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puissance. Une transformation continue suppose qu'en réalité aucun moment de la durée n'a marqué une forme complétement nouvelle, l'une n'avait pas cessé d'être quand l'autre commençait, en sorte que dans cel incessant mouvement vers un devenir inconnu, il est impossible de tracer une limite qui ne soit de pure convention. C'est seulement dans ce dernier sens, et avec ces restrictions, que l'on peut concevoir fictivement une origine à la planète, à la vie ou à l'être individuel. L'infiniment petit et l'infiniment grand enveloppent l'homme de toutes parts; se dérober à cette condition suprême et lui opposer une fin de non-recevoir comme non scientifique, ce serait récuser les mathématiques elles-mêmes, que l'esprit positif place à la base du savoir humain, et qui ne peuvent ni déterminer le point où l'hyperbole rencontrera son asymptote, ni concevoir le lieu où deux lignes parallèles se rencontreront, ni limiter le nombre des moyens que l'on peut insérer entre deux termes d'une progression sans que pour cela l'exactitude de leurs solutions soit jamais contestée.

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Il importe maintenant de rétrécir le sujet; et s'il est bien entendu que l'origine est toujours la consé

HUXLEY.

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quence d'une évolution, et non point une création, nous pouvons nous demander, sans craindre que l'on se méprenne sur le sens des mots, quelle est l'origine de la vie organique à la surface de la terre. De la terre elle-même il ne saurait être ici question, car il est impossible d'isoler son histoire de celle du système solaire.

Sachons seulement que notre planète a traversé des phases de constitution physique telles que des millions de siècles suffisent à peine pour laisser entrevoir une date dans la durée. Lorsque la terre brillait parmi les astres lumineux du système solaire, et que son atmosphère brûlante s'étendait dans l'espace de beaucoup au delà des limites qu'elle occupe aujourd'hui, nous savons qu'à sa surface aucune existence organique n'était possible dans les conditions que nous attribuons à la vie. Plus tard, le refroidissement, produit par le rayonnement dans l'espace, amène la formation d'une première écorce cristalline minérale continue, qui isole la masse externe; puis les eaux recouvrent, sur une épaisseur plus ou moins considérable, la plus grande partie de cette écorce; enfin, une atmosphère, où les proportions des éléments différaient de celles d'aujourd'hui, se superpose à la couche des eaux, et va servir à façonner les couches successives du globe.

« On a pensé, dit M. d'Archiac, que lors de l'apparition des premiers êtres organisés, la composition de

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l'atmosphère différait de celle de nos jours, et qu'elle doit avoir perdu, depuis, de l'azote, du carbone et de l'oxygène, entrés immédiatement ou médiatement dans la composition des corps organisés et des roches... et, en effet, l'azote n'étant connu qu'à l'état gazeux ou combiné dans les corps organisés, on ne comprend pas sous quelle autre forme il pourrait avoir existé. On doit donc penser que c'est à l'atmosphère que l'organisme animal l'a emprunté... Quant au carbone, nous devons supposer également que tout ce qui est contenu dans l'anthracite, la houille, les lignites, les bitumes, la tourbe, etc., fixé ainsi par l'action des forces vitales, a dû être enlevé à l'atmosphère (1)... »

Sans poursuivre plus loin l'examen de ces questions savamment développées dans les ouvrages de Bronn et de M. d'Archiac, nous pouvons concevoir les premières traces de la vie organique et le moment géologique auquel elles se sont montrées. Mais sous quelles formes et d'où provenaient-elles? Quelle fatalité les poussait? Venaient-elles des forces cosmiques simples transformées, ou bien représentaient-elles un fait complétement nouveau? Ce caractère de nouveauté n'était-il qu'apparent, et les germes des êtres vivants étaient-ils disséminés dans l'espace en dehors des conditions de leur existence terrestre, en sorte que ce

(1) D'Archiac, Paléontologie stratigraphique, 1re année, II partie, p. 21.

que nous croyions voir naître n'était qu'invisible? Questions indécises mais non insolubles !

« Dès que l'abaissement de la température permit aux eaux de se maintenir d'une manière permanente dans les dépressions de la surface devenues les premiers bassins des mers, dit encore M. d'Archiac, le principe de la vie se manifesta; principe mystérieux dont les actions suivies à travers les modifications les plus étranges, les types innombrables, une variété et une richesse qui défient tout ce que notre imagination pourrait concevoir pendant une série de siècles incalculables, donnent l'idée la plus grandiose de cette nature infinie dans le temps, infinie dans l'espace, infinie dans la forme (1). »

De quelque façon que l'on envisage ce problème, il semble que le mieux est de ne faire intervenir une hypothèse que si elle est absolument nécessaire; ici l'hypothèse admet une création de toutes pièces, soit par une volonté extra-naturelle, soit par une combinaison fortuite ou nécessaire des forces physiques. Supposez cette double conception renversée, que restet-il? Le fait d'une apparition des êtres organisés; or, qui dit apparition ne dit pas création; - car la notion de l'indestructibilité des forces implique seulement une transformation, ou, si l'on veut, une évolution.

Il va donc de soi, à moins d'y être contraint par un

(1) D'Archiac, Géologie et paléontologie, 1866, p. 757.

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témoignage plus positif, que la voie la plus simple est d'admettre que les germes d'un monde organique, dispersés dans l'espace, se sont développés le jour où ils ont trouvé dans les mers primitives, ou sur le sol, les conditions nécessaires à leur éclosion.

Quand il s'agit des forces physiques, nous semblons ne faire de leur origine aucune difficulté. Nous les prenons telles que nous les trouvons, chaleur, lumière, électricité, soumises à des conditions latentes ou actives qui ne nous trompent point sur leur véritable provenance. Il en est autrement de la vie organique. De ce que les premières forces que nous constatons, et dont nous ne cherchons même pas l'origine au delà de notre système, ne paraissent point suffire à engendrer par leur concours les forces organiques, il ne s'ensuit point qu'une volonté extrinsèque ait dû intervenir pour leur donner naissance. Elles étaient là, latentes. Le philosophe le plus brillant du dix-huitième siècle, Diderot, a exprimé dans les termes suivants cette ingénieuse conception :

<< Le philosophe abandonné à ses conjectures, dit-il, ne pourrait-il pas soupçonner que l'animalité avait de toute éternité ses éléments particuliers épars et confondús dans la masse de la matière, et qu'il est arrivé à ces éléments de se réunir parce qu'il était possible que cela se fit; que l'embryon formé par ces éléments a passé par une infinité d'organisations et de développements... qu'il a eu ou qu'il aura un étal stationnaire ;

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