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élevés et des hommes; sur toute autre question il laisse au lecteur le soin de se faire une opinion. Qu'à ce titre, on nous permette d'ajouter encore une page à cette introduction, et nous aurons parcouru toutes les phases de la théorie des descendances modifiées.

Pour quiconque a bien compris les lois de la concurrence vitale et de la sélection naturelle, il est clair que si les types organiques vivants dérivent de types. à bien des égards distincts, ceux-ci doivent avoir disparu; car une variété ne peut disputer le sol aux autres variétés, dans des conditions extérieures également favorables, qu'à la condition de les exterminer : et pour arriver à un tel résultat elle doit être nécessairement la mieux douée; mais il arrive en général que c'est en vertu d'une adaptation plus facile aux milieux extérieurs que les variétés se perpétuent; dans les deux cas, les modifications organiques se produiront parallèlement à leurs causes, c'est-à-dire avec une incalculable lenteur. Il en résulte que les caractères anatomo-physiologiques ne se distinguent dans la suite chronologique des êtres que par des nuances imperceptibles d'une génération à l'autre. On peut donc être assuré qu'en général, dans une même classe, plus les différences sont profondes entre deux genres, plus sont distantes les périodes de leur apparition dans le temps. C'est là, sans doute, pourquoi la science n'a pu jusqu'à ce jour répondre à la question: D'où vient l'homme? que pose M. Huxley au com

mencement du second des essais contenus dans cet écrit.

A coup sûr, l'homme occidental contemporain, autant qu'il est permis de l'inférer de sa constitution anatomo-physiologique, ne provient d'aucun des singes que nous connaissons; vraisemblablement, l'humanité, dans son ensemble, ne provient même pas de l'une quelconque des races d'hommes réparties à la surface du globe. Les probabilités nous conduiront plus loin encore dans la voie des hypothèses et nous permettent d'admettre que les hommes et les singes dérivent sans doute d'un assez grand nombre de formes organiques distinctes qui ont abouti respectivement à des expressions analogues, mais d'une portée différente par rapport à l'ensemble du règne animal.

Quoique dans l'ouvrage de M. Huxley il ne soit directement question ni de cette hypothèse ni de celle de la dérivation immédiate, on trouvera peut-être que le simple examen des faits embryologiques, examen qui forme la base du plus remarquable de ces essais, vient plutôt confirmer la première que la seconde. Que nous montre en effet le célèbre professeur : Que les différences constatées entre les hommes inférieurs et les singes supérieurs ne sont pas plus considérables que celles qui existent entre les singes des degrés extrêmes. En d'autres termes, et tout en penchant visiblement vers la mutabilité progressive, M. Huxley se borne à démontrer dans les êtres supérieurs actuels

l'existence réelle de la série organique. Sans doute c'est là une condition indispensable du progrès, mais elle est loin d'être suffisante, et nous n'hésitons pas à dire que si nous n'avions qu'un chimpanzé à placer entre Michel-Ange et le premier des mammifères, il faudrait renoncer à toute généalogie naturelle de l'homme; car、 on ne conçoit pas en vertu de quelle secrète action, les anthropomorphes qui n'offrent aujourd'hui aucune tendance progressive auraient pu être poussés jadis vers le perfectionnement. La même remarque peut s'appliquer aux races humaines inférieures qui, loin de profiter de l'impulsion civilisatrice qui leur est donnée, s'éteignent et disparaissent chaque jour au contact des peuples européens. A ce point de vue, les singest anthropomorphes et les hommes de race inférieure me semblent représenter bien plutôt des formes incomplètes, impropres à toute évolution ultérieure, que des étapes de développement. Ce sont, si l'on veut, les branches collatérales et décidues d'un arbre dont le tronc vigoureux s'élance vers le ciel. Bien loin donc que les transformations organiques nous ramènent vers l'unité de type dans les différents ordres, il semble le progrès consiste précisément dans l'extinction des êtres qui ne peuvent supporter les épreuves d'un degré de vitalité supérieur.

que

Ainsi l'homme a vraisemblablement pour progéniteurs, dans un passé dont la date est incalculable, des êtres à formes anthropoïdes, qui se rapprochaient de lui

beaucoup plus qu'aucune des formes simiennes actuellement connues et qui, cependant, n'étaient point des hommes. Mais pour autant que nous pouvons l'inférer du peu que nous savons sur les lois de la transformation des types, il nous est difficile d'admettre que les différentes espèces d'homme aujourd'hui connues puissent provenir les unes des autres. L'hypothèse qui leur donne une origine locale et qui suppose à toute une faune, une même tendance formatrice est bien mieux en accord avec l'esprit des faits. Elle a d'ailleurs pour elle l'autorité des hommes qui se sont le plus occupés de cette question, et notamment de C. Vogt, qui, dans ses Leçons sur l'homme, s'exprime ainsi : «< Différentes séries parallèles de singes ont à leur sommet des formes d'un développement plus élevé, des types supérieurs gravitant vers le type humain. Prolongeons par la pensée le développement des trois types anthropomorphes jusqu'au type humain, qu'ils n'atteignent pas et n'atteindront jamais, nous aurons ainsi, provenant de ces trois séries parallèles de singes, trois races humaines primitives...» (P. 623.) Pour Gratiolet, les orangs et les gibbons sont les formes anthropoïdes du groupe des semnopithèques, les chimpanzés sont les anthropoïdes du groupe des macaques et des magots, et les gorilles les anthropoïdes du groupe des cynocéphales (1). On voit que

(1) Gratiolet, Anatomie des troglodytes Aubryi, p. 242.

cette opinion se rapproche singulièrement de celle de Vogt; l'une et l'autre accusent les tendances des types organiques.

Dans cette conception, les hommes n'ont donc point un ancêtre, mais une multitude d'ancêtres dont les races humaines modernes sont les expressions modifiées. Parmi ces nombreux efforts vers le perfectionnement des formes, il y a eu, çà et là, ainsi que nous l'avons observé chez les animaux, des tentatives avortées, des métamorphoses régressives et aussi des bonds prodigieux qui viennent comipliquer les recherches généalogiques et décourager les esprits impatients. Cependant, on a souvent fait remarquer, avec raison, que les formes transitoires sont nécessairement les plus rares, et cette considération, unie au fait de la découverte d'une vingtaine d'espèces de singes fossiles dans les trente dernières années, ne contribue pas peu à encourager les recherches. Naguère M. Lartet a décrit les ossements du Dryopithecus fontana, espèce de gibbon à longs bras trouvé dans l'Ariége, qui, par tous ses caractères ostéologiques, se rapproche de l'homme plus qu'aucune autre espèce, notamment en ce qui est de la taille et de la mâchoire inférieure. Mais entre le dryopithèque et l'homme le plus inférieur que nous connaissions, il y a encore une lacune considérable que l'avenir comblera. Le savant naturaliste C. Vogt n'hésite pas à dire que les

HUXLEY.

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