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de la Grèce et presque complétement fermée dans les longs périodes subséquents de stagnation, ou tout au moins de gyration intellectuelle, la larve humaine s'est activement alimentée et elle a mué non moins activement. Un tégument de bonne dimension fut rejeté au seizième siècle, un autre vers la fin du dix-huitième, et depuis cinquante ans le développement extraordinaire de toutes les parties des sciences naturelles a répandu parmi nous un aliment mental si nutritif et si stimulant, qu'une nouvelle métamorphose semble imminente.

Mais souvent ces transformations s'accompagnent de convulsions, de malaise et de débilité, quelquefois même de désordres plus graves; en sorte que tout bon citoyen doit se sentir tenu de faciliter l'évolution, et, s'il n'a dans ses mains qu'un scalpel, de s'en servir pour faciliter de son mieux le débridement de cette enveloppe qui va se rompre.

C'est sur ce devoir qu'est fondée mon excuse pour la publication de ces essais. Car on reconnaîtra que quelques notions sur la position de l'homme dans le monde animé sont un indispensable préliminaire pour l'intelligence véritable de ses relations avec l'univers; et ce dernier problème se résoudra à son tour, mais à la longue, en une enquête sur la nature et l'étroitesse des liens qui rattachent l'homme à ces êtres singuliers dont l'histoire a été esquissée aux pages qui précèdent (1).

Au premier coup d'œil, l'importance d'une telle enquête est manifeste; mis en face de cette image effacée de luimême, l'homme, celui-là même qui pense le moins, a conscience d'une sorte de répulsion qui n'est pas tant due, peut-être, au dégoût que lui inspire l'aspect de ce qui

(1) On comprend que, dans cet Essai, je n'ai choisi pour les citer, parmi la grande quantité de travaux qui ont été publiés sur les singes anthropomorphes, que ceux qui m'ont paru d'un intérêt actuel.

semble être une insolente caricature, qu'au réveil d'une soudaine et profonde défiance à l'égard de théories autrefois honorées et de préjugés profondément enracinés en ce qui concerne sa place dans la nature et ses relations avec la vie du monde inférieur; et tandis que, pour celui qui ne réfléchit pas, une telle pensée reste à l'état d'obscur soupçon, elle devient un argument considérable, fécond en déductions profondes, pour tous ceux qui sont au courant des récents progrès des sciences anatomo-physiologiques.

Je me propose maintenant de développer brièvement cette thèse, et d'exposer sous une forme intelligible à ceuxlà mêmes qui ne possèdent aucune notion particulière de l'anatomie, les faits principaux sur lesquels doivent être fondées toutes les conclusions, en ce qui touche la nature de l'homme et l'étendue des liens qui l'unissent au règne animal. J'indiquerai ensuite la seule conclusion directe, qui, dans mon opinion, soit justifiée par les faits, et finalement je discuterai la portée de cette conclusion, eu égard aux hypothèses qui jusqu'ici ont eu cours sur les origines de l'homme.

Quoique ignorés de beaucoup de ceux qui se prétendent les directeurs de l'esprit public, les faits sur lesquels je voudrais d'abord appeler l'attention du lecteur sont d'une démonstration facile et sont universellement reconnus par les savants; leur signification est d'ailleurs si considérable, que celui qui en aura fait l'objet de ses méditations sera peu surpris, je crois, aux révélations ultérieures de la biologie. Je veux parler des faits qui ont été découverts et établis par l'étude du développement des êtres organisés.

C'est une vérité d'une application bien générale, sinon universelle, que toute créature vivante commence son existence sous une forme différente de celle à laquelle elle est

éventuellement destinée à parvenir, différente et à la fois plus simple.

Le chêne est un individu plus complexe que la petite plante rudimentaire contenue dans le gland; la chenille est plus complexe que son œuf, le papillon plus complexe que la chenille; et chacun de ces êtres, en passant de son état rudimentaire à sa condition parfaite, subit unc série de modifications dont la somme est appelée son Développement. Dans les animaux les plus élevés, ces changements sont extrêmement compliqués, mais, dans ces cinquante dernières années, les travaux d'hommes, tels que van Baer (1), Rathke (2), Reichert, Bischoff (3) et Remak ont presque complétement débrouillé ce chaos, de sorte que les périodes successives de développement que nous montre, par exemple, un chien, sont aussi bien connus des embryologistes que les étapes des métamorphoses du ver à soie le sont de l'écolier. Qu'il nous soit permis d'examiner maintenant avec attention la nature et l'ordre des degrés successifs du développement du genre Canis, comme un exemple des procédés naturels dans l'évolution chez les animaux supérieurs, en général.

Le chien, comme tous les animaux, sauf les plus inférieurs (et des recherches plus étendues pourront peut-être détruire cette exception apparente), commence son existence à l'état d'œuf, c'est-à-dire un corps organisé, qui est tout aussi bien un œuf que celui de la poule, mais qui est dépourvu de cette accumulation de substance nutritive

(1) Baer, Histoire du développement des animaux, traduit par G. Breschet. Paris, 1826, in-4.

(2) Rathke, Abhandlungen zur Bildungs und Entwickelungs Geschichte des Menschen und der Thiere. Leipzig, 1832-33, 2 vol. in-4.

(5) Bischoff, Traité du développement de l'homme et des mammifères, trad. de l'allemand par Jourdan. Paris, 1843.

qui donne à l'œuf des oiseaux son volume exceptionnel et son utilité domestique; de plus, l'œuf du chien est dépourvu d'une coquille, qui serait non-seulement inutile à un animal dont l'incubation s'opère à l'intérieur du du corps de sa mère, mais qui, en outre, préviendrait l'accès de la source alimentaire dont toute jeune créature a besoin, et que le petit œuf des mammifères ne contient pas en lui-même.

L'œuf de chien n'est en effet qu'un petit sac sphéroïdal (fig. 14), formé d'une membrane délicate et transparente,

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FIG. 14.

- A, Euf de chien avec la membrane vitelline déchirée, de façon à donner issue au jaune, à la vésicule germinative a et à la tache qu'elle contient b. B, C, D, E, F, Changements successifs du jaune indiqués dans le texte. (D'après Bischoff, Traité du développement. Paris, 1843, pl. I et III.)

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appelée membrane vitelline d'environ un ou deux dixièmes de millimètres de diamètre (zone transparente). Ce sac contient une certaine quantité de substance nutritive visqueuse, le « jaune » (vitellus), au sein duquel est contenu un second sac sphéroïdal beaucoup plus délicat, appelé la vésicule germinative (a); dans celle-ci, enfin, se trouve un corps arrondi plus solide, appelé la tache germinative (b).

L'œuf, l'ovum, est originairement formé à l'intérieur d'une glande, de laquelle il se détache au moment opportun, et d'où il passe dans la chambre vivante adaptée à sa protection et à son maintien pendant la durée prolongée de la gestation. Là, quand elle est soumise aux conditions voulues, cette petite portion de matière vivante, apparemment insignifiante, s'anime d'une nouvelle et mystérieuse activité. La vésicule et la tache germinative cessent de pouvoir se distinguer (leur destinée précise est encore un des problèmes non résolus de l'embryologie), mais le jaune se trouve échancré sur sa circonférence, comme si un invisible couteau avait été promené tout autour, et il paraît ainsi divisé en deux hémisphères (fig. 14, C).

Par la répétition de ce procédé sur différents points de la surface, ces hémisphères se subdivisent en quatre segments (D), et ceux-ci, de la même façon, se divisent et se subdivisent de nouveau jusqu'à ce que tout le jaune soit converti en une masse de sphérules ou globes organiques, chacun desquels est formé d'une petite sphère de substance jaune contenant une partie centrale, à laquelle on donne le nom de noyau (F)..

La nature, par ce procédé, est arrivée à peu près au résultat qu'obtient l'artisan dans une briqueterie; elle prend la matière plastique brute du jaune, et la divise en masses du même volume et de la même forme, prête à construire chacune des parties de l'édifice vivant.

Bientôt la masse des briques organiques ou cellules, ainsi qu'on les appelle techniquement, prend un groupement régulier, et elles se transforment en sphéroïdes creux à doubles parois; alors sur un des côtés de ce sphéroïde apparaît une sorte d'épaississement et, peu à peu, au centre de l'aire de cet épaississement, se montre un sillon droit et peu profond (fig. 15, A); cette rainure, ce sillon marque

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