, ou natif de Djordjaniyya . Il est vrai que Ispèhbed est un nom de dignité, qui signifie commandant de la cavalerie; mais, 1° autre chose est un commandant de la cavalerie et un lieutenant ou

vice-roi d'une province; 2° le gouverneur d'une province ne seroit pas le gouverneur particulier d'une ville; 3° pour dire gouverneur du Djordjan, on ne sauroit 'employer l'adjectif ¿lj djordjani. Cet homme s'appeloit Ispèhbed, comme tant de gens chez nous s'appellent Roi, Leroi, Leduc, Comte, Lecomte, &c. Voici donc ce que dit Dauletschah : A cette époque, Ispèhbed Djordjani étoit gouverneur de Rostamdar, au nom de Minotchehr, fils de Kabous (1).

Mahmoud avoit été insulté d'une manière trop outrageante par les vers satiriques de Ferdousi, pour lui pardonner son insolence. Une circonstance fortuite changea ses dispositions pour notre poëte. Le prince samanide ayant entrepris de soumettre la partie septentrionale et occidentale de l'Inde, écrivit au sultan de Dehli pour l'inviter à reconnoître sa suprématie. Dans sa marche, tandis qu'il attendoit la réponse du sultan, il dit à son vizir, Ahmed Méimendi : « Que conviendroit-il de faire, si la réponse » n'étoit pas satisfaisante?» Méimendi lui répondit par un distique persan. Le prince demanda de qui étoit ce distique. « Il est tiré du Schah-namèh, répondit Méimendi. Mahmoud se rappela alors la rigueur dout il avoit usé envers Ferdousi, se la reprocha, et ordonna qu'on expédiât de Gazna douze chameaux chargés d'indigo, et qu'on en fit don au poëte.

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Le vers du Schah-namèh dont il est question dans cette anecdote se lit ainsi dans l'édition de M. Vullers :

اگر جز بكم من آید جواب منه کرز میدان افراسیاب

et il est traduit par lui de la sorte : « Si la réponse n'est pas conforme à mes >> desirs, garde-toi de lever ta massue de bataille, ò mon Afrasiab!» Je l'avais traduit aussi dans le même sens, et sans doute j'avais lu le texte de la même manière. Une plus grande habitude des formes de la langue persane me détermineroit aujourd'hui, si ce texte n'est pas fautif, à traduire dans un sens tout contraire: Ne dépose pas la massue de guerre, 6 Afrasiab!

(1) Les lexicographes persans nous apprennent, il est vrai, que le titre d'Ispèhbed ou Sipèhbed étoit commun aux anciens rois du Tabaristan, comme le titre de khan aux monarques du Turkestan, et celui de kaïsar aux empereurs de Rome, c'est-à-dire, aux empereurs grecs. Peut-être, dans les âges anciens, le commandement de l'armée ou la charge de généralissime étoit-elle une prérogative du gouverneur du Tabaristan. Au surplus, ceci est étranger au passage de Dauletschah; car autre chose est le Djordjan et le Tabaristan ; et d'ailleurs, comme l'on dit et non pas, si Ispèhbed avoit ici le sens de gouverneur ou vice-roidu Djordjan, l'auteur auroit dit al

اسپهبد جرجانی et non

Mais les trois manuscrits que j'ai sous les yeux portent une leçon différente, et que je crois bien préférable, savoir:

من وكرز و میدان افراسیاب

(1). Cela

Dans l'un des trois, la conjonction est omise devant signifie à la lettre, Ego et clava et campus pugnæ, o Afrasiab; et conformément au génie de la langue, c'est une expression elliptique qui veut dire « Je saisirai ma massue, et je me précipiterai dans le champ de » bataille. »

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Les mêmes manuscrits me fournissent une correction que je crois certaine, pour la page 18, lig. 7, du texte de M. Vullers; ils lisent,

محنت au lieu de

Je ne ferai plus qu'une seule observation. Lorsque le convoi d'indigo expédié de Gazna arriva à Tous, on portoit le corps de Ferdousi en terre. J'avois dit, dans ma traduction : « Lorsque les chameaux arrivèrent à la » porte de Tous, qui est du côté de la rivière, le corps de Ferdousi, que l'on alloit mettre en terre, sortoit par cette même- porte. » M. Vullers observe que j'aurois dù dire sortoit (de la ville) par la porte de Rizan; c'est en effet ce qu'on lit dans un des trois manuscrits que j'ai sous les yeux, et je suis porté à croire que c'est la vraie leçon. Mais, au lieu de traduire comme moi: Lorsque les chameaux arrivèrent à la porte de Tous, qui est du côté de la rivière,,,, M. Vullers, prenant

,, pour le nom propre d'un lieu, a dit, la porte de Roudbar. Roudbar est effectivement le nom d'une ville assez connue, du Daïlem; mais elle est trop éloignée de Tous pour avoir donné son nom à l'une des portes de cette dernière, et je tiens pour certain que roudbar js, est ici un nom appellatif, et signifie le lit de la rivière ou la vallée dans laquelle se rassemblent les eaux. La leçon d'un de mes manuscrits, qui

رود باز

-a la porte de la riviere de Tous, con دروازه رودبار طوس porte

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firme mon opinion; c'est aussi la leçon des manuscrits n° 249 et 250.

On se tromperoit beaucoup si l'on s'imaginoit que, par les observations précédentes, j'aie voulu dire ou même insinuer que M. Vullers n'a traduit le texte de Dauletschah qu'à l'aide de ma traduction. Je n'ai point eu une telle intention; et je sais, par une longue expérience, que ce jeune littérateur est en état de bien entendre des textes persans beaucoup plus difficiles que celui-ci : ce que j'ai voulu dire, et ce que je pense, c'est qu'il eût évité les fautes assez légères que j'ai relevées, si, n'ayant aucune tra

(1) Les manuscrits 249 et 250 portent aussi;; seulement, dans le dernier de ces manuscrits, on a écrit.

duction sous les yeux, il n'eût point été entraîné à ma suite par une sorte de préoccupation. Dans cette circonstance, comme dans beaucoup d'autres, j'ai sur-tout eu pour but de corriger moi-même mes propres erreurs, sorte de censure qui blesse peu l'amour propre, et de rendre ma critique utile aux lecteurs qui cultivent, par goût ou par devoir, l'étude des langues de l'Orient

Dans la traduction de M. Vullers, le premier morceau qui suit immédiatement la vie de Ferdousi, est la liste des vingt-un nosk de l'Avesta. Ce fragment, dans le texte publié par M. Mohl, ne vient qu'après l'Ouléemai-islam. M. Anquetil avoit déjà fait connoître ce morceau, dont le texte ne sauroit être traduit avec certitude, tant à cause des mots zends, dont le sens est très-problématique, et qui, selon toute apparence, ont été défigurés par les copistes, que par suite du style barbare dans lequel il est écrit, et où il paroît tantôt manquer les particules nécessaires à la liaison du discours, tantôt y avoir des conjonctions mal placées et surabondantes. M. Vullers, profitant du travail de M. Anquetil, et y joignant ses propres conjectures et les secours qu'a pu lui offrir la langue sanscrite, a fait effort pour donner un sens plausible aux passages obscurs. Nous pensons que, dans quelques endroits, on pourroit adopter un sens différent de celui que présente la version de M. Anquetil ou celle de M. Vullers. Par exemple, le détail des objets contenus dans le cinquième nosk

qu'onدر ذكر بدى خلق عالم علوى و عالم سفلي, commence par ces mots

a entendus ainsi, Du mal (ou de la malice) des habitans du monde supérieur et du monde inférieur, et qui, si je ne me trompe, seroient mieux rendus en cette sorte: Du commencement de la création du monde supérieur et du monde inférieur. Mais il seroit inutile de s'arrêter plus long-temps sur un texte tel que celui-là, dont chaque ligne, pour ainsi dire, offre quelque énigme, et qui, quand on parviendroit à en dissiper toutes les obscurités, nous apprendroit encore bien peu de chose. Ajoutons que la source où est puisée cette description de l'Avesta et du contenu de ses vingt-un nosk, est d'une époque trop moderne pour ne pas laisser des doutes bien fondés sur son authenticité.

En entreprenant la traduction du petit traité intitulé Oulémaï-islam, M. Vullers s'est imposé une tâche extrêmement difficile. Un texte rédigé originairement dans un style fort éloigné de la régularité du style classique, un texte incontestablement altéré, dans les manuscrits qu'ont eus à leur disposition les éditeurs, MM. Mohl et Olshausen, par des interpolations, des lacunes et des fautes de copistes de toute sorte; un texte, enfin, ayant pour objet des dogmes obscurs et des opinions fantastiques, réunit tout ce qui peut opposer des obstacles presque insurmontables au traducteur le

plus exercé. M. Anquetil a fait assez souvent usage de ce traité, et, par conséquent, en a traduit plusieurs passages; mais ces fragmens de traduction ne pouvoient offrir que peu de secours à M. Vullers: d'abord, parce que M. Anquetil a dû nécessairement ne puiser ses autorités que dans les passages dont le sens lui paroissoit certain; et en second lieu, parce qu'il a traduit d'ordinaire très-librement, et sans doute d'après des corrections conjecturales. Avant de traduire un ouvrage comme celui-là, il faudroit d'abord bien se rendre compte des difficultés du texte; puis, à défaut de manuscrits, essayer de le rétablir, là où il est évidemment altéré, par l'emploi de la critique conjecturale. La chose quelquefois ne seroit pas aussi difficile qu'elle le paroît au premier abord. Je vais en donner un exemple qui tombe sur un dogme fondamental de la doctrine des Parses. Pour me faire entendre, je devrai transcrire le texte; mais il est, avant tout, nécessaire de bien connoître la suite des idées.

La première question que se propose l'auteur, est de savoir si le monde existe, par lui-même de toute éternité, ou a été créé. La première opinion, suivant lui, est absurde; car le monde éprouve sans cesse des augmentations et des diminutions. » Or, dit-il, tout ce qui est susceptible de recevoir »formation, (1), et destruction, , a nécessairement une » cause. Avoir une cause est une chose qui ne sauroit convenir à Dieu (2): » il faut donc en conclure que le monde n'a pas (toujours) été, et qu'il » a été créé ensuite, une chose créée ne peut manquer d'avoir un créa» teur. D'ailleurs, il faut savoir que, dans la religion pehlevi, se (c'est» à-dire des anciens Perses), dont les disciples de Zoroastre (je lis

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font profession, on reconnoit que le ) زرتشتان au lieu de زرتشتیان

» monde est créé or, une chose créée suppose un créateur de toute né» cessité (3). Mais, après être convenu que le monde a été créé, il faut que

(1) M. Vullers traduit ainsi : tout ce qui est sujet au changement de couLEUR et à la destruction, &c. Il paroît avoir substitué à; mais

cette conjecture n'est pas admissible; d'ailleurs il y a opposition entre et

معلول بود و معلول Je ne saurois concevoir pourquoi ces mots du texte (2) . فساد

alistas, ont été rendus ainsi par M Vullers: tout ce qui est sujet au changement... doit avoir un auteur, et cet auteur doit être Dieu. Le texte ne souffre pas cette interprétation. Je conjecture qu'il faut lire, au lieu de : le sens littéral sera alors: et ce qui est l'effet d'une cause, n'est pas propre à la divinité, c'est-à-dire, ne sauroit être Dieu.- (3) M. Vullers a eu tort de traduire ainsi: or un créateur doit nécessairement exercer sa fonction de créateur.

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